Автор книги: Паскаль Коши
Жанр: Педагогика, Наука и Образование
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1848 et le suffrage universel
Février 1848, une nouvelle révolte parisienne amène la République et le suffrage universel masculin. Alexis de Tocqueville raconte dans ses Souvenirs comment, le 23 avril 1848, il conduit ses paysans normands de son village de Tocqueville à Saint-Pierre-Eglise pour la première élection des députés à l’Assemblée législative de la Seconde République. Tocqueville a été élu député de la Manche par ses concitoyens, élection d’un notable. Les élections n’ont pas eu pour effet de renverser l’ordre établi.
Alexis de Tocqueville, Souvenirs
« La population m’avait toujours été bienveillante, mais je la retrouvai cette fois affectueuse, et jamais je ne fus entouré de plus de respect que depuis que l’égalité brutale était affichée sur tous les murs. Nous devions aller voter ensemble au bourg de Saint-Pierre, éloigné d’une lieue de notre village. Le matin de l’élection, tous les électeurs, c’est-à-dire toute la population mâle au-dessus de 20 ans, se réunirent devant l’église. Tous ces hommes se mirent à la file deux par deux, suivant l’ordre alphabétique; je voulus marcher au rang que m’assignait mon nom, car je savais que dans [les] pays et dans les temps démocratiques, il faut se faire mettre à la tête du peuple et ne pas s’y mettre soi-même. Au bout de la longue file venaient sur des chevaux de bât ou dans des charrettes, des infirmes ou des malades qui avaient voulu nous suivre; nous ne laissions derrière nous que les enfants et les femmes; nous étions en tout cent soixante-dix. Arrivés au haut de la colline qui domine Tocqueville, on s’arrêta un moment; je sus qu’on désirait que je parlasse. Je grimpai donc sur le revers d’un fossé, on fit cercle autour de moi et je dis quelques mots que la circonstance m’inspira. Je rappelai à ces braves gens la gravité et l’importance de l’acte qu’ils allaient faire; je leur recommandai de ne point se laisser accoster ni détourner par les gens, qui, à notre arrivée au bourg, pourraient chercher à les tromper; mais de marcher sans se désunir et de rester ensemble, chacun à son rang, jusqu’à ce qu’on eût voté. « Que personne, dis-je, n’entre dans une maison pour prendre de la nourriture ou pour se sécher (il pleuvait ce jour-là) avant d’avoir accompli son devoir. » Ils crièrent qu’ainsi ils feraient et ainsi ils firent. Tous les votes furent donnés en même temps, et j’ai lieu de penser qu’ils le furent presque tous au même candidat.
Aussitôt après avoir voté moi-même, je leur dis adieu, et, montant en voiture, je partis pour Paris. »
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Alexis de Tocqueville – граф Алексис де Токвиль (1805–1859), французский политический мыслитель, публицист, историк и государственный деятель. Аристократ, консервативный либерал, один из лидеров консервативной Партии порядка в годы Второй республики (1848–1851), министр иностранных дел Франции в 1849 г. Один из родоначальников социологии и политических наук. Автор знаменитых трудов «Демократия в Америке», «Старый порядок и революция».
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1848, l’émergence du socialisme
Episode sanglant de la Révolution de 1848, les journées de juin ont révélé la naissance d’une nouvelle force, celle du monde ouvrier, sortie de la Révolution industrielle. Marx l’observa et parla de « Prolétariat ». Les idées socialistes en gestation depuis vingt ans se réveillent brutalement. Cette montée se traduit aussi par l’arrivée à la Chambre des députés socialistes promouvant une réforme sociale radicale, menaçant même la propriété privée. Pierre-Joseph Proudhon a été élu député de Paris à l’Assemblée lors d’élections partielles. Les « Journées de Juin » ont révélé de façon violente la question ouvrière. Le 31 juillet, Proudhon propose d’une manière audacieuse la mise en place d’un crédit gratuit pour réduire la misère sociale. Malmené par Adolphe Thiers à l’Assemblée, il répond en précisant sa pensée sur la nature économique de l’origine des inégalités, remettant implicitement en cause la propriété. La notion d’un « prolétariat » ayant son travail pour seule richesse est clairement affirmée.
« Citoyens représentants,
Vous êtes impatients, non pas de m’entendre, mais d’en finir. Le socialisme, depuis vingt ans, agite le peuple. Le socialisme a fait la Révolution de février: vos querelles parlementaires n’auraient pas ébranlé les masses. Le socialisme a figuré dans tous les actes de la révolution: au 17 mars, au 16 avril, au 15 mai. Le socialisme siégeait au Luxembourg, pendant que la politique se traitait à l’Hôtel-de-Ville. Les ateliers nationaux ont été la caricature du socialisme, mais, comme ils n’ont pas été de son fait, ils ne l’ont pas déshonoré: C’est le socialisme qui a servi de bannière à la dernière insurrection; ceux qui l’ont préparée et ceux qui l’exploitent avaient besoin, pour entraîner l’ouvrier, de cette grande cause.
C’est avec le socialisme que vous voulez en finir, en le forçant de s’expliquer à cette tribune. Moi aussi, je veux en finir. Et puisque vous m’avez garanti la liberté de la parole, il ne tiendra pas à moi que nous en finissions avec le socialisme, ou avec autre chose. (Rumeurs prolongées.)
J’avais écouté avec l’attention qu’elles méritaient les observations du comité des finances sur la proposition que j’ai eu l’honneur de vous soumettre. J’ai lu depuis, avec toute la diligence dont je suis capable, le rapport que vous avez entendu, mercredi dernier: et je déclare, qu’après cette lecture, je me crois plus fondé que jamais à insister sur l’adoption de mon projet. (…)
Pour moi, je suis de ceux qui prennent au sérieux cette révolution, et qui ont juré d’en poursuivre l’accomplissement. Vous m’excuserez donc, citoyens, si, pour expliquer ma proposition, je reprends les choses d’un peu haut; je serai d’ailleurs, dans ces prolégomènes, extrêmement bref.
En 93, si la mémoire ne me trompe, au moment des plus grands dangers de la République, un impôt du tiers fut frappé sur le revenu. Je ne vous dirai point comment fut établi cet impôt, comment il fut recueilli, ce qu’il rendit. Ce que je veux vous faire remarquer, et qui seul importe en ce moment, c’est qu’en 95, la propriété paya sa dette à la Révolution. A cette époque, où il s’agissait d’être ou de n’être pas, la propriété, chose rare, fit un sacrifice au salut public; ce souvenir lui est resté comme un des plus atroces de ces jours mémorables.
Depuis lors, depuis 56 ans, la propriété, je veux dire le revenu net, n’a contribué en rien à la chose publique. L’impôt, établi sur le principe de la proportionnalité, la seule base possible, a pesé constamment, de tout son poids, sur le travail; le travail seul, je le répète à dessein, afin que l’on me contredise, le travail seul paie l’impôt, comme il produit seul la richesse.
La Révolution de 1848 est arrivée. Ses dangers, ses angoisses, pour être d’une nature toute différente, ne sont pas moindres que ceux de 93: il s’agit donc de savoir si la propriété, si le revenu net, en tant qu’il se spécialise et se sépare du produit brut, veut faire, pour cette Révolution, quelque chose ! En 93, la Révolution combattait contre le despotisme et contre l’étranger; en 1848, la Révolution a pour ennemis le paupérisme, la division du peuple en deux catégories, ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas. L’objet de la Révolution de février s’est formulé tour à tour de différentes manières: extinction du paupérisme, organisation du travail, accord du travail et du capital, émancipation du prolétariat; tout récemment Droit au travail ou garantie du travail. Celle formule du droit au travail ou de la garantie du travail, est celle que vous avez adoptée dans votre projet de constitution, articles 2,7 et 152, et que vous maintiendrez, je n’en doute pas. (Bruit.) (…) »
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Pierre-Joseph Proudhon – Пьер-Жозеф Прудон (1809–1865), французский политический философ, политический деятель и экономист, идеолог анархизма. После Февральской революции 1848 г. недолгое время был членом французского парламента. Признан одним из наиболее влиятельных теоретиков анархизма.
« Journées de Juin » – восстание парижских рабочих 22-26 июня 1848 г., спровоцированное закрытием «национальных мастерских», организованных в марте 1848 г. государством c целью предоставить оплачиваемую государством работу безработным парижанам.
Adolphe Thiers – Луи Адольф Тьер (1797–1877), крупный французский политический деятель и знаменитый историк романтической школы периода Реставрации, автор многотомных трудов по истории Французской революции, Консульства и Империи. В годы Июльской монархии (1830–1848) неоднократно занимал различные министерские посты, дважды становился премьер-министром Франции. Один из «отцов-основателей» Третьей республики во Франции, ее первый президент.
Révolution f de février – Революция 1848 г. во Франции. 22–25 февраля 1848 г. в Париже произошло народное восстание, король Луи-Филипп Орлеанский отрекся от престола, была провозглашена Вторая республика и образовано Временное правительство.
17 mars – массовая демонстрация в Париже. Демократы опасались влияния консерваторов на крестьян, составлявших большинство населения Франции, и требовали перенести выборы в Законодательное собрание с 9 апреля на 31 мая, чтобы за это время организовать свою пропаганду. Временное правительство перенесло выборы на 23 апреля.
16 avril – неудавшаяся попытка организовать массовую демонстрацию в Париже с требованием отсрочить выборы в Законодательное собрание.
15 mai – массовая демонстрация в Париже в поддержку борцов за независимость Польши и против нового состава правительства.
Le socialisme siégeait au Luxembourg, pendant que la politique se traitait à l’Hôtel-de-Ville – le Luxembourg – Люксембургский дворец, здесь с 1 марта до 16 мая 1848 г. заседала Люксембургская комиссия – правительственная комиссия, созданная под давлением рабочих 28 февраля 1848 г. сразу после Февральской революции 1848 г. Комиссия изучала способы уничтожить эксплуатацию трудящихся, французские рабочие требовали скорейшего разрешения социального вопроса.
l’Hôtel-de-Ville – городская Ратуша. После Февральской революции 1848 г. в Ратуше заседало новое правительство, здесь же, с балкона Ратуши, Альфонс де Ламартин провозгласил Республику в феврале 1848 г.
un impôt du tiers fut frappé sur le revenu – В марте 1848 г. ввиду финансового кризиса правительство приняло решение увеличить на 45% все прямые налоги. Прудон ищет прецеденты этому решению в истории революции XVIII в.
en 95 – в 1795 году.
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Le coup d’Etat du 2 décembre 1851
Elu président de la République au suffrage universel pour quatre ans non renouvelable en 1848, Louis-Napoléon Bonaparte compte sur sa popularité pour se maintenir à la tête de l’Etat au-delà de son mandat. L‘Assemblée lui ayant refusé toute modification de la loi électorale, il décide de procéder à un coup de force, en suspendant la Constitution, en dissolvant l’Assemblée et en organisant un plébiscite sur le projet d’une présidence à vie. De nombreux opposants sont arrêtés, il y a quelques soulèvements à Paris et en province mais la population ne suit pas. Un an plus tard le « Prince-Président » devient « Empereur des Français » à la faveur d’un nouveau plébiscite en 1852.
Texte d’une des affiches placardées à Paris le matin du coup d’Etat
« Au nom du Peuple français,
le Président de la République décrète:
Art. 1ier L’Assemblée nationale est dissoute
Art. 2 Le suffrage universel est rétabli. La loi du 31 mai est abrogée.
Art. 3 Le peuple français est convoqué dans ses comices à partir du 14 décembre jusqu’au 21 décembre suivant.
Art. 4 L’état de siège est décrété dans l’étendue de la 1ière division militaire.
Art. 5 Le ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent décret.
Fait au palais de l’Élysée, le 2 décembre 1851.
Louis-NAPOLÉON BONAPARTE.
Le ministre de l’Intérieur, DE MORNY. »
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Assemblée f – Национальное собрание, французский парламент.
Loi f du 31 mai – избирательный закон 31 мая 1850 г. ограничивал избирательное право цензом оседлости (3 года проживания в одной и той же коммуне), что автоматически лишало права голоса большую часть рабочих, вынужденных постоянно менять место жительства в поисках работы. В результате число избирателей сократилось приблизительно на 1/3. Этот закон, принятый в период президентства Луи-Наполеона Бонапарта, носил реакционный характер и был крайне непопулярен во французском обществе.
III
La guerre franco-prussienne. Les débuts de la IIIe République
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Le Paris d’Haussmann vu par Émile Zola dans la Curée, 1871
Au milieu du XIXe siècle, alors que la Révolution industrielle bouleverse le paysage urbain européen, Paris offre un visage presque inchangé depuis le premier Empire. Quelques aménagements sous le Roi Louis-Philippe ont facilité la circulation rive droite, mais aucun projet de grande ampleur n’a été entrepris. L’arrivée au pouvoir de Napoléon III rend possible une transformation générale du paysage parisien. La volonté politique et l’ambition réformatrice de l’Empereur trouvent l’homme de la situation avec le baron Georges Haussmann. Nouvelles percées, construction d’immeubles modernes, embellissement des bâtiments officiels et création de parcs métamorphosent la capitale pour plus d’un siècle. Mais la mutation ne va pas sans conséquences en particulier sociales. Malgré le souhait du pouvoir d’améliorer le sort du monde ouvrier, le nouvel urbanisme chasse les plus pauvres vers les périphéries ou les concentre dans des quartiers restés insalubres. De plus, une odeur « d’affairisme » plane sur l’immense chantier. Avec la chute de l’Empire, Haussmann est remercié, les travaux peinent à se poursuivre, le ressentiment accumulé dans le monde ouvrier explose lors de la Commune en 1871.
« (…) Saccard, depuis longtemps, avait étudié ces trois réseaux de rues et de boulevards, dont il s’était oublié à exposer assez exactement le plan devant Angèle. Quand cette dernière mourut, il ne fut pas fâché qu’elle emportât dans la terre ses bavardages des buttes Montmartre. Là était sa fortune, dans ces fameuses entailles que sa main avait faites au cœur de Paris, et il entendait ne partager son idée avec personne, sachant qu’au jour du butin il y aurait bien assez de corbeaux planant au-dessus de la ville éventrée. Son premier plan était d’acquérir à bon compte quelque immeuble, qu’il saurait à l’avance condamné à une expropriation prochaine, et de réaliser un gros bénéfice, en obtenant une forte indemnité. Il se serait peut-être décidé à tenter l’aventure sans un sou, à acheter l’immeuble à crédit pour ne toucher ensuite qu’une différence, comme à la Bourse, lorsqu’il se remaria, moyennant cette prime de deux cent mille francs qui fixa et agrandit son plan. Maintenant, ses calculs étaient faits: il achetait à sa femme, sous le nom d’un intermédiaire, sans paraître aucunement, la maison de la rue de la Pépinière, et triplait sa mise de fonds, grâce à sa science acquise dans les couloirs de l’Hôtel de Ville, et à ses bons rapports avec certains personnages influents. S’il avait tressailli, lorsque la tante Élisabeth lui avait indiqué l’endroit où se trouvait la maison, c’est qu’elle était située au beau milieu du tracé d’une voie dont on ne causait encore que dans le cabinet du préfet de la Seine. Cette voie, le boulevard Malesherbes l’emportait tout entière. C’était un ancien projet de Napoléon Ier, qu’on songeait à mettre à exécution, « pour donner, disaient les gens graves, un débouché normal à des quartiers perdus derrière un dédale de rues étroites, sur les escarpements des coteaux qui limitaient Paris ». Cette phrase officielle n’avouait naturellement pas l’intérêt que l’Empire avait à la danse des écus, à ces déblais et à ces remblais formidables qui tenaient les ouvriers en haleine. Saccard s’était permis, un jour, de consulter, chez le préfet, ce fameux plan de Paris sur lequel « une main auguste » avait tracé à l’encre rouge les principales voies du deuxième réseau. Ces sanglants traits de plume entaillaient Paris plus profondément encore que la main de l’agent voyer. Le boulevard Malesherbes, qui abattait des hôtels superbes, dans les rues d’Anjou et de la Ville-l’Évêque, et qui nécessitait des travaux de terrassement considérables, devait être troué un des premiers. Quand Saccard alla visiter l’immeuble de la rue de la Pépinière, il songea à cette soirée d’automne, à ce dîner qu’il avait fait avec Angèle sur les buttes Montmartre, et pendant lequel il était tombé, au soleil couchant, une pluie si drue de louis d’or sur le quartier de la Madeleine. Il sourit; il pensa que le nuage radieux avait crevé chez lui, dans sa cour, et qu’il allait ramasser les pièces de vingt francs.
(…) Et la grande joie de la chambre des enfants était encore le vaste horizon. Des autres fenêtres de l’hôtel, on ne voyait, en face de soi, que des murs noirs, à quelques pieds. Mais, de celle-ci, on apercevait tout ce bout de Seine, tout ce bout de Paris qui s’étend de la Cité au pont de Bercy, plat et immense, et qui ressemble à quelque originale cité de Hollande. En bas, sur le quai de Béthune, il y avait des baraques de bois à moitié effondrées, des entassements de poutres et de toits crevés, parmi lesquels les enfants s’amusaient souvent à regarder courir des rats énormes, qu’elles redoutaient vaguement de voir grimper le long des hautes murailles. Mais, au-delà, l’enchantement commençait. L’estacade, étageant ses madriers, ses contreforts de cathédrale gothique, et le pont de Constantine, léger, se balançant comme une dentelle sous les pieds des passants, se coupaient à angle droit, paraissaient barrer et retenir la masse énorme de la rivière. En face, les arbres de la Halle aux vins, et plus loin les massifs du Jardin des Plantes, verdissaient, s’étalaient jusqu’à l’horizon: tandis que, de l’autre côté de l’eau, le quai Henri-IV et le quai de la Rapée alignaient leurs constructions basses et inégales, leur rangée de maisons qui, de haut, ressemblaient aux petites maisons de bois et de carton que les gamines avaient dans des boîtes. Au fond, à droite, le toit ardoisé de la Salpêtrière bleuissait au-dessus des arbres. Puis, au milieu, descendant jusqu’à la Seine, les larges berges pavées faisaient deux longues routes grises que tachait çà et là la marbrure d’une file de tonneaux, d’un chariot attelé, d’un bateau de bois ou de charbon vidé à terre. Mais l’âme de tout cela, l’âme qui emplissait le paysage, c’était la Seine, la rivière vivante; elle venait de loin, du bord vague et tremblant de l’horizon, elle sortait de là-bas, du rêve, pour couler droit aux enfants, dans sa majesté tranquille, dans son gonflement puissant, qui s’épanouissait, s’élargissait en nappe à leurs pieds, à la pointe de l’île. Les deux ponts qui la coupaient, le pont de Bercy et le pont d’Austerlitz, semblaient des arrêts nécessaires, chargés de la contenir, de l’empêcher de monter jusque dans la chambre.(…)
(…) Paris s’abîmait alors dans un nuage de plâtre. Les temps prédits par Saccard, sur les buttes Montmartre, étaient venus. On taillait la cité à coups de sabre, et il était de toutes les entailles, de toutes les blessures. Il avait des décombres à lui aux quatre coins de la ville. Rue de Rome, il fut mêlé à une étonnante histoire du trou qu’une compagnie creusa, pour transporter cinq ou six mille mètres cubes de terre et faire croire à des travaux gigantesques, et qu’on dut ensuite reboucher, en rapportant la terre de Saint-Ouen, lorsque la compagnie eut fait faillite. Lui s’en tira la conscience nette, les poches pleines, grâce à son frère Eugène, qui voulut bien intervenir. À Chaillot, il aida à éventrer la butte, à la jeter dans un bas-fond, pour faire passer le boulevard qui va de l’Arc de Triomphe au pont de l’Alma. Du côté de Passy, ce fut lui qui eut l’idée de semer les déblais du Trocadéro sur le plateau, de sorte que la bonne terre se trouve aujourd’hui à deux mètres de profondeur, et que l’herbe elle-même refuse de pousser dans ces gravats. On l’aurait retrouvé sur vingt points à la fois, à tous les endroits où il y avait quelque obstacle insurmontable, un déblai dont on ne savait que faire, un remblai qu’on ne pouvait exécuter, un bon amas de terre et de plâtras où s’impatientait la hâte fébrile des ingénieurs, que lui fouillait de ses ongles, et dans lequel il finissait toujours par trouver quelque pot-de-vin ou quelque opération de sa façon. Le même jour, il courait des travaux de l’Arc de Triomphe à ceux du boulevard Saint-Michel, des déblais du boulevard Malesherbes aux remblais de Chaillot, traînant avec lui une armée d’ouvriers, d’huissiers, d’actionnaires, de dupes et de fripons.(…) »
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Haussmann – Жорж Эжен Осман, или барон Осман (1809–1891), французский государственный деятель, сенатор и префект департамента Сена в годы Второй империи (1853–1870). Известен в первую очередь как градостроитель, предопределивший облик современного Парижа, осуществив задуманную Наполеоном III реновацию столицы.
Emile Zola – Эмиль Золя (1840–1902), французский писатель (основоположник натурализма во французской литературе), публицист, политический деятель. Занимал активную гражданскую позицию, широко известна его статья «Я обвиняю» (J’accuse) в поддержку Дрейфуса, французского офицера, еврея по национальности, обвиненного в шпионаже и приговоренного к пожизненному сроку.
La Curée – «Добыча», роман Золя, входящий в знаменитый 20-томный цикл «Ругон-Маккары» (Les Rougont-Macquart), в котором автор описал французское общество времен Второй империи.
la Commune en 1871 – имеется в виду Парижская коммуна 1871 г.
Aristide Saccard – Аристид Саккар, или Аристид Ругон по прозвищу Сак-кар, один из главных героев романа Золя «Добыча» и цикла «Ругон-Маккары».
Angèle – Анжела Сикардо, жена Аристида Саккара.
boulevard m Malesherbes – бульвар, названный в честь Кретьена Гийома де Ламуаньон де Мальзерба (1721–1794), французского государственного деятеля, известного тем, что защищал на суде Людовика XVI в качестве одного из его адвокатов. Являясь генеральным королевским цензором при Людовике XVI, поддержал публикацию Энциклопедии Дидро и Даламбера. Был гильотинирован во время Террора. Прадед Алексиса де Токвиля.
quai m de Béthune – набережная Бетюн названа в честь Максимильена де Бетюн, более известного как герцог де Сюлли (1560–1641), главного министра короля Генриха IV.
pont m de Constantine – мост Константин, на месте которого в настоящее время находится построенный в 1874–1876 гг. мост Сюлли (le pont de Sully).
la Halle aux vins – старый винный рынок в Париже, располагавшийся в V округе рядом с Ботаническим садом. Существовал с XVII по XX век.
quai m de la Rapée – набережная Рапе названа в честь господина де ля Рапе, бывшего главным комиссаром войск и арендатором фьефа де ля Рапе, построившего на дороге, идущей вдоль Сены, особняк ля Рапе.
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