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Текст книги "Избранные труды"


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Автор книги: Вадим Вацуро


Жанр: Критика, Искусство


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De mon c ôté j’ai pris la hardiesse de vous faire remarquer, Madame, qu’on ne parvient pas si facilement à me décontenancer, j’ai été encore forcé d’adopter le rôle qui convient le moins à mon caractère – celui d’insolent, et ce rôle, comme vous l’avez vu ne m’a pas mal réussi; j’affectais une légèreté et même une gaîeté qui étaient diamétralement opposés à ce que je sentais alors intérieurement.

Vous m ’avez dit, Madame, que vous ne me parlerez plus comme vous le faîtes avec Mr Yakowleff. De grâce, Madame, ayez la bonté de me dire, est-ce bien sincèrement votre intention. Je dois le savoir afin de pouvoir modeler làdessus ma conduite. Je n ’ai pas oublié non plus le rang de bas officier qui vous a parût si bas: cette petite sortie pourra servir de pendant à une autre de la même espèce qui a eu lieu au sujet des gens qui sont pauvres. Je sais bien que je suis pauvre et sans rang; mais j’ai l’avantage de connaître bien de personnes qui sont éminemment riches et d’un rang infiniment au dessus du mien et qui cependant ne croient point s’abaisser en me traitant d’une manière amicale. Aussi je ne cherche jamais moi-même des nouvelles connaissances; je les trouve ou par hasard, ou par des avances qu’on me fait, ce qui n’a pas peu con-tribué à rendre mon âme assez fière pour savoir apprécier à leur juste valeur les injustices qu’on me fait.

Permettez-moi, Madame, de revenir sur le chapitre de pr étentions, mot qui se trouve toujours dans votre bouche et qui doit y avoir plus d’un sens. Quelles prétentions me supposez-vous à moi, Madame? Je n’ai jamais préten-du point qu’on s’occupât exclusivement de mon chétif individu, mais je ne présente non plus l’homme de servir de plastron aux outragers lorsque vous ju-gez à bon de bouder quelqu’un. Toutes mes prétentions se bornent dans le vouloir être traité comme tout le monde et comme moi-même je suis traité; et si non, non.

En prenant la libert é de vous exposer le sujet et les motifs de mes peines, j’ose encore vous prier, Madame, de ne pas m’ôter vos bontés et votre bienveillance qui sont pour moi le seul bonheur auquel j’aspire; ainsi que de vouloir bien croire aux sentiments de la plus parfaite estime avec lesquels j’ai l’honneur d’être,

Madame,

Votre tr ès humble et très ob éissant serviteur

Est ce bien digne de votre caract ère, Madame, que de me traîter de la sorte! Peut-on apostropher du nom de voleur les gens qu’on daigne admettre chez soi et qui n’ont jamais démenti par aucune action illicite la bonne opinion que vous avez paru en avoir? La propriété d’autres est pour moi une chose si sacré, qu’il m’est pénible d’être même soupçonné de fouiller dans les papiers qui ne m’appartiennent point, car j’ai toujours donné la preuve d’une confian-ce aveugle dans les personnes qui m’honorent de leurs connaissance. Et avez-vous jamais remarqué quelque chose de semblable? m’avez-vous trouvé lisant ou feuilletant les lettres qui sont sur votre table à écrire? Hé, Madame! vous avez mal étudié mon caractère si vous me jugez capable d’une telle indignité. Et si c’est une autre intention qui a pu motiver ce prétendu soupçon, je vous plains, Madame, de n’avoir pas choisi quelque autre expédient, car M-r Pa-naïeff, qui connait assez mes principes, est parfaitement rassuré sur mon compte.

Lundi, le 13 Juin 1821.

С ’est demain que nous allons à la campagne. J’en suis enchanté; cela pourra me servir d’excuse aux yeux de Mr. Ponomareff de ce que je ne serais pas venu si souvent.

Hier, à une heure de l’après-midi, j’ai porté moi-même ma réponse à Md. J’ai choisi exprès ce temps pour lui faire voir que je l’estime encore beau-coup pour venir me justifier moi-même, et que je suis trop sûr de mon innocence pour éviter de me rencontrer avec elle: mais en même temps je savais qu’ils devaient n’être pas à la maison, parceque Mr. m’en dit encore vendredi qu’ils ne dîneraient pas chez eux dimanche. De sorte que j’ai su concilier mes devoirs de courtoisie envers Madame avec l’intention d’éviter une rencontre fâcheuse où je pourrais bien m’emporter et lui dire des choses désagréables, et je ne veux pas manquer au respect que je lui conserve. Ma lettre dira tout: je l’ai remise, bien enveloppé et cachetée, au seul domestique que j’ai pu trou-ver. J’aimerais mieux la remettre à la femme de chambre, mais elle ne s’y trou-vait point.

Apr ès dîner je suis allé chez Izmaïloff qui m’a promis la veille de me mener chez le fameux Ganine, chez qui il y a tous les dimanches la musique etc. Izmaïloff m’a pourtant manqué de parole: il n’a pas dîné à la maison et n’était pas encore rentré. En revenant, j’ai passé encore chez Panaïeff qui va mieux: j’ai pris le thé chez lui. Il m’a reçu avec plus de franchise que la veille. Nous avons parlé de Madame, enfin de matière en matière je suis resté chez lui jusqu’à onze heures. Yakowleff est aussi venu le voir. Il a conté plusieurs traits du prêtre Mansuetoff qui m’ont confirmés dans la bonne opinion que j’en avais conçue.

En sortant de chez Pana ïeff j’ai passé une heure chez Amélie qui était venu depuis trois mois vainement frapper à ma porte. Je me ris quelquefois de moi-même. Je me venge toujours sur ma personne des injustices qu’on me fait. Dans l’Ukraïne, en Pologne, après la disgrâce d’une femme comme il faut, je me précipitais entre les bras d’une courtisane, comme pour tirer vengeance de mes propres sentiments. Amélie pourtant fait exeption: elle est joli, modeste, même sensible comme elle le s’expose et sa petite figure chiffonné d’alleman-de, et sa taille svelte et gracieuse, sa belle chevelure, son beau sein peuvent faire une illusion au défaut de mieux. Elle a été enchantée de me revoir, mais elle s’est aperçue que j’étais trop distrait.

J ’ai été trop sage les trois mois derniers; je faisais le sacrifice de mes plaisirs, reprimant mon tempérament de feu à une personne qui s’en moquait. Parlons maintenant des folies, tâchons de nous étourdir en buvant dans la coupe des plaisirs faciles et d’oublier les rêves séduisants d’un bonheur imagi-naire. Ici, où je me peins tel que je suis et que personne ne lira, du moins avant ma mort, je n’ai pas besoins de me déguiser.

Mardi, le 14 Juin 1821.

La matin ée d’hier s’est passeé à écrire. Je suis pourtant sorti avant deux heures pour respirer l’air frais dans le jardin. J’y ai trouvé le compte Kwostoff qui me faisait subir mort et martyre avec la traduction de son épître: il me mé-nace de venir à la campagne du Prince et de m’apporter plusieurs exemplaires de la traduction de S. Maure.

A 7 heures j ’allais dans la société des Zélateurs pour passer avant l’ou-verture chez Bulgarine et chez Yakovleff ayant eu à parler à tous les deux. J’ai rencontré le colonel Noroff en droschki dans la Grande Meschtschansky: il al-lait me trouver ou, à défaut de moi, Mr. Izmaïloff pour faire ensemble son entrée chez les Zélateurs. Je lui ai dit qu’il était encore trop de bonne heure, la séance ne s’ouvrant qu’à 9 heures et je l’ai invité à passer chez Bulgarine que nous avons trouvé entouré de deux Polonais, gens de lettres. Peu de moments après, viennent chez lui Woïeikoff, Gretsch, Gnéditsch et Nicolas Bestougeff; nous passons ensemble à la Société et sur l’escalier le pauvre colonel tombe, sa jambe de bois ayant glissé sur une pierre trop aplanie. Pendant la séance, Gnéditsch nous lit un très beau discours, très pathétique, pour remercier la Société de l’avoir reçu son membre effectif. Il prononçait avec beaucoup de feu et avec cet art de déclamer que personne ne peut lui disputer. Tous les cœurs ont été électrisés; j’étais tout ouïe et tout attention. Le discours a été assez long et pourtant j’aurais voulu qu’il durât deux fois autant. Dans la suite de la séan-ce on l’a élu président en second de la Société.

La s éance étant levée et les membres fonctionnaires élus pour le se-mestre qui vient, on a fermé la Société pour un mois et demi. Gneditsch, Gretsch, Borotynsky, Glinka, Delwig, Lobanoff et moi, nous sommes allés prendre le thé chez Bulgarine. La réunion a été extrèmement animée, on cau-sait, on racontait des anecdotes etc. Gnéditsch m’a demandé si je n’ai pas dîné ce jour-ci chez Md. sa tante? Je lui ai dit que non. – II y a eu pourtant un dîner invité. – J’étais sûr d’avance que je n’y serais pas invité. – Pour-quoi? – Madame est fâchée contre moi. – Elle s’apaisera avec le temps; cela ne dure pas longtemps chez elle. J’en conviens; mais j’ai aussi mes raisons pour y aller le plus rarement possible.

Lobanoff a été à ce dîner. Il m’a dit qu’il n’y a eu que lui et sa femme et le gros Krylo ff.

Tout le monde étant parti, nous sommes restés à trois:

Bulgarine, Glinka et moi. Je leur ai lu mes stances à la Liberté, ils les ont trouvé bons, mais ils m’ont conseillé de ne les donner à personae.

Je suis rentr é après deux heures.

Non! je ne pourrai pas venir demeurer chez elle. Je dois partir au-jourd ’hui à la campagne. Il y a une lettre qui m’inquiète beaucoup et qu’on a reçu de Twer adressée à la Princesse Barbe; la main qui a mis l’adresse m’est inconnue. Je serai au désespoir si elle dit des nouvelles fâcheuses d’Alexis ou de son aimable épouse; ils sont au voyage et il y a si longtemps qu’on n’en a reçu aucune nouvelle, et elle surtout qui est enceinte! S’il arrive quelque mal-heur, adieu mon pauvre Alexis! je devrai pleurer une double perte de deux êtres qui m’étaient si chers dans la vie.

A 11 heures du soir. A la campagne.

J ’ai été dans des angoisses mortelles. Heureusement que ce n’est qu’une lettre de Mr Ossipoff, comme je l’ai su de la Princesse Barbe elle-même. Je ne sais qui aurait pu prendre plus d’intérêt à ses amis, à des personnes qu’il chéris, comme je le fais. Mon cœur était oppressé d’un poids énorme, et je n’ai repris ma gaîeté qu’après la connaissance de la chose. Je n’ai pas pourtant quitté la ville sans avoir vu le colonel Noroff: je l’ai trouvé écrivant en italien une lettre à sa sœur. J’ai causé avec lui plus de deux heures. Nous nous som-mes arrangés pour aller jeudi chez Md Panaïeff; je ne sais si cela aura lieu.

En arrivant ici, nous avons été tout de suite au carrousel. Le Prince me-nait sur la calèche tantôt la Psse Natalie, tantôt Md Golovine. Il n’y a eu d’abord d’étrangers que Fabre et un autre français nouvellement débarqué, et un Anglais de la société de Mylady Chagot auquel j’ai donné l e sobriquet de Nonchalent noir, car il en a bien l’air avec sa mine niaise et son habit noir de pied en chef. Un moment après, nous avons vu caracoler une cavalcade. C’était le Comte Chernyscheff avec les deux Konownitzin, Simoni, un <нрзб.> et deux palefr eniers. Le Prince les a invité d’entrer dans la lice. Le Comte lui seul a fait les prix de la bague, de la balle, de l’épée et de l’étendard, mais il n’a pas pu se résoudre au prix du pistolet à cause de son cheval ombrageux. Il a fait manœuvrer son cheval de toutes les manières. C’est un joli cavalier que ce petit comte; il n’est pas moins habile à monter que son écuyer même. Ce soir j’ai joué au billard avec Kürchner.

Нет! я не смогу остаться с ней. Я должен сегодня же уехать на дачу. Меня очень беспокоит письмо из Твери, адресованное княжне Варваре и надписанное незнакомой для меня рукой. Я был бы в отчаянии, если бы в нем сообщались дурные новости об Алексее и его милой супруге; они путешествуют, и уже так давно от них нет никаких известий, тем более, что она еще и в положении. Если случится несчастье, прощай, мой бедный Алексей. Я должен буду оплакать двойную потерю людей, которые так дороги мне были в жизни.

11 часов вечера. На даче.

Я был в смертельном страхе. По счастью, это всего лишь письмо от г-на Осипова, как мне сообщила об этом сама княжна Варвара. Я не знаю, кто мог бы более, чем я, интересоваться своими друзьями, теми, кто ему дорог. Мне было так тяжело на сердце, я смог вновь обрести веселость, лишь когда узнал, в чем дело. Тем не менее я не уехал из города, не повидав полковника Норова; я застал его за письмом, которое он писал на итальянском языке своей сестре. Мы проговорили с ним более двух часов и договорились в четверг пойти к г-же Панаевой: не знаю только, удастся ли это сделать.

Приехав сюда, мы тотчас же отправились на карусель.[20]20
  В дневниковых записях этого периода Сомов постоянно упоминает садовые увеселения: разного рода качели и, в особенности, карусель. Особый интерес к ним Сомова неслучаен. Еще год назад, будучи за границей, он подробно описывал в письмах к А. Е. Измайлову празднества и народные гуляния во Франции и Австрии (см.: «Праздник в саду Тиволи (письмо к издателю “Благонамеренного” из Парижа)» // Благонамеренный, 1820. № 13). Термин «карусель» к 20-м годам XIX века обладал двумя основными значениями: карусель как вид конного состязания, игрища, и карусель как кружильное устройство. Причем для обозначения конной игры слово употреблялось чаще в мужском роде (см.: «Ода на великолепный карусель…» В. Петрова, «О каруселях» В. Л. Пушкина), а для обозначения катального устройства – в женском роде. В имении, где жил Сомов, судя по всему, имелись обе разновидности карусели (каруселя). В данной записи Сомов, конечно же, имеет в виду карусель конный. Обычно такой карусель совмещал в себе игровую сторону со зрелищной (классическим образцом каруселя в России был карусель, данный Екатериной II в 1766 году). Участники, одетые в маскарадные платья и представлявшие разные народности: славян, индейцев, турок и т. д., разделялись на четыре группы – кадрили. Скача верхом на лошади с большой скоростью по кругу, они должны были при этом продемонстрировать свою ловкость в так называемых карусельных играх. Наиболее распространенной была «колечная игра» (jeu de bague). Целью ее было поддеть на полном скаку копьем или шпагой кольцо, подвешенное, укрепленное, либо лежащее на земле. Существовали и игры следующего рода: всадник на всем скаку должен был вонзить шпагу, меч или копье в специально поставленное чучело (вариант: разрубить чучело); на полном скаку попасть мячом в сетку или корзину, подвешенную в центре ристалища, и т. д. Все эти игры упоминает Сомов, хваля наездническое мастерство графа Чернышева. В отличие от конного каруселя, карусель как кружильное устройство была излюбленным развлечением прежде всего для дам. Живые лошади в такой карусели заменялись деревянными фигурками коней, располагавшихся на концах горизонтальных шестов, серединой насаженных на бревноось. Шесты приводились в движение слугами. Возможна была и иная конструкция: деревянные лошадки располагались на «ходячем круге», составлявшем центральную часть восьмигранного помоста. На нем размещались коляски для дам (одноколки), обитые сукном, «запряженные» деревянными «коньками» с натуральными гривами и хвостами и седлами часто из алого сукна. Верхом, либо в колясках, так же, как и в настоящем конном ристалище, можно было участвовать в карусельных играх-состязаниях: колечной игре, состязании с мячом, копьем, шпагой и др. (см.: Левинсон А. Г. Развитие фольклорных традиций русского искусства на гуляниях. Дис. на соиск. ученой степ. канд. искусствоведения. М., 1980. Гл. 1). (Примеч. пер.)


[Закрыть]
Князь катался в экипаже то с княжной Натали, то с г-жой Головиной. Из иностранцев сперва были лишь Фабр и другой француз, недавно прибывший сюда, а также англичанин из общества миледи Шаго, которого я прозвал Черной беспечностью из-за его простоватого выражения лица и черного одеяния с головы до ног. Через некоторое время мы увидели гарцующую кавалькаду. Это были граф Чернышев с двумя Коновницынами, Симони и двумя конюхами. Князь пригласил их принять участие в состязании. Граф сам сорвал все призы: в колечной игре, в состязании с мячом, шпагой и штандартом. Но он не решился на состязание с пистолетом из-за своей пугливой лошади. Этот малютка граф – прекрасный наездник. Он ездит верхом не хуже своего берейтора. Вечером я играл на бильярде с Кюрхнером.

Се 15 Juin 1821.

La premi ère nuit que j’ai passée à la campagne a été fort agréable. Hier je suis arrivé ici vers 9 heures avec Princesses. En passant près de la porte d’Yakowleff, j’ai fait arrêter la voiture et je suis entré un instant chez lui pour m’excuser de ce que je n’ai pas pu l’attendre dans la journée. J’ai demandé de nouvelles de M-me P… ff. Pas un souffle de vie: il semble qu’on veut nous oub-lier tous les deux. Il est vrai que ma lettre a été un peu dure – mais j’étais outré par l’injustice qu’on m’avait faite. Pouvait-on penser que je me fusse ja-mais permis une action reprochable et m’en écrire sur le ton que si c’était la vérité déjà prononcée? Et qu’ai-je besoin de lire ces maudits chiffons de pa-piers? De quel intérêt sont-ils pour moi?

En arrivant nous avons de faire un tour dans la campagne. Madame Go-lowine m ’a reçu avec son amabilité accoutumée. Peu d’instants après les deux princesses sont venues. Nous avons été tous ensemble faire encore un tour jus-qu’à grand canal. J’ai fait à M-me Golowine des compliments de la part des jeunes Dournoff, et elle n’a pas manqué de me demander des nouvelles de M-me Ponomareff. Il y entrait un peu de malice. Je lui ai dit simplement qu’il y a plusieurs jours que je l’aie vue et que je ne comptais pas la revoir de sitôt. Elle m’a fait comprendre que ces disputes ne font que resserer les liens qui nous attachent à l’objet aimé, с ’est de quoi je douta fort, connaissant mieux mon ca-ractère.

Il semble que je respire ici plus à mon aise. Aujourd’hui nous nous sommes promenés à 9 heures avec le Prince, Madame Golowine et la jeune Princesse. Puis je suis entré un instant chez M-me Golowine pour lui apporter le roman d’Iwangoë que j’ai acheté exprès pour le lui faire lire, car elle m’a tourmenté depuis longtemps en me priant de lui procurer ce plaisir. Sa petite a été charmante: elle est endormie dans sa petite calèche, tandis que je causais avec la maman. M. Gol. m’a dit de paraître avec elle sur le balcon, afin d’éviter mauvaise interprétation qui pourrait bien avoir lieu avec les personnes dont on est ici entouré. J’aime beaucoup le caractère paisible de cette dame, elle rit, elle plaisante, elle ne donne aucune espérance ni permet d’en avoir, et pour-tant on passe son temps auprès d’elle avec beaucoup de plaisir, c’est une espèce d’amitié si ce mot peut être placé pour exprimer les rapports indiffé-rents de deux personnes d’un sexe différent. Je l’ai plaisanté sur son voisinage avec les beaux anglais de la suite de Mylady Chagot; elle m’a raconté qu’il y a deux jours que cette dame l’a comblée d’amitiés et qu’elles roulaient ensemble en calèche sur les Montagnes Russes de la campagne de M-er N<aryschkine>, qu’elle l’a invitée à passer chez elle, mais qu’aimant la solitude elle s’y est re-fusée.

A 8 heures du soir.

J’ai lu quelques pages de mon Tasso, j’ai eu quelq ues moments de tris-tesse; voilà le domestique qui vient de la part du Prince pour m’inviter au carrousel.

A 11 heures du soir.

Tout le monde s ’est retiré; je ne veux pas encore dormir; c’est surtout ce temps de réconcillement et de solitude qui me rend à mes tristes réflexions: j’ai été trop gai pendant toute la journée.

C ’est pourtant une jolie chose que ce carrousel avec des calèches at-telées de chevaux: la Princesse Natalie a fait tous les prix: M-me Golowine aussi. J’ai tant sautillé, jasé, ri, qu’on m’aurait pu prendre pour un échappé de la maison jaune. Nous nous sommes ensuite balancés la P. Natalie, Mme Gol…, Mr Sweschnikoff et moi, sur la flotte aérienne et sur la balançoire française que le Prince a imitée du jardin de Tivoli. Le soir j’ai joué deux parties au billard avec Mme Golovine que je lui ai fait gagner et une avec la Prin-cesse Barbe que j’ai gagnée: je donne 15 d’avance à chacune de ces dames. La Princesse Natalie s’est mise au piano, elle a joué et chanté la Ronde du Chaperon et la Romance du Compte Robert de la même pièce, puis La Placida Campagna. Jolie voix, très bonne manière, mais ce n’est pas celles de M-me P… ff: l’âme n’y est pas; j’en ai fait la remarque à Mr Sweschnikoff: il ne re-vient pas du tout ce que je lui dis du bien de M-me P… ff, lui qui aime tant les jeunes femmes. J’aime assez le chantre de M-me Golovine, elle ne surcharge pas sa voix de ce style maniéré et pourtant est agreable.

Ce 16 Juin à 11 heures du matin.

A neuf heures la Princesse Natalie m ’a envoyé dire à M-me Golovine de venir la joindre pour aller ensemble au canal de Ligoff: je suis entré chez M-me et je l’ai trouvé toute en pleurs: son enfant se trouve mal depuis cinq heures du matin. Enfin l’enfant s’est un peu pacifié et nous sommes partis, en partie carré, comme je le dis en plaisantant à la Princesse: elle, M-me G., Sw. et moi; Kürchner est parti pour la ville avec le Prince. A moitié chemin du canal de Ligoff nous avons rencontré une dame anglaise à cheval avec un chevalier à côté, qui courraient à tout bride par la grande allée. C’est une des nouvelles connaissances de M-me Golowine. Après une promenade de 4 verstes nous sommes rentrés vers 11 heures. La jeune Princesse a été très aimable et très gaie: elle vient de recevoir une lettre du cmte Zuboff.

A 11 heures du soir.

La soir ée s’est passée fort agréablement. A 7 heures le Prince est reve-nu de la ville. Mr. Golovine après avoir fui la partie de boston avec la Princes-se, Sweschnikoff et moi est parti. La Princesse et sa fille sont allées en voitur e, le Prince, K ürchner et Sweschnikoff se promènent à pied, je reste dans le salon avec Md Golovine qui se met au piano. Tout en jouant et en chantant elle me fait subir un interrogatoire; elle plaisante, je veux me fâcher et je ris: les Princesses sont rentrées. La Princesse mère, nous voyant seuls, en a fait une remarque en ricanant: elle nous a apostrophé d’inséparables. Ce mot m’a cho-qué; je me rappelai un mot semblable de Baktine et l’ai envoyé à tous les diab-les. J’ai été un peu confus, et ne me suis remis qu’à bout d’une demi-heure lorsque Md Golovine m’a proposé une partie de billard. Je lui ai dit en riant que cette fois-ci je ne la laisserai pas gagner et lui ai tenu la parole dans trois parties que j’ai jouées avec elle.

La jeune Princesse s ’est mise au piano; elle a joué et chanté plusieurs airs de Borgondio et même de Catalani avec beaucoup de goût et de justesse; elle a été d’une humeur charmante. Kürchner lui a proposé d’être son maître de chapelle ce qu’elle a accepté. Di tanti palpiti, Ombra adorata, Corne cervo foribondo etc. etc. ont été très bien exécutés. Kürchner finit par parodier quel-ques paroles des airs et je l’ai aidé. Nous avons fait rire la Princesse, le Prince et tout le monde. La gaieté de Md. Golovine et de la jeune Princesse ont beau-coup contribué à rendre cette soirée fort agréable. La Princesse Barbe n’a pas reparu toute l’après-dîner.

Au souper, le G énéral Prévost de Lamianc arrivé, nous a raconté les nouvelles du jour, comme c’est ordinairement son habitude. Il nous a dit le malheur qui est arrivé à l’acteur Durand dont le bateau a choppé près de Kres-towski ostrow: le pauvre Durand y a perdu un enfant à la mamelle.

Ce 17 Juin à 9 heures.

Nous avons d éjeuné, le Prince, le général, M. Sweschnikoff, Kürchner et moi, à 8 heures. Un moment après le Prince est encore parti pour la ville. J’ai vu un moment la P-sse Natalie; elles vont aussi à Kamenny-ostrow chez la maréchale. Le temps m’ayant paru détestable, je pris le parti de rentrer. J’ai écrit une lettre à M. Rousseau qui quitte bientôt Paris pour aller transplanter son embonpoint sur le sol d’Angleterre.

A 11 heures du soir.

La soir ée a été assez belle; après le carrousel et la promenade on s’est réuni au salon. J’ai joué au billard avec le Prince. Madame Golovine a chanté en se faisant accompagner par Kürchner qui faisait la grimace en exécutant plusieurs airs des romances françaises. Il a pourtant joué avec plaisir l’accom-pagnement de Per una sola fila et la musique du Prince Serge Golitzin pour la romance Je laime tant que Md. G. a chanté avec beaucoup de goût et de sentiment. Il faut que ce Prince Golitzin fût un homme sensible pour avoir composé un air si tendre et qui vient droit au cœur, surtout il est dans un parfait accord avec les paroles. Cette simplicité de sentiment, cette peinture d’un amour qui trouve dans toutes les choses l’objet de sa tendresse, se fait entendre et sentir dans la musique du Prince G. comme dans les vers de <нрзб.> Madame Golovine a aussi chant é plusieurs airs des opéras comiques françaises qui ont rap-pelée au Prince le séjour à Paris: il a été ranimé.

Samedi, ce 18 Juin, 1821, à 11 heures.

Nous nous sommes promen és avec le Prince et les Dames. La Princesse Nathalie a été d’une très bonne humeur, parcequ’elle a vu la veille des futures belles-soeurs et qu’elle a reçu une lettre du Comte Zouboff.

La soir ée s’est passée sur la plaine de jeux. Je me suis balancé sur la balançoire à cordes avec la Princesse Natalie: nous même mettions en mouve-ment la balançoire. J’ai saisi cette occasion pour lui parler de son promis. Elle a paru très satisfaite de l’intérêt que je prends à lui.

Dimanche, ce 19 Juin, à 11 heures.

Le Prince est parti pour Pawlowsk, parcequ ’il ne veut point dîner chez l’Impératrice le jour de gala le 26 juin. Les deux princesses et Md Golovine sont allées chez la maréchale. La princesse Barbe est malade. Elle m’a com-muniqué la lettre de sa sœur qui lui écrit qu’Alexis et son aimable épouse ne sont partis que 4 Juin de Charkoff. C’est Schydlowsky qui en fait part à Savva Martynoff. Le général Prévot boit comme une souche; Sweschnikoff est allé se promener en bateau sous le golfe; Kürchner accompagne le Prusse. J’attends vainement le zélateur Anastacéwitz pour aller avec lui en ville.

A 10 1/2 heures du soir.

Le Prince est revenu vers 7 heures. Nous avons eu beaucoup de monde dans le jardin d ’en haut. Le Comte Schérémeteff et Mr Simonin ont paru contents de me revoir; je n’ai pas encore été cette année-ci à la campagne du Comte: il m’en fait des reproches. Les deux Miss Simples, toute la famille de Séverine, Lady Bouzot avec son époux; son cousin Cotzeroff. Mr Bainkeur et plusieurs autres anglais; les enfants du Cte Orloff-Dénissoff; ceux du Cte Ko-nownitzin, beaucoup d’étrangers etc. ont peuplé le jardin. On se balançait aux différentes balançoires, on se roulait, on se promenait, et la soirée a été très animée. Nous sommes rentrés à six heures. Immédiatement après souper tout le monde s’est retiré, parce que le Prince s’est levé de très bonne heure et qu’il n’a pas eu le temps de faire sa sieste.

Demain j ’irai en ville, j’irai aussi voir Md Ponomareff. Voyons de quel air je serai reçu.

Кажется, здесь мне дышится легче. Сегодня в девять часов мы прогуливались с князем, госпожой Головиной и молодой княжной. Потом я зашел на минутку к г-же Головиной, чтобы занести ей роман «Айвенго», который я специально купил, чтобы она смогла его прочесть: она давно уже одолевала меня просьбами доставить ей это удовольствие. Малышка ее была прелестна; она заснула в своей колясочке, пока я разговаривал с маман. Г-жа Головина попросила меня появиться с ней на балконе, дабы избежать кривотолков со стороны окружающих нас здесь людей. Мне очень нравится спокойный характер этой женщины, она смеется, шутит, сама она не подает никакой надежды и не разрешает ее иметь, и тем не менее с ней проводишь время с большим удовольствием; это вид дружбы, если это слово может быть употреблено для обозначения безразличных отношений между представителями различных полов. Я подшутил над ней по поводу соседства двух красивых англичан из свиты миледи Шаго; она рассказала, что два дня назад эта дама проявила к ней чрезвычайно дружественное расположение: вместе они катались на Русских горках на даче у г-на Нарышкина, миледи приглашала ее к себе, но, любя одиночество, г-жа Головина отказалась.

8 часов вечера.

Я прочитал несколько страниц своего Тассо, у меня было несколько грустных минут; но вот и слуга, который пришел от имени князя пригласить меня на карусель.

11 часов вечера.

Все разошлись, я не хочу еще спать; это время успокоения и одиночества отдает меня во власть грустных размышлений: мне было слишком весело в течение всего дня.

Все-таки это хорошая выдумка – карусель с колясками, запряженными лошадьми; княжна Натали выиграла все призы, г-жа Головина тоже. Я столько прыгал, болтал и смеялся, что меня можно было бы принять за сбежавшего из желтого дома. Потом мы вместе с гном Свешниковым качались на подвесных лодках[21]21
  Сомов упоминает известный в те времена вид качелей flotte aйrienne – подвесные лодки, или флот, имевший некоторое сходство с каруселью. «Качающиеся на них сидят вместо кресел в лодочках, украшенных флагами разных цветов: круг, на котором лодочки сии оборачиваются, устроен наклонно к земле, и на нем сделаны местами то углубления, то возвышения, так что лодочки в самом деле как бы плавают но волнам» (Благонамеренный, 1820. № 13. С. 34 – Примеч. пер.).


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и на французских качелях, которые князь построил по образцу качелей Тивольского парка. Вечером я сыграл две партии на бильярде с г-жой Головиной, которая выиграла, и княжной Варварой, у которой выиграл я: обеим дамам я даю 15 очков фору. Княжна Натали села за фортепиано, она сыграла и спела рондо дуэньи и романс графа Роберта из этой же оперы, затем La Placida Campagna. Прекрасный голос, чудесная манера исполнения, но это не г-жа П… ва: души в этом нет. Я сказал об этом г-ну Свешникову, но он совершенно не откликнулся на те лестные слова, которые я произнес в адрес г-жи П. вой, – он, который так любит молодых женщин. Мне вполне нравится пение г-жи Головиной, она не насилует своего голоса изощренным исполнением и тем не менее приятна.

16 июня, 11 часов вечера.

В девять часов княжна Натали послала меня за г-жой Головиной составить ей компанию в прогулке к Лиговскому каналу; я вошел к мадам и застал ее всю в слезах: ее ребенок плохо себя чувствует с пяти часов утра. Наконец ребенок немного успокоился, и мы пошли на увеселительную прогулку парами, как я шутя назвал ее в разговоре с княжной: она, г-жа Г., Свешников и я; Кюрхнер уехал в город с князем. На полдороге к Лиговскому каналу мы встретили англичанку верхом в сопровождении кавалера, они скакали во весь опор по большой аллее. Это одна из новых знакомых г-жи Головиной. Пройдя 4 версты, мы вернулись домой к 11 часам. Княжна была очень мила и весела: она только что получила письмо от графа Зубова.

11 часов вечера.

Вечер прошел очень мило. В 7 часов князь вернулся из города. Г-н Головин, отказавшись от партии в бостон с княгиней, Свешниковым и мной, ушел. Княгиня с дочерью отправились на прогулку в карете, князь, Кюрхнер и Свешников прогуливались пешком, я остался в салоне с г-жой Головиной, которая села за фортепиано. Во время пения и игры она подвергла меня допросу, она шутила – я хотел рассердиться, но рассмеялся; в это время княгиня с княжной вернулись. Княгиня, заметив нас одних, обратила, подсмеиваясь, на это внимание, назвав нас неразлучными. Эти слова меня неприятно поразили; я вспомнил подобные же, произнесенные Бахтиным, и послал их ко всем чертям. Я почувствовал себя смущенным и оправился лишь через полчаса, когда г-жа Головина предложила мне сыграть партию на бильярде. Я смеясь сказал, что на этот раз не позволю ей выиграть – и сдержал свое обещание в трех партиях, которые мы с ней сыграли.

Княжна села за фортепиано; она сыграла и спела несколько арий Боргондио и Каталани с большим вкусом и тактом; она была в прелестном настроении. Кюрхнер предложил ей быть ее капельмейстером, и она согласилась. Di tanti palpiti. Ombra adorata. Corne cervo fo-ribondo и т. д. и т. д. были великолепно исполнены. Под конец Кюрхнер стал пародировать слова некоторых арий, я его поддержал. Мы насмешили князя, княгиню и всех остальных присутствовавших. Веселость г-жи Головиной и княжны во многом способствовала тому, что вечер удался. Княжна Варвара не появлялась с обеда.

Пришедший во время ужина генерал Прево де Ламьянк рассказал нам по своему обыкновению новости дня. Он сообщил нам о несчастье, приключившемся с актером Дюраном, лодка которого перевернулась вблизи Крестовского острова: бедный Дюран потерял при этом грудного младенца.

17 июня, 9 часов.

Мы, то есть князь, генерал, г-н Свешников, Кюрхнер и я, позавтракали в 8 утра. Вскоре князь уехал в город. Я мельком видел княжну Натали; они тоже едут на Каменный остров к жене маршала. Так как погода была отвратительная, я решил вернуться домой. Я написал письмо г-ну Руссо, который вскоре покидает Париж, дабы переселить свое упитанное тело на английскую почву.

11 часов вечера.

Вечер был довольно хорош; после каруселя и прогулки все собрались в гостиной. Я играл на бильярде с князем. Г-жа Головина пела под аккомпанемент Кюрхнера, который морщился, исполняя мелодии французских романсов. Тем не менее он с удовольствием исполнил аккомпанемент Per una sola fila и музыку князя Сергея Голицына на романс Я так ее люблю, который г-жа Г. исполнила с большим вкусом и чувством. Видимо, этот князь Голицын был человеком весьма чувствительным, сочинив нежную мелодию, так много говорящую сердцу, тем более, что она еще и идеально соответствует словам. Эта простота чувства, изображение любви, которая во всем находит предмет своего обожания, ощущается, слышится в музыке князя Г., как и в стихах <нрзб.> Госпожа Головина спела множество арий из французских комических опер, которые напомнили князю о его пребывании в Париже; он был оживлен.

Суббота, 18 июня 1821, 11 часов.

Мы совершили прогулку с князем и дамами. Княжна Натали была в очень хорошем настроении, поскольку она повидалась накануне со своими будущими невестками и получила письмо от графа Зубова.


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