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Автор книги: Андрей Андреев


Жанр: Зарубежная образовательная литература, Наука и Образование


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17. Alexandre IER à G. F. Parrot

[Saint-Pétersbourg, à la fin d’avril ou au début de mai 1803]1


<…>2 le plus avantageusement placé pour juger des sentiments que l’on a pour Vous,

<…> mais que ce sont précisément les événements, qui éprouvent l’homme, lui en attendant

<…> l’assurance qui Vous est si bien dûe de ma sincère estime.

Alexandre

18. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat, mai 1803]


Sire!

Me voici vis-à-vis de Votre lettre; je la relis, peut-être pour la dixième fois. L’attendrissement qu’elle m’a causé à la première lecture ne diminue pas et je ne sais comment répondre. Les idées et les sentiments, le souvenir de mon séjour à Pétersbourg, le bonheur dont Votre présence m’a comblé, supérieur à tout ce que mon ardente imagination osait se permettre de désirer – tout se croise dans ma tête et dans mon cœur – je ne viens pas à bout d’écrire. Je me trouve si heureux dans cette situation! – Mais les affaires m’appelleront bientôt, et je Vous dois, Sire, une réponse dictée par la raison seule.

Croyez, Sire, fermement, que j’ai percé en effet au travers de la pourpre qui Vous environne, que je n’aime de toute Votre personne que Vous-même. Peu après Votre avènement au trône Vos premiers Ukases m’inspirèrent de l’enthousiasme pour le Monarque qui sait aimer les hommes, et lors de votre passage à Dorpat, où j’eus le bonheur de Vous dire à la hâte quelques mots dictés assurément par un sentiment pur, je ne voyais encore en Vous que l’instrument de bonheur de 40 millions d’hommes. Votre présence me mène plus loin que je ne croyais. Le ton de Votre réponse m’assura qu’elle contenait quelque chose de plus expressif que les mots officiels dont je dressai le protocole. Je commençai à Vous appartenir. Cependant je fluctuais encore. Je redoutais l’influence du Monarque. Il est si difficile d’éprouver ses sentiments. À Pétersbourg, où Votre cœur daigna s’adresser au mien, je me donnai à Vous sans réserve, sans crainte, sûr à présent qu’aucun égoïsme ne pouvait entrer dans ce que j’éprouvais pour Vous. Cette sûreté me rend heureux, elle adoucit l’amertume qu’on tâche de répandre sur ma vie; peut-être me rendra-t-elle invulnérable à cet égard. Laissez-moi ce sentiment tout entier, Sire. Laissez-moi Vous aimer à ma façon; et quand l’heure sonnera – souvenez-Vous de moi, comme Vous me l’avez promis. Je paierai ma dette en homme dans l’âme duquel les sentiments tendres n’ont laissé aucune empreinte de la faiblesse.

Sire, Vos réflexions sur la prospérité, l’adversité et l’attachement m’ont frappé. D’abord, j’ai été ravi de pouvoir en conclure que Vous Vous trouvez heureux. Il est vrai que les Princes qui se trouvent heureux sur le trône ne sont pas rares. Il y en a tant qui ont le secret de faire le bonheur de leurs sujets en toute commodité et de trouver ce passe-temps fort agréable, tandis que les Princes qui aiment véritablement leur peuple tombent souvent dans le défaut de ne pas aimer leur sublime vocation, parce que les difficultés qu’ils éprouvent les fatiguent. Ceux-là exigent trop peu d’eux-mêmes, ceux-ci exigent trop de l’humanité. Vous sentez sûrement, Sire, tous les désagréments de Votre situation; mais Vous savez que l’homme fort doit les supporter, qu’il doit accepter des mains de la providence les maux comme les biens sans répugnance, de gaieté de cœur. Il faut être généreux envers la nature, comme elle l’a été envers Vous. Vous l’êtes, Sire, je lis avec enthousiasme dans Votre lettre que Vous Vous trouvez heureux. Soyez-le, ô le plus chéri des mortels, soyez-le constamment, dans le sens que je donne à ce mot. Il n’y a que Vos ennemis qui puissent Vous souhaiter un bonheur constant dans le sens vulgaire1.

Vous m’avez donné une maxime qui m’a fait un plaisir infini. Elle est d’une vérité frappante. «Ce sont précisément les événements qui éprouvent l’homme lui-même». Une confiance immodérée en ses propres forces, la présomption, pour m’exprimer simplement, est une partie marquée du caractère de notre siècle. J’ai droit de le dire parce que je ne fais pas d’exception pour moi-même. Je me suis plus d’une fois surpris à ce défaut, qui me vient de la nécessité où je me suis constamment trouvé de payer de ma personne. On se fie trop facilement à soi-même lorsqu’on est persuadé de sa bonne volonté, et cette confiance immodérée a souvent coûté à tel honnête homme sa moralité parce que pour arriver à ses fins qui étaient bonnes en soi, il est devenu facile sur les moyens, faute de force pour y arriver en droiture. Jusqu’à présent je n’ai pas encore fléchi sur mon principe de ne point employer des moyens ignobles même pour le plus noble but. Aussi ai-je souffert, surtout tant que mon caractère n’était pas formé.

Mais, Sire, en m’accusant moi-même de présomption ne diminue-je pas la confiance dont Vous m’honorez, surtout sur le point de ce que Vous voulez bien appeler mes offres? Je l’ignore. Mais je sais qu’il était de mon devoir d’être vrai, et je n’ai à cet égard qu’un vœu, c’est que, que Votre confiance soit grande ou petite, forte ou faible, Vous me teniez parole dès que le cas s’en présentera.

Votre second principe, que ce sont des événements qui nous apprennent à connaître ceux qui nous sont véritablement attachés, est beaucoup moins vrai que le précédent. À la vérité il paraît en découler tout naturellement. «Si nous avons besoin de l’expérience pour apprendre à nous fier à nous-mêmes, comment se fier aux autres sans le secours de ce guide éclairé?»

Ma réponse est simple: le cas est différent. Pour tirer quelque profit d’une ou de plusieurs expériences, il faut connaître parfaitement les conditions sous lesquelles elles ont eu lieu, en morale comme en physique. Or n’est-t-il pas incomparablement plus difficile de connaître ces conditions lorsqu’il s’agit de juger des actions d’autrui que quand il est question de nous-mêmes? La plus saine logique est un guide bien peu sûr lorsqu’il s’agit de déterminer les motifs d’actions qui nous sont étrangères. L’esprit d’un seul luttant contre mille autres doit s’attendre, il est vrai, à quelques victoires mais aussi à bien des défaites, et ses victoires même doivent lui paraître douteuses. Ici comme en politique on chante souvent le Te Deum des deux côtés pour la même bataille2. Mais que faire dans cette incertitude? Vous surtout, Sire, dans la position où le genre humain s’applaudit de Vous voir, Vous souffrirez de votre principe et de mon commentaire. Je ne connais point d’état pire que celui de l’incertitude, parce qu’il paralyse l’homme fort, le rend l’esclave de l’avenir auquel il aurait le droit de commander. Mais, qui croira que la Nature ait abandonné dans quelque condition que ce soit l’homme moral à ce triste état? Il est vrai qu’elle n’a ni dû ni pu calquer l’homme sur le monarque. Mais si son ouvrage est parfait, le monarque doit se retrouver dans l’homme, surtout dans l’individu de qualités supérieures; il n’y a que le méchant qui fasse exception dans quelques conditions qu’il se trouve. Vous possédez, Sire, à un degré éminent, le secret qu’il Vous faut, celui de lire dans le cœur de l’homme par le sentiment. Le besoin Vous a forcé plus d’une fois d’en faire usage, et si Vous avez eu soin d’affranchir chacun de Vos jugements de toute influence étrangère au sentiment, sûrement Vous ne Vous serez pas trompé. Il n’y a que les jugements mixtes qui puissent être incertains. Un cœur pur nous conserve, dans toute son intégrité, ce tact délicat dont la nature nous a doués pour reconnaître nos semblables. Veuillez, Sire, lire dans les Abderites de Wieland le chapitre intitulé: le cosmopolite. C’est un traité charmant sur cette matière, qu’on ne cherche pas dans cet ouvrage3. Vous y trouverez bien des raisons de Vous fier à ce tact précieux qui compense des siècles d’expérience et nous fait pour ainsi dire participer à la toute science qui est l’apanage de la divinité.

Ce guide, sur la nature duquel la philosophie ne nous a encore rien dit de satisfaisant, est infiniment plus sûr que l’expérience et le raisonnement – vassaux de notre faiblesse et fauteurs de la défiance. Le sentiment au contraire qui réside dans l’homme pur ouvre son cœur à la confiance ou l’arme invinciblement contre l’hypocrisie.

Vous voyez un homme pour la 1re fois dans une situation importante à Vous et à lui. Il veut Vous tromper. Si c’est une tête faible, Votre regard fixe qui interroge pour ainsi dire son intérieur, le trouble, et la fraude est découverte presque avant qu’il ait parlé. S’il s’est préparé, si son cœur accoutumé à l’estime est armé contre ce regard, son maintien aura ou la gaucherie de l’homme indécis, ou le caractère vague du poltron qui se bat en retraite, ou le mielleux du flatteur ou le froid de l’homme qui a abjuré tout sentiment, ou enfin le faux air d’une franchise affectée. Quiconque est exempt de ces vices les découvre à l’instant dans autrui. Mais l’homme qui Vous parle ne peut pas Vous tromper, son intérêt est le même que Vôtre, parce que Vous ne Vous intéressez l’un et l’autre qu’au bien. Il est confiant, parce qu’il mérite la confiance. Son maintien est libre; il peut être gauche, mais ce sera la gaucherie de la modestie ou de la timidité. Son regard est ouvert, peut-être, un peu indécis, mais jamais louche. Le ton de sa voix est celui de son cœur. Occupé uniquement de son objet il ne songe pas à Vous captiver, mais il s’est établi dans Votre cœur sans en avoir le dessein avant que Vous ayez songé que Vous lui en ouvriez Vous-même l’entrée.

Tels sont, Sire, les rapports de l’homme à l’homme lorsqu’il a conservé le précieux trésor de son innocence. Il reconnaît ses semblables, se sent attiré vers eux et est repoussé par le méchant. Tel êtes Vous; permettez-moi de Vous prier de rester tel. Employez Votre raison à juger de la raison, des talents, en général du mérite intellectuel, mais réservez à Votre cœur, à Votre propre moralité, le soin de juger du cœur, de la moralité d’autrui. Alexandre le macédonien n’eût pas pris la médecine suspecte s’il n’avait consulté que sa raison dans ce moment important. Que pouvait-elle lui dire en faveur de l’ami s’il eût cru à la possibilité d’une trahison de sa part? Alexandre s’abandonne au sentiment, jette un regard sur l’ami en lui donnant la lettre et boit la coupe, et justifie par cette action le titre de grand qu’il tient de la flatterie ou de l’inconséquence des historiens; il prouve du moins qu’il était capable de quelque chose de mieux que de dévaster des provinces4.

Ma lettre est devenue un traité. Mais le sujet me fera pardonner cette longueur. Il n’est point d’indulgence, Sire, dont Vous ne soyez capable, et je n’ai pas l’ambition de ne pas vouloir être l’objet de la Vôtre, heureux d’être sûr de l’obtenir.

Ma femme a été comme moi infiniment sensible au souvenir gracieux dont Vous l’avez honorée, et rien ne manquerait à la jouissance qu’il lui cause, si elle ne nourrissait depuis le départ des tricots la crainte d’avoir déplu à S. M. l’Impératrice en osant les Lui adresser directement. C’est la première fois que sa main timide traçait des lignes pour une Impératrice.

Le sacrifice que je devais à ma parole est consommé. Je ne possède plus que les cendres de Votre lettre. Sire, est-ce un présage que cette lettre sera un phénix? Je ne Vous dirai pas que mon cœur le désire. Vous savez que ce désir est au-dessus de toute expression. Il découle si naturellement des sentiments que je Vous ai voués. Ne regrettez pas de régner sur mon cœur.

Parrot

19. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, à la veille du 4 juillet 1803]1


Sire!

Lorsque Vous daignâtes me donner l’assurance que j’aurais le bonheur de Vous voir, je n’avais d’autre intérêt que de satisfaire un besoin de mon cœur. Être si près de Vous, passer presque chaque jour sous Vos fenêtres, et ne pas jouir quelques instants de Votre présence est un sacrifice que je n’aurais pas eu la force d’apporter à l’emploi de Votre temps. Je comptais d’ailleurs que le peu de minutes que Vous m’accorderiez ne serait pas perdu pour l’État. Ces instants me fortifient dans l’observation des mes devoirs. Aujourd’hui je suis forcé de changer quelque chose à ce plan et d’y faire entrer quelque intérêt de ma part. L’objet de ma mission exige que quelques idées que je dois présenter samedi matin à la Commission générale des écoles soit auparavant offertes à la délibération de V. M.2 Il n’est pas question, Sire, d’employer Votre autorité entre la Commission générale et moi. Nous sommes d’accord presque sur tous les points; la Commission et surtout le Ministre paraissent n’être que satisfaits de ma mission. Mais il est quelques points sur lesquels la Commission générale hésite de prononcer et sur lesquels elle ne se croit pas à même de faire des représentations officielles à V. M.

J’ai pris tacitement sur moi de prier V. M. de s’expliquer sur ces points, et d’informer le Ministre et les principaux membres de la Commission générale immédiatement avant la séance pour pouvoir tout terminer dans cette séance et me renvoyer dans le courant de la semaine prochaine, renvoi indispensable pour mettre l’université au courant de l’ordre au commencement du semestre prochain qui est au 1re Août.

Sire, ne Vous étonnez pas de ma hardiesse. C’est Vous-même qui me l’avez inspirée. Elle doit Vous prouver (si tout est que Vous eussiez besoin de preuves) que quand quelques fois je Vous parle de Vos vertus ce n’est pas le langage de l’adulation, mais celui du cœur, d’une persuasion inébranlable. Il n’appartient qu’à Vous d’inspirer une telle confiance, et tous mes vœux vont à la justifier. Sire, je brûle de désir de Vous voir, pour la chose publique et pour ma jouissance.

Parrot

20. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg], 6 juillet [1803]1


Sire,

Permettez-moi de satisfaire à un besoin pressant de mon cœur de Vous parler de mes sentiments pour les bienfaits que Vous m’avez accordés hier. Hier je ne l’ai pas fait pour qu’aucun motif étranger à la belle cause que je Vous présentais ne put paraître avoir influé sur Vos résolutions. Vous avez agi en homme qui aime les hommes avec passion. Vous m’avez promis ce qui paraissait impossible et qui n’est possible qu’à Vous. <Vous avez surpassé l’idée que Vos Ministres ont de Votre cœur qu’ils sont si à même de connaître.>

Alexandre! Aujourd’hui je puis Vous dire ce que hier je n’eusse pu dire sans commettre un espèce de crime. Hier Vous avez fait pour Votre gloire plus que tout ce qui a précédé. L’établissement des écoles de paroisse est la pierre de touche à laquelle les contemporains et la postérité jugeront de la vérité de Vos sentiments2. Tout ce que Vous avez fait jusqu’alors pour les sciences eût été peut-être fait par un Auguste ou tout autre Hypocrite qui enrichit les gens de lettres pour en être payé par de l’encens. Mêmes Vos soins, si vrais si tendres, pour donner au gros des nations que Vous gouvernez un état supportable, peuvent être attribués à la simple pitié, comme à quiconque n’a pas foulé aux pieds tous les sentiments naturels. – Mais le gros des nations n’a point d’encens; mais la voix de sa reconnaissance passe rarement la cabane du pauvre qui jouit des dons de son ange tutélaire. Mais l’établissement de plusieurs milliers de foyers de lumières pour la partie méprisée de l’humanité prouve que Vous ne la méprisez pas, que Vous respectez votre semblable jusques dans les conditions que la barbarie avait rayées de la chaîne des êtres pensants.

Jouissez de cette belle action, Sire, sentez en toute la grandeur, et soyez sûr, que quelque soit la vicissitude des choses et des opinions humaines, dès aujourd’hui Votre rang est fixé parmi les premiers bienfaiteurs du genre humain.

Vous n’en serez pas plus heureux pour cela, dans le sens vulgaire. Au contraire: à la hauteur morale où Vous Vous placez Vos devoirs augmentent et la difficulté de les remplir. L’opinion de Vos vertus s’élève et avec elle l’attente de Votre Empire et de la postérité.

Alexandre! Mortel chéri qui est devenu l’idole de mon cœur, fais-toi un devoir sacré de te surveiller toi-même avec la plus scrupuleuse exactitude. Ne t’en tiens pas aux vertus de la bienfaisance. Épluche ton cœur, développe tous les replis de ton âme pour la délivrer de tout ce qui pourrait en souiller la pureté. Persuade-toi que toute faiblesse mène à un vice, que toutes les vertus se tiennent, que tous les vices sont parents. N’écoute que ta propre voix, que la voix de ta vertu. – Fais en sorte que rien ne manque à mon héros.

Voilà comment s’exprime ma reconnaissance. Le bienfait d’hier n’exigeait pas moins. Dois-je en dire davantage? J’attends les questions. Les réponses seront austères et dictées par le sentiment sublime qui fait que je t’aime plus que tout ce qu’on aime sur la terre.

<Sire! Jetez à présent un regard sur la marche de nos relations. Je puis provoquer ce regard avec une sérénité qui fait mes délices. Lorsque j’eus appris à connaître l’Être aimant que les hommes flattent, que les femmes trouvent beau, je me dis à moi-même: La nature en veut faire le héros de la vertu. Les hommes, les femmes et les circonstances voudront le corrompre. Mais je jurai par le ciel, par la vertu que j’aime encore plus que Vous, ou de l’emporter sur les hommes et sur les femmes et sur les circonstances, ou de périr.

Je prévois plusieurs questions que Vous avez à me faire. Je n’y réponds pas d’avance, mais croyez fermement que la vérité trouvera pour chacune d’elles la réponse dans mon cœur. Je dois partir dimanche au plus tard. Accordez-moi encore auparavant une heure d’entretien pour signer les traités que la vertu nous dictera et Vous parler de Votre santé. Calculez d’avance tous les arrangements sur ma manière de vivre présente. Je suis et veux rester éternellement professeur à Dorpat. Il n’est qu’un cas possible, celui que Vous connaissez, de me faire quitter cette vocation. Alors je fronderais le préjugé que ce changement occasionnerait, avec la même facilité avec laquelle je partagerais Vos dangers3.

Si j’ai eu tort à Vos yeux touchant le contenu de cette lettre, brûlez-la, sans en conserver la cendre4, et oubliez à jamais

Parrot.>5


Je dois partir dimanche au plus tard. Encore une heure d’entretien. La vertu, l’amour sacré de l’humanité nous inspirera les traités que nous avons à conclure. Je te jure par cette même vertu que j’aime encore plus que toi, que je serai fidèle à nos engagements.

En écrivant cette lettre je m’abandonne sans réserve à mon sentiment. Est-ce de l’enthousiasme? Et si c’en est, pourrez-Vous, Sire, le condamner? Si nous avions tous deux ce malheur, brûlez ma lettre, sans en conserver la cendre, et oubliez à jamais

Parrot.


P. S.

Pour éloigner toute espèce d’objets étrangers à la chose, permettez-moi de Vous rappeler les objets d’hier, qui peut-être Vous échapperaient dans la multitude des autres. Le présent à jeune Ungern-Sternberg. Le témoignage public d’estime à rendre à Sivers. L’État de toutes les écoles de nos 4 provinces6. Le projet concernant les universités russes. Permettez-moi enfin d’y ajouter le souvenir de Votre promesse touchant Votre portrait7. Kügelgen est à Réval chargé de mes reproches pour avoir perdu patience. Il est prêt à revenir dès qu’il saura que ce sera avec fruit. Sire! Il faut payer ses dettes, quoiqu’il en coûte.

Annexe

Mémoire d’établir des Universités en Russie 1


Le but est de donner à la nation russe des Universités vraiment nationales. Les lumières doivent enfin devenir indigènes. Pour y réussir il faut former une masse d’hommes instruits à qui on puisse confier l’instruction de la nation sans avoir recours à l’étranger. Mais c’est l’étranger qui doit former ce premier fond.

Pour cet effet il faut retarder de 6 années l’établissement formel des universités, mais en assigner de suite les fonds et les employer à cet objet. On aura par là d’abord l’avantage de tout préparer à loisir pour leur établissement, bâtiments, collections, instituts et surtout des étudiants.

Pour former le corps des professeurs on choisira dans toute l’étendue de l’Empire par chaque nouvelle université 100 jeunes gens le plus instruits que possible, et on les enverra étudier à des universités d’Allemagne sous l’inspection d’un Directeur qui fournira à leurs besoins de la manière prescrite ci-après. Ces jeunes gens seront recommandés particulièrement aux soins de ces universités, et l’on ne suppose en eux que les connaissances de philologie ordinaires.

La 1e année ils apprennent la langue allemande (langue dont ils ne peuvent d’ailleurs se passer par la suite) et se perfectionnent dans les langues anciennes. La seconde année ils peuvent déjà profiter de plusieurs collèges de la faculté de philosophie, tels que mathématiques, histoire naturelle etc.; pendant cette année ils cultivent encore la langue allemande pour être sûrs que dans la 3e ils sont à même de pas perdre la moindre chose des collèges les plus difficiles. L’expérience a appris que le Russe a ordinairement besoin de moins de temps pour se faire à une langue étrangère.

Pendant la 3e et 4e année ils s’appliquent indistinctement à toutes les sciences dans l’ordre que leur prescriront les professeurs de l’Université.

Au bout de la 4e année l’Université (non pas le Directeur) qui a eu tout le temps d’apprendre à connaître ces jeunes gens à fond instituera un examen général rigoureux et choisira parmi les 100, 30 des plus capables pour remplir des places de professeurs aux universités russes. Les autres sont renvoyés dans leur patrie pour se charger de l’instruction dans les gymnases et écoles de district, de façon que pour le district de chaque nouvelle université on gagne par là 70 précepteurs très bien formés.

Les 30 restent pendant la 5e année à l’université où ils se trouvent, après quoi ils passent pour la 6e année à une ou plusieurs autres universités, où ils prennent les grades académiques <ceux qui étaient à Göttingen iront à Jena, ceux de Jena iront à Göttingen>. Le but est de les former plus parfaitement en leur faisant jouir de plusieurs universités, et d’exciter une espèce d’émulation entre les universités qui les forment. Au bout de ces 6 ans les nouveaux professeurs retournent dans leur patrie et on les place aux nouvelles universités, en ayant soin de mêler les sujets, en sorte que les races se confondent et n’apportent pas aux universités russes l’esprit particulier de telle ou telle université allemande. Sa Majesté accorde aux universités qui ont formé les étudiants des récompenses honorifiques et lucratives.

Pendant tout ce temps d’instruction on n’a pas employé toutes les sommes annuelles de l’université russe à fonder. Le reste sert à bâtir les bâtiments, à fonder les bibliothèques, collections et instituts nécessaires, en sorte que les jeunes professeurs à leur arrivée trouvent tout en ordre, et des étudiants préparés pendant 2 ans à entendre leurs cours.

Les devoirs du directeur de chaque centurie d’étudiants sont de veiller à l’entretien, aux mœurs et à la diligence des sujets qui lui sont confiés, d’instituer à cet effet des examens de temps en temps. Il ne les logera ni les nourrira immédiatement, mais leur donnera par quartier leurs revenus fixés par l’état ci-après, afin qu’ils ayent absolument les mêmes prérogatives que les étudiants étrangers avec lesquels il vivent.


État de cet établissement


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