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Автор книги: Андрей Андреев


Жанр: Зарубежная образовательная литература, Наука и Образование


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26. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 12 décembre [1803]

Le 12 Décembre


Sire!

Votre Empire va consacrer à Votre souvenir la journée qui commence1. Des millions d’âmes pures, de cœurs droits vont adresser à l’Être Suprème des vœux pour une âme pure, pour un cœur droit que cet Être Suprème a placé sur le trône. Avant que l’aurore donne le signal du mouvement général j’entre dans ma solitude pour me joindre plus intimement à cette grande masse qui Vous chérit, pour penser à Vous, Vous aimer sans réserve, sans distraction, pour Vous dire que je Vous aime, pour Vous parler de ce sentiment profond que Vous m’avez inspiré. Alexandre! Votre cœur est sensible; il connait l’amitié; Vous lirez avec plaisir ces lignes dictées par le sentiment le plus tendre et le plus pur.

Peut-être en cet instant êtes Vous Vous-même dans le recueillement, occupé à rendre grâces à l’Être Suprême pour l’amour que Vous consacrent tant de millions de Vos semblables. Que j’aime à voir mon Alexandre, mon héros pénétré de ce sentiment sublime! Cette harmonie entre lui et son peuple doit plaire à la divinité. Un Empire d’un côté, Alexandre de l’autre! Tous deux à ses pieds, tous deux reconnaissants. L’humanité n’a rien de si beau à lui offrir.

Que Vous êtes heureux! O! je voudrais pouvoir Vous répéter ce mot journellement, Vous le rappeler sans cesse et surtout dans les instants désagréables où Votre cœur souffre de ne pouvoir faire tout le bien qu’il se propose. La somme des maux que Vous épargnez à l’humanité est grande. L’idée de Vous être consacré tout entier à ce sublime emploi doit Vous être une source inépuisable de bonheur.

Que Vous êtes heureux! – Gardez-Vous de trouver dans ce mot une flatterie raffinée que m’avait dictée malgré moi mon tendre attachement pour Vous. Je n’ignore pas combien il Vous reste encore à faire pour prendre ce mot dans un sens absolu, Vous savez Vous-même que Vos idées les plus chères sont encore loin de l’exécution et qu’il Vous faudra encore des années de combats, de persévérance, de la constance la plus opiniâtre pour en réaliser une partie. Cependant je Vous le répète: Vous êtes heureux, heureux d’avoir conçu sur le trône ou peu avant d’y être monté, les idées sublimes. Vous êtes heureux par la volonté décidée que Vous avez de les réaliser. Vous êtes heureux, parce que Vous trouverez dans Votre caractère la fermeté nécessaire pour vaincre les obstacles qu’on Vous opposera. Vous êtes heureux par l’activité perpétuelle que Vous avez à Vos devoirs. Vous êtes heureux enfin par la reconnaissance universelle.

Que je serais heureux moi-même si j’avais l’assurance que le sentiment profond que Vous m’avez inspiré, en devenant en quelque sorte réciproque, contribue aussi à Votre bonheur! Car, être aimé sans aimer ne rend pas heureux. On ne jouit que de son propre sentiment. O Alexandre! À cet instant Votre image se présente vivement à mon cœur. Je Vous vois m’aborder pour la première fois à Pétersbourg, avec cette physionomie pleine d’intérêt qui m’inspira le désir ardent d’être aimé de Vous. – Mes yeux se mouillent. O mon Héros! Ami des hommes! Mortel si cher à l’humanité. Si mon vœu ne peut s’accomplir, si ton cœur en cherche un autre que le mien – ne crois pas que j’en serai malheureux. On ne jouit que de son propre sentiment. Celui de tes vertus, l’amour dont tu es si digne, me restera et fera le bonheur de ma vie. Oui, il me restera puisque tu seras toujours le même, puisque tu aimeras toujours mes frères avec la même tendresse. – Mais je réitère mon ancienne prière. Quand le moment viendra – souviens-toi de moi et de ta parole. Les cendres de ta lettre me restent.

Parrot

27. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat, peu après le 12 décembre 1803]1


Sire,

Cette fois-ci c’est l’égoïsme qui me met la plume à la main. Mon cœur a besoin de voir quelques lignes dictées par le Vôtre. Depuis mon retour de Pétersbourg j’ai passé bien des moments où j’ai eu besoin de tout le fond de confiance que la nature m’a donné, où il a fallu me rappeler toute la force des principes dont je Vous ai entretenu souvent dans mes lettres, pour ne pas désespérer des hommes et des circonstances.

La seule lettre que j’ai reçue de Vous n’est plus; sa cendre ne s’est pas encore ranimée. Si elle existait encore, je la lirais dans ces instants douteux, et chaque mot, en me retraçant l’âme pure de mon héros, purifierait la mienne. «L’homme n’est pas fait pour être seul» a dit le plus ancien des sages dont nous ayons encore les écrits2; cependant les circonstances isolent si souvent l’homme moral!

Je m’accuse moi-même de présomption pour vouloir me rapprocher précisément de Vous, et si quelque profane jetait les yeux sur cette lettre – je sens toutes les fausses conséquences qu’on en tirerait. Vis-à-vis de Vous je puis le braver, mon cœur sent profondément que le Vôtre ne me fera jamais un reproche pareil. Cependant je m’accuse de présomption. Mais que faire? Depuis ma plus tendre jeunesse j’ai un besoin pressant de rechercher ce qui est vrai et bon, de m’y attacher, de fondre tout mon être avec cet être que je crois se rapprocher le plus de l’idéal que je porte partout avec moi, sur lequel je mesure tout ce qui m’entoure. – J’ai Votre portrait dans ma chambre, en attendant que l’Université ait un salon pour le placer3. Le vulgaire le trouve peu ressemblant parce qu’il Vous ressemble en effet, parce que l’artiste m’a compris. Le vulgaire, accoutumé à Vous voir à la cour ou à la parade, ne sait Vous voir que là. Mais la postérité comparera le tableau à Vos actions et Vous trouvera ressemblant. Voilà ce qui me ramène toujours à Vous, malgré tout ce que la fortune, les circonstances font pour m’éloigner.

Vos actions – si Vous aimez la gloire, écrivez un journal de Vos actions comparées à Vos pensées, à Vos sentiments, un journal détaillé qui atteste à la postérité combien Vos vœux, Votre amour de l’humanité sort au-dessus de ce que Vous avez pu faire, Vous en aurez besoin. Mais si Vous êtes insensible à la gloire, si Vous sentez que le témoignage que Vous pourrez Vous rendre à Vous-même Vous suffira toujours, dans quelque situation que Vous Vous trouviez – n’écrivez pas de journal et donnez ces minutes à Votre Empire.

Je Vous donne des conseils! Précisément parce que je sens mes imperfections, parce que je sens combien je suis éloigné de l’idéal que je n’atteindrai jamais. O Alexandre! Vous voyez jusqu’où je veux que mon idole s’élève.

Je Vous ai demandé une lettre. Vous me l’accorderez. Vous répondrez au contenu de celle-ci et à celle du 12 décembre. Votre peuple ne saura jamais rien de cette correspondance mais s’il la connaissait, il me pardonnerait sûrement de lui avoir ravi quelques instants de Votre existence. Si Vous aviez besoin d’un motif étranger pour Vous déterminer, je le trouverais dans Votre justice; Vous avez accordé des récompenses à tous ceux qui ont travaillé dans la cause des paysans de Livonie. J’y ai aussi travaillé; permettez-moi donc, après coup, d’être intéressé, et de Vous demander ma récompense.

Vivez heureux! C’est le vœu le plus cher

de Parrot

28. G. F. Parrot à Alexandre IER

Dorpat, [19 mai 1804]

le surlendemain de Votre départ 1


Sire,

Je voulais Vous écrire hier matin, mais cela ne m’a pas réussi. Les deux heures de solitude matinale que j’ai tous les jours se sont passées à penser à Vous; ma plume n’allait pas. – Elles n’ont pas été perdues, ces deux heures. J’ai passé en revue les instants de cette heure délicieuse que Vous m’avez donnée, et j’en suis devenu meilleur. Jouissez de ce triomphe, le plus beau que je puisse Vous donner. Mon amour pour la vertu est devenu plus pur; j’ai plus d’empire sur moi-même; j’espère vaincre un jour cette impatience du bien qui me dévore, qui tient à l’égoïsme plus de près qu’on ne pense peut-être; Vous m’avez appris cette vérité le 16 mai. Voyez si j’ai raison de Vous aimer, de Vous croire meilleur que je ne suis. Ne craignez pas de partialité dans mes jugements sur Votre personne; lorsque j’aurais des raisons de Vous soupçonner un défaut, comptez bien sûrement que je Vous en avertirai, avec une rigueur proportionnée à la vivacité de mon attachement; je veux que mon idole approche de mon idéal d’aussi près que la nature humaine en est susceptible. Alexandre! je suis heureux de pouvoir Vous aimer de cette manière. Vos doutes sur cette possibilité ne m’ont pas ébranlé, et s’ils avaient eu ce funeste effet, une femme du peuple que la foule étouffait à Vos côtés m’eût guéri radicalement. Étouffez-moi, s’écrie-t-elle, j’ai pourtant vu mon Empereur. – Reconnaissez la sublimité de cet instinct dont la nature nous a donnés. Si cette femme ne Vous avait pas vu, si une Majesté froide avait frappé ses regards, elle eût crié au secours. Oui nous possédons ce talent de reconnaître notre semblable sans le connaître. Notre âme n’attend pas les calculs de la lente expérience pour se porter vers l’homme dont le regard, dont toute l’expression atteste la sensibilité et la candeur. – On m’a fait mille questions sur ce que Vous avez dit dans Votre longue tournée sur nos remparts2. Je n’avais presque rien à répondre, et je m’en félicitais secrètement. Alexandre! Vous étiez plus occupé de Votre peuple que de nos bâtiments, voilà ce que le peuple sent, voilà ce que je sens parce que je suis, grâce à la providence, encore peuple sur cette matière.

Je suis très heureux, par Vous; je compte l’être toujours, parce que mon bonheur dépend de mes sentiments et non pas des Vôtres. Vraisemblablement je ne pourrai pas remplir les conditions que Vous mettez à Votre attachement; je ne pourrai pas toujours monter sur l’échelle de Votre estime; la nature humaine s’élève, il est vrai, avec les années comme les siècles, mais elle est sujette à des baisses temporaires dans l’individu comme dans l’espèce. J’attends ces baisses de Votre part, il est vrai bien rarement, mais je les attends cependant, et elles ne diminueront en rien le tendre, l’indestructible attachement que je Vous ai voué.

Adieu, mon héros! Le ciel Vous conserve.

29. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 4 juin 1804


Sire,

Le sujet de cette lettre n’est pas de ma compétence. Ainsi de règle je devrais me taire. Mais si par délicatesse je négligeais un devoir supérieur, ce serait Vous trahir, et cela par intérêt, puisque au bout du compte nous ne négligeons nos devoirs que par égoïsme.

Il se répand des bruits de guerre, et la conjoncture présente leur donne de la vraisemblance. La Russie va faire marcher contre la France; on dit même qu’elle <la Russie> veut forcer la Prusse à se déclarer. Je ne crois point à la seconde partie de ce bruit. Ce serait de la politique d’autrefois. Vos principes sont différents de ceux de Votre célèbre Aïeule. Vous étendrez Votre Empire personnel sans dominer Vos voisins.

Mais la guerre contre la France est plus tôt dans le rang des possibles. Je connais, il est vrai, trop peu les raisons qu’on peut alléguer pour Vous y engager ou celles que Vous pouvez avoir de Vous y décider. Mais ce que je sens, c’est que deux pays qui sont à de si énormes distances l’un de l’autre ne sont pas destinés par la nature à se faire la guerre, et si la politique le veut en dépit de la nature, c’est toujours l’agresseur qui est puni d’avoir rompu la barrière. Ménagez-Vous l’avantage d’être attaqué. La guerre n’est pas une bataille. Laissez au César des français la peine de faire 1400 Werstes pour Vous trouver; il sera alors toujours assez temps de le battre, si toutefois les armées françaises ont encore reste de l’ancien enthousiasme pour la liberté à prodiguer à la petite vanité de leur despote.

S’il attaque Vos voisins et que la foi des traités Vous lie, Vous avez raison de Vous montrer allié fidèle, mais si les coalitions ont jamais été bonnes à quelque chose, c’est pour la défensive, et en ceci l’histoire met le sceau en principe de morale, que les traités d’alliance ne doivent avoir lieu que pour la défense. Reconnaître un nouvel Empereur ou ne pas le reconnaître ne fait rien à la chose1. Si Vous ne le reconnaissez pas, qu’il vienne Vous y forcer. Mais comme il trouvera quelques difficultés à ce projet, il ne voudra pas être l’agresseur; il osera vous insulter pour Vous forcer à l’attaquer, parce qu’il a besoin d’une guerre pour se rendre intéressant après s’être rendu odieux. Lui céder en ceci c’est sacrifier au moins 100,000 braves russes et cent mille braves français, c’est en outre river les fers dont il enchaine une nation que, après tant de souffrances, méritait au moins de n’être pas avilie.

Si Vous ne repoussez pas l’insulte par armées, mais par un manifeste, Vous Vous montrerez de nouveau l’antipode du soldat couronné. Lui veut précipiter sa nation, à qui il doit tout ce qu’il est, dans une nouvelle guerre pour venger une prétendue offense faite à sa personne. Vous Vous supporterez magnaniment une insulte, pour ménager Votre nation, qui Vous doit déjà tant, et pour épargner à l’Europe la répétition des horreurs passées. Qui des deux sera plus chéri de l’Europe, plus admiré de la postérité, le Soldat sombre et égoïste ou le Monarque ouvert et bienfaisant? Je Vous parle de l’Europe et de la postérité, parce que l’estime de l’une et de l’autre doit Vous être précieux dans Votre vie publique. Votre cœur Vous dira que Vous seriez capable de la dédaigner dès qu’elle serait en contradiction avec Vos devoirs.

Le gouvernant français a prétendu introduire dans la politique européenne un langage ouvert et simple. Il a tenu parole dans quelques beaux moments de la révolution; à présent cette franchise consiste à dire que ce gouvernant est assez fort pour pouvoir braver impunément ses voisins. Vous ferez mieux. Vous donnerez l’exemple de la véracité et de la droiture; Vous avez déjà commencé. O mon Héros! restez dans cette belle carrière.

Le Pape a livré au gouvernement français un émigré que la Russie avait adopté2; il aura apparemment le sort du malheureux Enghien. – Ces meurtres portent le caractère révolutionnaire, et quand il serait prouvé strictement qu’en général le salut d’une grande nation doit être exposé pour venger la mort d’un individu, la prudence exige que ces actes de violences soient en quelque sorte amaigris, parce que c’est en vain qu’on voudrait s’efforcer pour le moment d’en arrêter le cours par la force armée. La guerre les forcera et est utile au despotisme naissant plus encore qu’elle n’est nuisible au despotisme consolidé.

Si Vous jetez les yeux, Sire, sur l’intérieur de Votre Empire, Vous trouverez de nouvelles raisons pour la paix; je m’en tiens à une seule, qui l’emporte sur toutes. Pour réaliser tant de vues bienfaisantes que Vous avez pour Votre peuple Vous avez besoin d’être autocrate. Or Vous cessez de l’être que Vous avez déclaré la guerre; de fait Vous devenez dépendant de tous les millions de besoins qu’ont Vos armées, dépendant surtout de ceux qui Vous fournissent ces besoins; au lieu que pendant la paix Vous êtes maître de tous les mouvements de chaque branche de l’administration, Vous accélérez ou ralentissez à Votre gré la marche de chaque individu que Vous employez. Calculez.

Quelque soit l’effet de cette lettre, elle Vous prouvera que si j’ai quelquefois conseillé des moyens vigoureux, je n’en hais pas moins la violence; Vous ne méconnaîtrez pas le tendre attachement que je Vous ai voué, supérieur à toutes les considérations qui auraient de m’imposer silence sur cette matière. J’ose même attendre de Votre profonde bonté que Vous voudrez bien m’envoyer une feuille de papier avec un simple oui ou non, pour ne pas me laisser dans l’incertitude. Si le temps Vous permettait d’y ajouter la réponse que Vous m’avez bien voulu promettre à quelqu’une de mes lettres, Vous rendiez bien heureux

Votre Parrot.


Mail il l’est déjà. Votre dernier séjour à Dorpat, cette heure à jamais mémorable m’interdit tous les vœux, hors celui de posséder un cœur plus sensible pour pouvoir Vous aimer encore davantage.

30. G. F. Parrot à Alexandre IER

Dorpat, 14 juin 1804


Sire,

J’ose aujourd’hui Vous rappeler un des instants de l’heure délicieuse que Vous m’accordâtes à Votre passage à Dorpat, celui où Votre cœur magnanime m’invita à Vous faire confident des situations embarrassantes où l’Université pourrait se trouver. Je le fais avec cette confiance illimitée que Vous m’avez inspirée, avec cet amour sans bornes que Vous avez pu un instant croire démesuré.

Le Directoire général des écoles Vous a demandé par la voie du Ministre 118 000 Roubles annuels pour l’entretien des gymnases et écoles de district des 4 gouvernements de l’Arrondissement de Dorpat. Cette demande est calquée sur un état que je présentai au Directoire l’année dernière. Il fut décidé alors que ce que les collèges des secours publics des 4 provinces avaient fourni jusqu’à présent serait fondu dans cette masse totale de 118 000 R.

Dans la requête du ministre il se trouve d’ajouter que les sommes fournies jusqu’à présent par les villes seraient également défalquées de cette masse totale. Vous avez accordé Votre sanction à cet arrangement, et le ministre a déjà envoyé des réquisitions aux Régences des 4 gouvernements pour mettre cet ordre à exécution.

Sire, je savais très bien que plusieurs villes ont fourni des contributions notables pour l’entretien des écoles. Mais j’avais compté sur ces contributions pour un autre but. D’un côté il est des villes telles que Riga et Dorpat, où les appointements généraux calqués par le Directoire ne peuvent pas fournir aux besoins des précepteurs. Il ne m’a pas été possible d’engager le Directoire à avoir égard à ces circonstances parce que l’on a pour principe de mettre à tout une uniformité aussi complète que possible, qui par l’énorme disproportion des prix dans les différentes provinces de l’Empire devient une injustice. J’avais donc compté redresser ce tort en engageant les villes considérables de notre arrondissement à employer une partie de ce qu’elles ont fourni jusqu’à présent à améliorer le sort de leurs précepteurs. L’autre partie, la plus considérable, devait être employée à l’entretien d’un troisième genre d’écoles, d’écoles triviales pour les villes, dont il n’a pas encore été question dans le plan général, les écoles de paroisse regardant principalement les campagnes, et qui sont d’une nécessité absolue1. À Riga par ex. il faut 14 écoles de ce genre. En outre il est encore un besoin pressant, c.à.d. des écoles de filles, auquel personne n’a encore pensé. Sire, la moralité exige absolument que l’on sépare autant que possible les filles des garçons qui vont encore pèle-mèle aux écoles triviales. Le voyage que j’ai fait cet hiver avec le Prof. Morgenstern en qualité de visitateur des écoles de Livonie m’a convaincu de cette nécessité encore plus que je ne l’étais en théorie. L’université a été même forcée d’après notre rapport d’user de sévérité dans un certain cas bien fait pour humilier toute l’espèce humaine.

Ce nouveau besoin, je l’avais également assigné en idée sur les revenus que les villes ont affectés à l’instruction publique, et j’avais déjà réussi à engager Riga (où j’ai séjourné 7 ans) à doubler ces revenus en considération de tous ces besoins. Nous sommes convenus d’y établir 14 écoles pour les garçons et 4 écoles pour les filles en attendant mieux. Je suis à présent en négociation avec Dorpat au même sujet.

Vous voyez déjà, Sire, qu’en s’en tenant à Votre ordre, de tous ces projets aucun ne peut se réaliser. Mais c’est n’est pas tout. Les villes veulent conserver l’administration de revenus qu’elles affectent à l’instruction, par des raisons faites à imaginer et à excuser. Elles se refusent même à accorder des honoraires aux précepteurs, pour ne pas confondre leurs fonds avec ceux de la couronne. Lors donc que la couronne voudra fondre ces revenus avec les siens, non seulement les villes se rétracteront sur les sacrifices nouveaux auxquels elles se voulaient prêter, mais aussi elles tâcheront de diminuer autant que possible les sommes antérieurement existantes, parce qu’une grande partie de ces sommes étaient fournies par des décrets particuliers des magistrats. Ainsi l’instruction publique souffrira par là une double perte, infiniment considérable par les considérations que j’ai alléguées.

Voilà, Sire, un de ces cas où Vous seul êtes en état de dénouer ou couper le nœud gordien. De règle nous n’avons pas le droit de faire des représentations sur ce que Vous avez signé, et il n’y a que la permission particulière que Vous m’avez donnée de m’adresser directement à Votre cœur bienfaisant, qui puisse légitimer ma démarche présente. Daignez, Sire, m’indiquer le mode que l’Université doit observer pour obtenir le redressement désiré.

Le second point concerne les bâtiments de l’Université. Le général Klinger, que l’Université se félicite de jour en jour davantage de posséder, Vous aura fait rapports que la somme que Votre générosité a accordée pour ces bâtiments ne suffira pas, et n’aura pas manqué de justifier l’Université par les raisons notables de la réalité desquelles il a pu s’assurer sur les lieux2. Mais ce qu’il aura sûrement omis, ce qu’il ne sait pas même assez pour en parler, c’est que si, malgré les nombreuses raisons qui justifient l’Université, Vous jugez que nous avons encore quelque tort, c’est moi qui l’ai.

Il est vrai que je n’ai rien fait ni proposé que de l’aveu du conseil entier de l’Université. Mais alors de tous les membres de ce conseil, la plupart étrangers et arrivés depuis peu, j’étais le seul qui réunit quelques connaissances d’architecture à un séjour de plusieurs années dans le pays, et à cet égard je fus chargé de travailler cette partie. Si après tout ce que les circonstances postérieures ont contribué à hausser les prix de nos bâtiments il se trouvait que j’ai taxé ce prix trop bas, Sire, je compte sur Votre indulgence; Vous sentirez que la possibilité de me tromper ne me laissait point d’alternative; je pourrais détester l’Université si j’avais pu avoir un instant la maxime qu’il vaut mieux demander trop que trop peu.

Peut-être, Sire, Vous proposera-t-on de nommer une commission pour examiner cette affaire. Cette commission ne pourrait voir tout au plus que ce que le Curateur a vu, ne serait pas à même de faire un devis exact des sommes nécessaires à cause de la variabilité des prix. Tout son effet serait de jeter sur Université un faux jour. Sire, conservez nous Votre confiance sur ce point comme sur les autres. C’est le seul que nos ennemis aient respecté jusqu’à présent. L’intégrité du Professeur Krause est dans toute la Livonie un axiome sur lequel personne n’a encore tenté d’élever des doutes. Au contraire; permettez-moi, Sire de Vous faire la proposition suivante: isolez en quelque sorte le Prof. Krause de l’Université. Donnez-lui directement la commission d’exécuter les bâtiments tels que Vous les avez approuvés (à l’exception de l’observatoire qui ne peut être placé sur la tour de la vieille église et pour lequel on a déjà trouvé un emplacement plus sûr et plus commode). Ordonnez-lui d’envoyer au Curateur à la fin de chaque année le devis des sommes dont il compte avoir besoin l’année suivante, abstraction faite des épargnes que l’Université compte faire cette année. Que toute notre bâtisse devienne son affaire personnelle. Je mets en gage pour lui toute la bonne opinion que Vous avez de ma moralité. Krause n’est pas un homme ordinaire. Il sent ce que l’humanité Vous doit, il sent ce que nous Vous devons, il songe à la posterité3.


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