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Автор книги: Андрей Андреев


Жанр: Зарубежная образовательная литература, Наука и Образование


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6. G. F. Parrot à Alexandre IER

Précis des événements qui ont eu lieu à l’occasion de l’émeute des paysans d’une partie du cercle de Wolmar en octobre 1802

[Saint-Pétersbourg, 26 octobre 1802]1


S. M. I. avait ordonné par Ukase que les livraisons faites à la Couronne par les paysans de la Livonie2, et dont le prix, selon la base suédoise, évalué à 10 Rbl. 4 Cop. par Haken, se décrochissait du montant de la capitation, seraient abolies et que le paysan paierait la capitation en entier.

La régence du gouvernement de Riga, au lieu de publier cet Ukase gracieux purement et simplement, en restreint l’usage illimité aux terres de la Couronne et aux terres de particuliers où le paysan payait lui-même sa capitation, enjoignant que, pour les terres où le paysan ne paie pas lui-même sa capitation, mais la laisse payer au seigneur en le dédommageant par les livraisons, la chose reste sur l’ancien pied, et que le paysan fournisse au seigneur les livraisons en acquit de sa capitation que celui-ci prend sur soi de continuer à payer. Il existait de plus des terres où le seigneur outre les livraisons se faisait rembourser par journées de travail à un prix cruellement modique ce qu’il payait de capitation pour le paysan. Ces terres sont par l’ordonnance de la Régence dispensées comme les premières des livraisons au seigneur, mais forcées de le rembourser en journées de travail sur le faux onéreux accoutumé3.

Cette inégalité de droits, qui blessait la majeure partie des paysans de la province, eut un effet doublement pernicieux. D’abord quantité de propriétaires qui ne se trouvaient pas dans les cas exceptés, voulurent y mettre; presque tous voulurent payer la capitation de leurs paysans et l’ordonnance leur en fournit elle-même les moyens, puisqu’elle ne permet pas que toute la commune intéressée soit consultée là-dessus, mais seulement le pasteur, quelques chefs de métairie et l’inspecteur à la solde du seigneur. D’un autre côté le grand nombre des cultivateurs voyant qu’il y a du louche dans cette ordonnance et n’ayant d’ailleurs que peu ou point de confiance dans la Régence et dans les tribunaux de la province, finit par se persuader que cette ordonnance était falsifiée et que ce qu’on leur publiait n’était qu’un masque qui cachait des intentions bien plus bienfaisantes de Monarque, et comme l’enthousiasme se mêle ordinairement de ces affaires, le paysan finit par se persuader qu’il était question de lui rendre sa liberté, et regarda les menaces de dix paires de verges dont on accompagne ici la publication de l’Ukase comme la preuve évidente que la Régence avait un intérêt marqué à le retenir dans l’ignorance. C’est ainsi qu’en semant la défiance dans les cœurs des cultivateurs, en substituant ses propres idées à celle du Monarque, en parlant de punitions où Il parlait de grâces, on est parvenu à allumer le flambeau de la guerre chez un peuple timide et esclave.

L’acte original dressé par le tribunal qui a décidé dans cette affaire, fournit, comme suite de cette méfiance, les faits suivants qu’il suffit de présenter tels que l’acte les offre, malgré la partialité ouverte qu’on retrouve dans tout le style de cet acte (les mots soulignés sont traduits mot à mot du protocole allemand), pour faire voir que l’on n’a rien fait de ce qu’il fallait pour rétablir la confiance et que le paysan s’est conduit avec bien plus de modération que ses juges.

Plusieurs terres aux environs de Wolmar étaient le théâtre des dissensions. Le paysan refusait de payer ses redevances au seigneur en travail et en denrées. Voilà ce que l’on a appelé une révolte, comme si un sujet quelconque pouvait se rendre coupable de ce crime contre des particuliers!

Le 5 Octobre 1802 le tribunal de province reçut l’ordre de mettre fin à ces désordres, et l’on commence par faire marcher des troupes. Le 7 le tribunal arrive à Kaugershof, qui devint dès lors le lieu de la scène. Le lendemain le tribunal commence l’examen de l’affaire contre des paysans. Tout ce jour là tout fut tranquille, point d’attroupements. Quelques paysans d’une terre voisine se glissent cependant dans la chambre où le tribunal tenait sa séance. On leur lit la publication qui leur défendait de paraître. Ils reconnaissent leur tort; on renvoie les chefs de métairie et on punit de 25 coups de bâton les journaliers. Première mesure contraire au but que l’on devait se proposer de rétablir la confiance!

Pour s’assurer de plusieurs coupables (on ne dit pas de quoi) on les enferme et les fait garder par des sentinelles militaires. Le lendemain à 8 heures du matin paraissent les premiers attroupements armés de bâtons, de perches et de quelques fusils. Le militaire était déjà rangé. Les paysans demandent l’élargissement de leurs camarades. Le tribunal s’avance à eux les exhorter à être tranquilles, à dire par quelle raison ils paraissaient en foule et armés, et à répondre aux questions qu’on leur ferait. Là-dessus quelques-uns d’eux s’avancent hors de la multitude, le chapeau sur la tête, les bâtons levés, gesticulent avec leurs chapeaux, se frappent à la poitrine, tombent à genoux et s’écrient qu’ils veulent défendre leurs frères jusqu’au sang. (Quel moment intéressant! Combien de périodes à distinguer dans ce peu de lignes! Que d’instants perdus pour la cause de l’humanité!) Au lieu de cela on fait parade du vœu du Monarque. Les paysans répondent que les juges et le militaire sont gagnés par les seigneurs, qu’ils veulent avoir des juges et des soldats de Pétersbourg qui leur donnent le vrai Ukase de l’Empereur, que ce qu’on leur a publié n’est pas la volonté du souverain qui veut leur accorder la liberté comme à ceux des environs de Pétersbourg, enfin qu’ils veulent obéir, mais uniquement aux ordres de l’Empereur. La foule conforme ces déclarations par signes et cris. On entendit même dire: «Pourquoi parler si longtemps. Assommez le vieux juge».

Cependant les pourparlers durent encore; enfin le tribunal croyant ne pouvoir faire entendre raison à la multitude ordonne au militaire de charger à balles. Les paysans répondent par des bravades qui firent assez d’effet sur les juges pour que malgré leur envie d’en venir d’abord aux mains avec les paysans, ils conservèrent assez de sang froid pour sentir que, vu le nombre des ennemis et le désavantage du terrain, ils auraient le dessous.

Ces raisons et surtout le désir d’épargner le sang engagèrent les juges à temporiser avec les paysans jusqu’à l’arrivée d’un renfort d’artillerie volante qu’on mande à la hâte de Wenden. Cependant la multitude augmentait pendant la journée au point que sur le soir il y avait près de 3000 paysans attroupés; pour plus de sûreté on fit venir de Ronnebourg un détachement de dragons de plusieurs compagnies, et on ferma les passages sur l’Aa.

À ces pourparlers succède un long calme, puis de nouveaux mouvements; les paysans demandent à grands cris l’élargissement de leurs camarades. Les juges se mettent en marche vers la foule, et remontrent le Lieutenant Nottbeck amener deux députés des paysans, qui demandent à leur parler. Ils promettent au nom de l’attroupement de se retirer pourvu qu’on veuille relâcher leurs camarades. On leur refuse. Alors ils demandent que le prince Golitzin se rende sur les lieux, pour qu’ils puissent lui parler. (Qui ne voit ici le besoin que ces malheureux sentaient de placer leur confiance en quelqu’un qui ne fut pas intéressé à leur nuire? Et n’y avait-il pas de la barbarie à leur refuser ce que tant de vexations leur donnaient un droit de demander?) On leur donne l’espérance que peut-être le Gouverneur général arriverait le lendemain au soir. Ce peut-être suffit déjà pour les calmer. Ils promettent d’être tranquilles en déclarant cependant qu’ils resteront en place jusqu’à son arrivée. Ils tiennent parole, malgré le rapport que fit un soldat qui prétendait avoir ouï dire qu’ils attaqueraient les troupes dans la nuit.

La nuit tout est tranquille. L’artillerie et les artilleurs mandés de Wenden arrivent, de même qu’un nouveau détachement de 403 Soldats du 3e bataillon d’artillerie, armés de sabres et de bâtons.

Le lendemain matin, le 10, la foule paraît inquiète et disposée à l’attaque. Le tribunal s’y transporte, essaie en vain de la disposer à l’obéissance, et demande qu’on livre des chefs (de quel droit, puisqu’il existait de la veille un traité qui devait durer jusqu’à l’arrivée du Gouverneur général?). Les paysans n’ont pas la lâcheté de les livrer (ils sont encore persuadés de la justice de leur cause). Le tribunal envoie un détachement de soldats pour les saisir, s’en rapportant pour cette expédition à la seule sagacité du soldat. Le détachement est repoussé. Les premières hostilités étant donc commises de la part des paysans, le juge ordonne à six grenadiers de faire feu sur les rebelles, dans une direction basse. Cela ne faisant pas d’effet on fait tirer plus haut par 6 grenadiers de plus. Le temps coule: deux hommes tombent. La foule avance. On tire un coup de canon, plusieurs hommes tombent; la foule avance encore. On tire un second coup; la foule commence à se retirer et à se tenir coi. On renouvelle les pourparlers, mais les paysans déclarent qu’ils ne livreraient point leurs chefs, qu’ils ne se retireraient pas et qu’ils n’obéiraient pas à leurs seigneurs. Cependant ils se retirent et disparaissent entièrement. Le champ de bataille offre 4 tués et 17 blessés dont 6 meurent le lendemain (le protocole ne dit pas combien il en mourut ensuite). Les morts furent enfouis (verscharrt) sur les lieux.

Cependant l’ardent juge croit n’avoir pas assez de victimes. Il se dispose à poursuivre la foule dans les bois et n’attend pour cette nouvelle expédition qu’un renfort de dragons qu’il a déjà mandé. Les dragons arrivent dans la nuit et ne trouvent heureusement plus de paysans à massacrer.

L’après-dîner de cette journée déplorable l’écurie à vaches du seigneur est incendiée, et le juge, par la seule raison des progrès rapides de l’incendie, en rejette la faute sur les rebelles, sans pouvoir trouver le coupable. (Où l’aurait-t-il trouvé? La foule était dispersée, les troupes environnaient les bâtiments du seigneur. Et quelle prouve que celle de la rapidité de l’incendie? J’ai sur le lieu des consultations vu une écurie à vaches, longue de 85 toises réduite en cendres d’un coup de foudre dans moins d’une demie heure, malgré tous nos efforts pour la sauver, pendant une pluie que inonde les environs au point de crever une digue qui serait déchaussée).

Le 11 le tribunal termine son inquisition contre les prisonniers. Cette inquisition prouve qu’ils ne sont point coupables de séduction ou d’instigation, mais qu’ils ont été séduits. Et cependant on les punit publiquement de coups de verges en présence du militaire sur le champ de bataille. Et ces mêmes hommes promettent à genoux de rentrer dans l’ordre, d’obéir à leurs maîtres et de leur payer leurs redevances – et tiennent parole.

(Voilà la nation à qui l’on annonce les bienfaits du monarque à coups de fouet, à qui les explique à coups de canon).

Le 12e de nouvelle artillerie arrive, de même qu’un détachement de cosaques. Le tribunal se rend à une terre voisine à la prière du seigneur. Les paysans s’y rendent d’eux-mêmes et comparaissent. Ils témoignent du repenti, demandent pardon promettant obéissance, et le seigneur a la générosité de leur pardonner.

Les cosaques amènent 4 chefs de rebelles. Ils déclarent que l’ukase publié est fausse, que les juges et le militaire sont corrompus par les seigneurs et qu’ils ne veulent se soumettre qu’à l’Empereur. Ces 4 chefs sont amenés à Riga pour y être punis exemplairement, et malgré l’amnistie accordée, on inflige à 9 paysans de coups de verges en présence de toute la commune assemblée4.

Pour joindre le ridicule à la barbarie, le juge fait déclarer aux paysans révoltés et soumis qu’ils n’ont point à se plaindre de leurs maîtres et prenant l’air d’un Bonaparte il recommande très particulièrement les officiers qui se sont distingués dans cette importante expédition.

7. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, 28 octobre 1802]1


Sire,

Le Prince Czartorinsky qui a plaidé avec tant de zèle et succès la cause de notre université auprès de V. M. m’a effrayé hier matin en m’avertissant que peut-être je ne pourrais pas obtenir sitôt que je le souhaite l’acte de fondation que j’espère obtenir de V. M. I., par la raison que ce serait exciter la jalousie des autres universités, notamment celle de Moscou, que de nous accorder sitôt notre demande2.

Sire, ce serait me rendre coupable de trahison envers votre personne sacrée que Vous offrir des motifs pris dans les principes généreux de la morale. Si Vous voulez nous faire attendre, certainement Vous avez pesé dans la balance de tous Vos sentiments le pour et le contre. Mais ne sera-t-il permis d’ajouter un contrepoids en notre faveur, auquel V. M. n’avait peut-être pas songé. Vous savez, Sire, qu’on veut nous avilir quoique je me sois efforcé de Vous cacher les indignités qu’on commet à notre égard parce que j’ai cru réussir sans Vous les dévoiler. Je l’espère encore; mais enfin Vous savez qu’on veut nous avilir et qu’on n’y réussit que trop. Le seul moyen réel de nous donner la dignité dont nous avons si besoin pour accomplir notre but est un acte de fondation. Il est vrai que nous n’avons à craindre qu’un retard de quelques mois. Mais cet espace de temps est-il peu de chose? Je ne parle pas de moi. Avant-hier matin toutes mes forces appartenaient à l’Université, ma vie à Vous. Dans les moments suivants Vous m’avez élevé au-dessus de moi-même, Vous m’avez consacré en ce que la vertu a de plus sublime. Qu’Alexandre exige à présent que je vive dans l’opprobre s’il le croit nécessaire, il peut compter sur mon obéissance. Mais a-t-il les mêmes droits sur mes collègues? Tant de braves gens doivent-ils être un instant exposés à l’oppression et à l’insulte? Et pourquoi? Pour ménager le préjugé d’une autre université? Et encore si cette idée était fondée! Depuis plusieurs années on travaille à l’édifice de notre Université. L’acte de fondation que nous désirons en est la dernière pierre; et tant d’incertitudes sur le sort particulier de chacun de nous, tant de combats depuis, tant de souffrances ne nous avaient-elles pas appris le droit de voir terminer à présent notre affaire? Sire, voilà le poids que je voulais mettre dans la balance de Votre équité, laissez-lui toute sa force. Je Vous en supplie.

Parrot

Annexe

G. F. Parrot à prince A. Czartoryski

[Saint-Pétersbourg, 28 octobre 1802]


Monsieur le Prince,

Vous avez été l’avocat de notre cause sans avoir précisément d’adversaires à combattre. Veuilles à présent l’être contre Vous-même, en présentant à Sa Majesté la lettre ci-jointe qui contient tout ce qu’il m’a été possible de Lui dire contre Votre opinion de hier matin. Il Vous appartient de pousser jusques là l’amour du bien dont Vous m’avez donné tant de preuves touchantes. C’est une barrière de plus que Vous dépassez à l’autel de la grande cause à laquelle Vous Vous êtes voué, et si l’estime, l’admiration d’un homme, qui n’est rien que par ses sentiments, peut Vous toucher, comptez la mienne en nombre de celles que Vous Vous êtes déjà acquises. Permettez-moi de mettre cette assurance à la place de toute formule.

Parrot

8. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, 14 novembre 1802]1


Sire,

J’ai l’honneur de présenter à la ratification de Votre Majesté la variante réglée de l’acte de fondation que notre Université tiendra bientôt de Votre bienfaisance paternelle2. Si en recevant un pareil bienfait il m’était permis de désirer encore quelque chose, ce serait la possibilité de voir terminer sous peu de jours cette importante affaire, pour pouvoir hâter mon départ. Je ne Vous parlerai pas, Sire, de circonstances désastreuses qui pressent mon retour au sein de ma famille. Tant que mon devoir me retient ici je dois voir sans murmures ma femme chérie se désoler de ne pouvoir voler au secours de sa mère mourante pour ne pas abandonner en mon absence mes enfants et sa maison. Mais Vous m’avez imposé un grand devoir et les personnes qui doivent y coopérer seront rendues à Dorpat le 1er décembre2, pour terminer cette affaire importante avant la Diète que V. M. a permise ou permettra à la noblesse de Livonie, et les travaux de ma place se sont tellement accumulés en mon absence que j’aurai besoin de 8 jours au moins à travailler presque jour et nuit, pour y mettre assez d’ordre pour pouvoir ensuite vouer quelques jours entièrement à l’exécution des vues sublimes de Votre Majesté. Veuillez, Sire, dans ce cas particulier faire une exception à la marche ordinaire pour une chose qui d’ailleurs est trop remise pour ne pas faire presque en tout une exception à la règle.

Le point qui cause encore des difficultés est celui de la juridiction. La minute ci-jointe en contient deux variantes dans dernière desquelles nous renonçons à la juridiction criminelle. Daignez, Sire, rayer celle que V. M. jugera la moins convenable. Mon vœu est pour celle du texte.

Il est vrai que l’ayant si mal défendu en présence de V. M. j’ai en quelque sorte perdu le droit de l’exprimer. Mais daignez Vous souvenir, Sire, que mon défaut de logique d’alors ne doit pas m’être importé, et que le seul moyen de rétablir l’équilibre dans la force des raisons est que Vous veuillez bien plaider Vous-même ma cause. Quelque importance que j’accorde à son succès, j’en attends la décision avec une sérénité qui me fait sentir d’une manière nouvelle le bonheur de Vous avoir voué tout mon être.

Puisse cette assurance Vous causer une partie des délices qu’elle me cause!

Parrot

9. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, vers le 20 novembre 1802]


Sire,

Jusqu’à présent j’étais le débiteur de l’Université de Dorpat pour le bonheur inexprimable d’être connu de Votre Majesté impériale. Aujourd’hui je m’acquitte envers elle; je m’expose à perdre ce dont j’espérais les plus douces jouissances pour le reste de mes jours, en osant parler encore pour quelques-uns des points, que Votre Majesté impériale veut modifier dans l’acte de fondation de l’Université de Dorpat1.

Sire, tout intéressé que je paraisse dans cette cause, aurais-je pu ne pas sentir dans les remarques de Votre Majesté le principe de justice, que Vous m’avez dévoilé, que j’honorerais dans un particulier, et qui en Vous, Monarque de la Russie, m’arrache les hommages les plus purs? Oui, je le reconnais et le sens; mais je sens en même temps, que nous souffririons, injustement, de quelques-unes des applications que Votre Majesté veut en faire.

D’abord, Sire, Vous ne voulez pas paraître être le fondateur de notre Université. J’en conçois la raison; mais c’est par cette raison même que je réitère notre prière. La gloire de Sa Majesté l’Empereur défunt est intéressée à ce que l’état présent de notre Université ne soit regardé que comme provisoire2. Ses vues étaient certainement bonnes; mais il a eu le malheur d’être méconnu à cet égard. On crut que le seul moyen d’obtenir quelque chose était de demander peu, et l’établissement entier devint mesquin à tous égards, indigne, par conséquent, d’un grand Prince. Ainsi, Sire, en déclarant que notre état présent n’était pour ainsi dire qu’un essai, en Vous déclarant notre vrai fondateur, Vous apprenez à l’Europe que Votre auguste prédécesseur ne regardait Lui-même pas son ouvrage comme achevé. Oserais-je ajouter à ces raisons l’expression de vœu ardent de chacun de nos Professeurs? Sire! nous avons déjà apporté un grand sacrifice à la délicatesse des circonstances en ne priant pas Votre Majesté de nous donner Votre nom auguste, grâce, que tout Monarque accorde d’ailleurs à l’Université qu’il fonde.

Permettez, Sire, que je joigne, sous le même point de vue, le refus de Votre Majesté d’être notre Protecteur et Chef Suprême[701]701
  [En marge] Protecteur Покровитель et point de Chef Suprême.


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à la remarque sur le rang du recteur, quelque différents que soient ces deux objets. Ils ont cela de commun qu’ils regardent l’un et l’autre l’honneur de l’université.

Ce refus de porter le titre de notre Protecteur est sûrement un sacrifice que Votre Cœur bienfaisant apporte à Votre raison, qui ne veut pas se départir du principe de l’égalité des droits qu’ont tous Vos sujets à Votre personne sacrée. Mais ce titre ne donne pas des droits particuliers. Il n’a d’autre effet que de nous honorer, et sous ce vrai point de vue il n’est ni un privilège injuste ni un reste de coutumes barbares3. C’est une preuve simple et authentique que Votre Majesté veut qu’on respecte les lettres. Et, Sire, cette déclaration serait-elle inutile de nos jours et surtout aux yeux de Vos sujets? La littérature a-t-elle acquis le degré nécessaire de considération? —

Les souffrances de nos professeurs déposent contre la génération présente, et nous ne pourrons pas former les générations futures sans un degré proportionné de considération. Je puis le dire sans craindre d’être accusé de partialité: le corps de nos professeurs mérite à tous égards une estime marquée. Il se distingue par des vertus inconnues aux universités étrangères, et ces vertus n’ont cependant pu vaincre le préjugé: preuve qu’il faut les soutenir par des distinctions extérieures.

Voilà la raison qui m’engage à prier Votre Majesté à faire ranger le Recteur dans la 4e Classe[702]702
  [En marge] Le Recteur et les Curateurs dans la 5eme Classe.


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. Sire, je Vous adresse ce vœu avec sécurité. Je ne crains pas d’être accusé d’une petite vanité, parce que j’occupe à présent cette place que je résignerai dans quelques mois; je ne crains pas ce soupçon, parce que je ne redoute pas d’être mis à l’épreuve par Votre Majesté, pour cette chose, comme pour toute autre. J’ai été le premier à proposer ici que les professeurs, comme tels, n’avancent pas en grade (le traducteur russe n’a pas bien rendu mon idée) quoique la faculté d’avancer soit une prérogative commune à tous les sujets fonctionnaires de l’Empire4. Ne doit-on pas à l’opinion publique de prouver, par un rang relevé donné au Recteur, que le défaut d’avancement des professeurs ne provient pas d’un défaut de considération; surtout ce rang étant accordé aux Curateurs, et non sans raison.

Quant aux sentinelles militaires pour les bâtiments de l’université[703]703
  [En marge] Les sentinelles seront accordées, mais on ne le mettra pas dans l’acte de fondation.


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, Votre Majesté ne nous les refusera certainement pas, lorsqu’Elle saura que sans cela nous ne trouverons personne qui veuille se charger de la responsabilité de notre caisse, et que, par cette raison, nous avons été obligés de la déposer jusqu’ici dans la trésorerie de la Couronne à Dorpat; les lois de la responsabilité sont telles pour tous les dépots de fonds publics, qu’en cas de vol, le dépositaire ne vient presque jamais à bout de se justifier, et risque sa fortune et son existence civile.

Quant au triennium légal pour les habitants des trois provinces, aspirants à des emplois, il est fondé sur un Ukase de Votre Majesté même rendu en faveur de l’Université, et je n’ai pas en l’idée de gêner la Couronne le moins du monde. Pour ôter toute équivoque à cet égard, j’ajouterai, avec la permission de Votre Majesté, la restriction, que les emplois, que la Couronne confère immédiatement, tels que Gouverneurs, Conseillers de régence etc. – sont exceptés de la règle du triennium, qui d’ailleurs est essentielle tant pour le bien de l’État qui exige qu’on ne place que des sujets instruits, que pour le bien de l’Université, dont le sort et l’utilité dépend du nombre des étudiants qu’elle aura.

Les deux autres points, concernant l’introduction des effets appartenant aux professeurs et la pension pour les malades, tendent à attirer les professeurs étrangers dont on aura encore besoin fort longtemps. Le premier des deux a été rabaissé par Votre Majesté à la valeur de 2000 Rbl. Sire, en Vous priant d’augmenter cette somme, réellement de trop peu d’importance[704]704
  [En marge] accordé 3000 Rbl.


[Закрыть]
, je m’aperçois d’un défaut de rédaction que la remarque de Votre Majesté me fait observer. Pour obvier à la fraude on aurait dû stipuler que ces effets ne pourront entrer sans péage qu’une seule fois et sur le certificat de conseil académique. Pour le second point, concernant la pension des professeurs incurables, cet accident étant naturellement rare, n’oserai-je pas en appeler au cœur du plus humain des Monarques? Pour ne pas charger les revenus de l’université de trop de dépenses pareilles j’ai omis toutes les autres pensions émérites qu’on accorde ordinairement. Je n’en ai excepté que 25 années de travaux continus5, cas rare où il importe à l’État et à l’Université même de se défaire d’un professeur décrépit dont les idées sont d’un autre siècle et les forces presque nulles. Il faut poser en principe que lorsqu’on est forcé à être chiche, ce ne doit pas être envers le malheureux, mais envers l’homme actif qui peut gagner sa subsistance. La récompense de ses services doit être dans son cœur, non dans une pension. Je sais, Sire, que l’application de ce principe aux autres branches de l’administration est difficile, que l’État peut rarement mettre le malheureux à son aise, et que les pensions pour les sujets encore actifs sont un mal nécessaire pour obtenir de leur intérêt ce que leur amour du bien public ne leur ferait pas faire. Mais quand on peut renverser cet ordre pernicieux, quand on a à faire à des hommes qui font réellement profession du bien public, et qui, au défaut d’un intérêt sordide, sont aiguillonnés par l’attrait de la gloire, alors, Sire, réservons tous nos moyens pécuniaires pour le malheureux.

Enfin, Sire, l’objet de la langue est le dernier sur lequel j’ose me permettre des observations. Je reconnais en ce cas la supériorité politique de la langue russe[705]705
  [En Marge] L’acte de fondation sera écrit en Russe.


[Закрыть]
, et cela par l’unique raison que c’est la langue paternelle de Votre Majesté. À Vos yeux, Sire, tous Vos sujets sont égaux; et si Votre nation semble se ressouvenir encore que la Livonie est une province conquise, je suis sûr, Sire, que ces idées de conquérant ne sont pas dans Votre Cœur magnanime.

Voilà mes raisons. Peut-être ne paraîtront-elles pas suffisantes à Votre Majesté. Daignez m’accorder la grâce d’oser les appuyer de nouvelles, exprimées de bouche. Et même dans le cas où de nouvelles raisons seraient inutiles, daignez, Sire, m’accorder cependant quelques instants de Votre présence. C’est un fond de bonheur que j’emporterai pour le reste de ma vie.

Parrot


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