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Автор книги: Андрей Андреев


Жанр: Зарубежная образовательная литература, Наука и Образование


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lu à la dernière entrevue, le 27 mai au soir.

71. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, 28 mai 1805]1


Sire!

Je ne puis oublier notre dernier entretien. D’un côté il m’offre de Votre cœur le tableau le plus grand, le plus beau que l’histoire n’ait jamais offert. Vous voulez Vous dépouiller du pouvoir absolu que Vous avez hérité pour donner à Votre Nation une constitution représentative. Mais d’un autre côté je ne vois dans Votre idée que le projet d’une belle âme, qui Vous rendra malheureux, Vous et Votre Peuple. Je Vous ai déjà dit mes raisons; mais craignant qu’elles ne s’effacent, je m’empresse de Vous les détailler encore une fois avec plus de sang froid et de réflexion que je n’ai pu le faire de bouche.

D’abord je dois Vous rappeler la révolution française. Vous croyez, il est vrai, que si Vous donnez la constitution à Vos Russes, ils l’accepteront avec reconnaissance et n’exigeront pas davantage. Mais quel garant en avez Vous? La première constitution française était certainement à bien des égards excellente; mais le Français n’est pas susceptible de la constance que l’Anglais a témoignée pour la sienne. En France on passa de la constitution à la République par le meurtre du bon Louis XVI. Napoléon, qui vient de se mettre la couronne sur la tête2, gouvernera à la vérité en toute sûreté. Mais il a pour lui l’éclat de cent victoires, la manie des français pour la gloire, un caractère froid qui ne sait que calculer.

Ouvrez l’histoire moderne et voyez dans quel pays et sous quelles circonstances on vit naître la liberté. C’est dans les faits qu’il faut chercher la sagesse politique. – La Suisse s’est rendue indépendante au commencement du 14e siècle; mais elle avait les vertus du moyen-âge: la pauvreté, l’horreur du luxe et l’esprit de chevalerie. La Hollande a secoué le joug de Philippe II vers la fin du seizième siècle. Elle était déjà riche, à la vérité, mais elle avait la vertu du solide marchand, la simplicité de mœurs, qu’elle n’a pas encore tout à fait désordonnée. La révolution d’Angleterre, qui a duré 100 ans3 depuis Charles Ier jusqu’à Cromwell, est fertile en massacres et détrônements et n’a réussi que par la position insulaire de cet État. L’Anglais était alors à l’époque du passage de la barbarie à la civilisation et n’avait les vertus ni de l’une ni de l’autre.

Mais examinons un moment les éléments nécessaires à une constitution représentative, qui réunisse la liberté du peuple à la fermeté d’une administration monarchique.

Le premier de ces éléments est ce qu’on nommait en France le tiers-état, c.à.d. de nombreuses villes peuplées de bourgeois, gouvernées intérieurement par une constitution municipale, et un corps de cultivateurs qui n’appartiennent qu’à eux-mêmes et tout au plus attachés à la glèbe. Avez-Vous ce tiers-état en Russie? Vous avez des villes, à la vérité; mais la majeure partie de leur population est composée de serfs à qui les seigneurs permettent de s’établir où ils veulent moyennant l’Obrok. Ces gens-là ne sont pas des citoyens; ce ne sont pas des bourgeois de Hambourg, de Lubeck, Danzig, Frankfort, Amsterdam, Paris, Marseille, Rouen, comme on les trouvait au quinzième et seizième siècle. Ils sont la propriété des seigneurs qui peuvent les précipiter du faîte de leur bien-être actuel en les renvoyant à la charrue.

Une autre condition qu’une constitution représentative exige, c’est qu’elle ressorte des lumières et des besoins physiques et intellectuels de la nation; c’est à dire qu’elle se fasse d’elle-même et lentement; et je suis persuadé que la Russie aura besoin d’un siècle encore pour y parvenir, si tout est que cet assemblage disparate de nations et de peuplades soit susceptible d’une constitution hors celle qui égalise tout. Ne Vous aveuglez pas sur les lumières des Russes; le peuple n’a encore rien de la civilisation nécessaire, et ce qu’on nomme la partie éclairée de la nation n’offre que l’aspect des lumières entées immédiatement sur la barbarie et n’est pas capable d’une révolution pacifique. Pierre Ier en est cause; il a proprement mis le feu à la civilisation des Russes. Catherine II est entrée dans ses vues et Vous a laissé au lieu d’un granite poli un morceau de bois vernissé. Vous par contre avez pris le meilleur parti, celui d’instruire solidement Votre nation et de donner des mœurs à ceux qui la gouvernent. Tenez y ferme et n’oubliez pas le défaut interne des Universités russes, que je Vous ai décelé, qui éloigne la confiance et favorise le demi-savoir4. Rappelez-Vous les idées que je Vous ai communiquées lorsque Vous Vous croirez à même de détruire Votre propre ouvrage pour le refondre.

Le troisième élément nécessaire à une constitution représentative, c’est le respect pour la loi. Vous la trouverez peut-être jusqu’à un certain point dans le gros de la nation russe, mais sûrement pas dans ceux qui la gouvernent, depuis le ministre jusqu’au copiste de chancellerie. Or ce respect pour la loi ne peut naître que de la stabilité des lois. Le Monarque est en Russie la source des lois. Mais il faut qu’elle ne coule que lentement et dans un lit bien limité. Si elle se dissémine en ruisseaux, si elle prend des directions opposées, alors elle perdra son apparence et sa pureté et ne formera qu’un marais. Vous voulez former un code de lois russe et Vous avez bien raison. Dieu veuille qu’il atteigne le but de faire respecter la loi! Mais Vous sentez de toute façon que, même après que Vous aurez Votre code, il faudra du temps pour l’effet que Vous en attendez. Ce respect est une coutume et les coutumes ne viennent que lentement.

Ces raisons réunies doivent, Sire, Vous engager à conserver la constitution despotique; non comme Votre propre héritage, mais comme l’héritage de Votre nation. Qu’elle Vous soit sacrée aussi longtemps qu’elle sera nécessaire! Travaillez cependant à inculquer à Votre peuple ces lumières douces et solides qui éclairent sans éblouir. Vous ne travaillez pas pour la gloire mais pour le bien. Ainsi contentez-Vous, mon Héros! de donner à la Russie le bonheur dont elle est susceptible sous Votre règne, et la postérité Vous rendra sûrement justice si les contemporains Vous la refusent. Ne m’objectez pas ce que je fais moi-même pour assurer la personne et la propriété du paysan livonien comme un fruit prématuré d’après mes propres principes. Le mot de liberté ne sera pas prononcé dans cette affaire, mais elle sera la source du bonheur de ce petit peuple.

Regardez, ô mon Alexandre! cette lettre comme une espèce de testament. Qui sait quand j’aurai le bonheur de Vous revoir?

Tout entier Votre Parrot

72. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 5 juin 1805


Sire!

Me voilà rentré dans ma cellule, rendu à mes devoirs primitifs. J’y ai apporté une masse de bonheur immense, dont Vous, Vous seul êtes la source. Mon séjour à Pétersbourg m’apparaît comme un de ces rêves délicieux qu’on ne quitte qu’à regret en s’éveillant, qu’on voudrait prolonger, échanger contre la réalité. J’ai oublié tout ce que j’ai souffert; je ne vois plus que mon Alexandre, cet homme chéri, qui sait aimer les hommes, qui m’aime! Mon Bienfaiteur! Mon Héros! M’aimerez-Vous toujours? – C’est un blasphème de Vous faire cette question, après cette soirée délicieuse, unique, où nos âmes pour la dernière fois s’épanchèrent l’une dans l’autre avec cette effusion sans bornes dont la nature nous a rendue capables. Oui, je le sens, Vous m’aimerez, tant que la vertu sera mon idole. Elle est le Vôtre, et Votre cœur, le plus pur autel que la nature lui ait élevé, conservera le souvenir de Votre ami. – Je suis heureux; la seule prière que j’aie à Vous faire, c’est que Vous ne cherchiez jamais à changer les relations extérieures où nous nous trouvons l’un envers l’autre. Conservez-Vous pour toujours un ami sur lequel les événements n’aient point de prise, qui ne puisse jamais Vous paraître suspect, un ami qui Vous reste sous tous les rapports, qui puisse toujours fixer Vos regards non seulement avec la candeur de l’innocence mais aussi avec une confiance absolue. Vous savez qu’il n’existe point d’amitié sans égalité; le seul moyen d’établir cette égalité sublime est de ne point violer les relations que le sort a fixées. En m’élevant Vous me rabaisseriez. Que même l’idée du bien public, l’idée que dans un poste plus relevé je serais plus utile, ne Vous séduise pas. Elle ne me séduira pas, et à cet égard Vous trouverez toujours une résistance absolue de ma part. Il est un seul cas qui puisse faire l’exception, celui dont j’osai déjà autrefois Vous parler, celui de vaincre ou de mourir à Vos côtés. S’il arrive jamais un mot de Vous! et je volerai au poste que les circonstances, que mon génie, que mon amour pour Vous m’assigneront, et Vos ennemis verront dans le professeur de Dorpat le Bonaparte de l’amitié. – Pardonnez-moi cette énorme confiance en mes forces. Tant qu’il a fallu agir pour la seule prudence j’ai souvent tremblé pour le bien public, mais quand il faudra forcer les circonstances, commander aux événements, Vous me reconnaîtrez. O mon Bien-Aimé!

Le lendemain de mon arrivée j’ai été élu Recteur. J’ai un plaisir bien doux en songeant qu’en signant la confirmation Vous sourirez1, j’ai un plaisir bien doux encore de penser que quand mon année sera révolue Vous aurez de la satisfaction de cette signature. J’agirai dans Vos principes. Je ferai mon possible pour former Votre jeunesse comme Vous voulez l’avoir, aimant l’ordre, mais conservant une noble énergie dont Vous tirerez un jour profit pour le bien de l’État. Les derniers troubles de nos étudiants m’ont prouvé combien Vous pouvez attendre de cette énergie que la nature a mise dans la jeunesse, lorsqu’elle est bien dirigée. Le jeune Budberg, que la loi a frappé comme l’auteur de derniers excès, que nos Statuts ont banni de l’université et éloigné pour l’avenir des emplois qu’il ne peut obtenir que par un séjour prescrit à l’université, ce jeune homme est innocent. Il s’est chargé volontairement de la faute pour sauver un de ses camarades dont le malheur eût plongé une famille entière dans le deuil, il est soumis sans mot dire à la punition, et quand tout a été terminé, en prenant congé d’un de nos professeurs il lui dit: Je quitte l’Université et ma Patrie avec le sentiment de mon innocence et d’une bonne action; partout où il y a des hommes je saurai trouver des hommes et vivre pour le bien public. – Une vie exemplaire de près de 3 ans, exemplaire par les mœurs et l’application prouverait suffisamment la vérité de son héroïsme, quand tous ses camarades ne l’attesteraient pas. Sire! ne croyez pas que j’improuve la sévérité du jugement qui le condamne. Même connaissant moralement son innocence j’aurais satisfait aux lois et aux formes judiciaires, je l’eusse condamné, ne fût-ce que pour ne pas lui ravir le sentiment délicieux de se sacrifier à l’amitié. Une action pareille à l’âge de 20 ans décide pour la vie, et c’est un homme que nous gagnons à l’humanité, supposant même qu’il fût perdu pour nous.

Klinger aura bientôt le bonheur de Vous voir; il ne sait pas quel bonheur plus grand l’attend: mais je sais que Votre cœur généreux fera les avances, que Vous Vous approprierez cet homme rare, dont les abords sont difficiles, mais dont l’âme est sensible et noble. Vous serez satisfait de son rapport sur l’Université et nos écoles, et Vous ne Vous reprocherez pas un peu de prédilection pour nous. Il Vous apporte cette lettre et Vous la fera tenir par Gessler.

Je jette un regard plein de hautes espérances sur Vous et Votre vie. Je ne demande plus à la Providence que d’en prolonger le cours. Vous ferez le reste, et Votre Parrot sera heureux dans la contemplation de Votre règne, sûr que Vous êtes armé de force contre toutes les espèces du mal moral. Vous serez grand, Vous serez heureux comme je Vous le souhaite.

73. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 11 juin 1805


Sire!

Mes espérances se réalisent. Vous avez déjà visité un des asiles de la misère humaine, et Votre présence aura sûrement versé dans le cœur de ces malheureux un baume salutaire qu’aucun art ne peut égaler. Vous ne pensiez sûrement qu’à voir, qu’à corriger les abus ou encourager ceux qui vouent leur vie au pénible emploi de soulager le pauvre dans ses souffrances. Vous avez sûrement fait bien davantage. Je Vous vois parcourir ces salles, aborder le lit des malheureux, interroger tout avec intérêt. Je vois sur Votre visage cette expression (que je connais si bien) de la profonde sensibilité de Votre cœur. Avez-Vous lu sur ces physionomies souffrantes l’effet que Vous faisiez? Avez-Vous senti combien Vous soulagiez leurs maux? Pourrais-je en douter? O je Vous en prie, écrivez-moi là-dessus. Peignez-moi sans détour de modestie, sans retenue le sentiment qui occupait Votre âme. Pourquoi de la modestie? Vous ne Vous peindrez jamais Vous-même aussi beau que je Vous vois. Vous avez vu dans cet hôpital toutes les espèces de maux auxquels l’humanité est sujette, maux physiques, maux intellectuels, maux moraux. Partout Vous aurez laissé des traces de Votre présence. Si Titus eût visité un seul hôpital dans cette journée qu’il déclare perdue, il n’eût pas dit le mot fameux que l’histoire nous a conservé, et qu’un Monarque devrait à jamais se reprocher1.

Je ne suis plus à Pétersbourg pour travailler aux affaires chères à Votre cœur, infiniment chères au mien. Mais Vous y êtes. Vous n’oublierez pas que toutes mes espérances, que toute ma confiance se concentre en Vous. Employez Klinger afin que les deux mois d’absence de Ministre ne soient pas perdus.

Je Vous salue de toute mon âme, mon Héros. Je Vous aime – bien plus que moi-même.

Parrot


Un mot, je Vous supplie, sur l’objet de la lettre que je Vous écrivis au moment de mon départ. Je ne puis sans cela rendre mes comptes à temps. Pardonnez-moi cette demande, comme j’espère que Vous m’avez pardonné la prière, que Vous me l’accordiez du moyen2.

74. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 10 juillet 1805


Sire,

Je suis toujours occupé de Vous. Mon cœur et ma tête rapportent à mon Bien-Aimé tout ce que je sens, tout ce que je fais. Vous songez aussi à moi, à nos entretiens. Mon cœur me le dit. Mais Vous ne m’en dites rien. Je n’ai pas encore un mot de Vous. Vous me laissez dans l’incertitude sur ce que Vous faites; et comme je ne puis me désister (il faudrait que je cessasse de Vous aimer et d’aimer la vertu) je me vois forcé de Vous rappeler des choses que sans doute Vous Vous rappelez Vous-même. Mon Alexandre! Conservez tout le mérite de nos relations. Votre cœur en est la première source.

Je connais, il est vrai, Vos nombreuses occupations. Mais Vous Vous devez à Vous-même, à Votre place, des moments de recueillement, où, détachée de tout ce qui Vous environne, Votre âme plane au-dessus de Votre Empire, s’éloigne des objets pour en saisir mieux l’ensemble. Ce sont quelques-uns de ces moments que je réclame pour moi. Vouez en quelques-uns à l’amitié. Vous savez combien ils me sont sacrés. L’idée d’en abuser me ferait horreur. O mon Alexandre! quand on aime, toutes les passions se taisent.

Où en est le Comité des requêtes1? Si je n’aimais que Vous au monde, je Vous tourmenterais pour l’établir. Si je n’aimais que l’humanité, je Vous tourmenterais encore davantage. Jugez par là de ma conviction, de l’impatience que je dois éprouver des retards. Peut-être avez-Vous été arrêté par la mort subite de Roth, sur lequel nous avions compté. J’ai été profondément touché de ce malheur, et à présent même le destin de cet infortuné m’affecte singulièrement. Une cabale affreuse avait proscrit le père et flétri sa mémoire. À peine sorti de l’adolescence le jeune homme se confine dans l’intérieur de la Russie pour gagner de quoi sustenter son malheureux père. Sans liaison et sans protection il vient à Pétersbourg faire le métier d’avocat. Son talent lui procure ensuite la place de secrétaire du Gouv. G. Nagel. Celui-ci étant disgracié on lui donne la place de premier censeur à Riga après le vil Tumanskoy. À Votre avènement au Trône il demande une réforme de cette censure, dont la constitution inouïe le mettait sans cesse en contradiction avec ses principes. Ne pouvant l’obtenir il quitte sa place, et va à Pétersbourg reprendre son ancien état. Là je l’ai vu défendre les droits de l’opprimé et secourir de sa bourse le malheureux pendant des années entières – et ne faire que des ingrats. Le Ministre de la justice Dershawin s’adresse à lui pour faire le plan d’une nouvelle charge, celle des avocats de l’Empire. Une cabale le frustre d’une de ces places qu’il méritait à tant d’égards. Il a travaillé ensuite à l’acte de fondation de notre Université, comme interprète et traducteur. Enfin je me suis servi de lui pour les détails du plan du Comité des requêtes. C’est lui qui m’a instruit des formes existantes, qui a rédigé en partie et traduit tout le plan. – Au moment d’être placé d’une manière analogue à ses sentiments et à ses connaissances, au moment d’obtenir le prix d’une vie si agitée la mort l’enlève. Pardonnez-moi cette esquisse de la vie d’un homme malheureux, qui, après avoir travaillé si longtemps dans une carrière où tous ses confrères s’enrichissent, laisse à sa mort une veuve et 4 enfants dans le besoin, sans appui et menacée d’être dévalisée pas ceux-mêmes à qui son mari a été si utile. Je me devais ce témoignage sur sa vie, puisque je Vous avais fait connaître ses bonnes qualités que des hommes puissants, intéressés à le calomnier, ont tâché de noircir.

La place destinée à Roth dans le comité serait très bien remplie par le Comte Louis Plater, que je Vous eusse déjà proposé alors, si j’avais prévu qu’il se fixerait à Pétersbourg. Avant son arrivée je croyais qu’il restera en Pologne pour y prendre la direction des forêts. Mais comme Vous lui avez déjà conféré deux places, il ne pourra pas suffire à celle-ci. Néanmoins il serait très à désirer qu’un jeune homme de tout d’intégrité et de lumières fût employé à ce comité; pour cet effet je Vous prierai d’ajouter aux places désignées dans le § 2 une place de procureur, c’est à dire de surveillant. Je ne connais personne de plus propre à être ici Votre lieutenant. Je le connais depuis environ 7 ans. Il a combattu sous Kosciusko et sera à présent patriote russe. Il aime profondément les hommes et possède un sens exquis de justice et d’équité. Vous pourriez lui confier les premiers arrangements, conjointement avec le prince Galizin. La place destinée à Roth pourrait être remplie par un jeune Compte George Sivers âgé d’environ 27 ans, l’ami intime de Plater, orné de beaucoup de connaissances et plus mûri que son âge ne semble comporter. Il a été en quelque sorte mon élève pendant 2 ans à Dorpat, ayant déjà le rang de conseiller de collège. Il était autrefois Votre page, puis officier aux gardes; à présent il est en Allemagne d’où il reviendra cet automne après avoir amassé de nouveaux trésors de connaissances. Si Vous l’agréez, je hâterai son retour. En attendant sa place pourra rester vacante. Veuillez m’instruire bientôt de Votre volonté là-dessus.

Il y a bientôt 6 semaines que j’ai quitté Pétersbourg et l’affaire des écoles paroissiales n’est pas avancée d’un seul pas. Les dernières nouvelles de Riga m’apprennent que le Gouv.Gen. n’a pas encore communiqué le plan à la noblesse. Vous voyez que la chose traînera en longueur et c’est ce qu’on désire. J’aurais pu dans le temps me permettre bien des réflexions sur cette mesure qu’on Vous avait proposée2. Mais comme Vous l’aviez déjà acceptée lorsque je l’appris, je préférai compter sur Votre persévérance et laisser aux événements le soin de Vous instruire là-dessus. Au reste j’ai déjà pris des mesures pour diminuer en tant que possible la résistance de la noblesse.

La tournure que l’affaire des paysans a prise justifie et le plan que je Vous avais proposé pour leur nouvelle constitution, et les craintes que je Vous avais témoignées. Ma manière de voir n’était que trop juste. Pour avoir accordé trop de condescendance à la noblesse Vous allez avoir de nouveau le désagrément de recevoir de nouvelles réclamations sur les amendements que Sivers a obtenus. Buddenbrock et Gersdorf sont déjà en route à cet effet. Il n’y a aucun point fixe dans le travail des commissions3. Celle de Dorpat a même trouvé plus commode et plus expéditif de s’établir tout simplement en ville. Tout se termine très promptement et à la fois on Vous demandera un cordon pour cette preuve extraordinaire de zèle et d’activité.

Je suis navré à l’aspect de tout cela, plus pour Vous, mon Héros, que pour la chose publique; car enfin la providence saura venger les outrages qu’on lui fait. Mais Vous – Vous aviez mérité plus de succès.

«Priez l’Être suprême de m’accorder ce qui me manque» – tels furent Vos dernières paroles à notre séparation. O mon Alexandre! Que puis-je demander pour toi à l’objet de notre adoration? Je n’ai qu’une prière: qu’il Vous pénètre de Vos devoirs de despote. – Je souffre cruellement à Vous voir ainsi la proie d’un système de condescendance, qui assure à la perversité le second grand triomphe sur l’humanité, qui Vous prépare des remords qui devraient être inconnus à une âme sublime comme la Vôtre!!!

Dieu tout-puissant! Protège mon Bien-Aimé.

Je Vous presse contre mon cœur. Aimez toujours

Votre Parrot.


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