Автор книги: Андрей Андреев
Жанр: Зарубежная образовательная литература, Наука и Образование
Возрастные ограничения: +12
сообщить о неприемлемом содержимом
Текущая страница: 21 (всего у книги 92 страниц) [доступный отрывок для чтения: 30 страниц]
83. Alexandre IER à G. F. Parrot
[Saint-Pétersbourg, 10 janvier 1806]1
Je suis prêt à Vous recevoir demain après-dîner, à 6 h. et ½.
Tout à vous.
[Paraphe]
84. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 12 janvier 1806
J’ai beaucoup rêvé à mon Bien-Aimé cette nuit, comme toujours quand j’ai eu le bonheur de le voir. Quand est-ce que je ne pense pas à Vous? Vous m’avez beaucoup plu hier, c’est à dire à ma tête (le cœur comme toujours). Vous êtes comme je désire que Vous soyez. Mais ce n’est pas ce que je voulais Vous dire. D’abord j’ai oublié hier de Vous prier d’ignorer que je Vous ai présenté le projet d’article pour la gazette. Le Prince Adam1 ne doit pas le savoir. Puis mes petits intérêts. Je Vous ai prié de me procurer l’honneur de voir l’Impératrice. Le soir n’est peut-être pas son heure. Veuillez Lui demander celle qui Lui conviendra le mieux. Ne Vous étonnez pas de ce désir que j’ai de La voir. Tout ce qui Vous touche de près m’intéresse tant! Et puis ce reste d’esprit de chevalerie qui me possédait à 18 ans. En vérité, je ne sais ce que je Lui dirai en l’abordant. Si l’esprit ne me vient pas à l’instant je ferai ma sotte figure, comme la première fois lorsque Vous Lui présentâtes ce fondateur de l’Université de Dorpat2.
J’aime mon Alexandre. S’il m’aimait la moitié autant, le quart, je serais heureux. – Je suis heureux.
Annexe[Projet d’article pour la gazette concernant la bataille d’Austerliz]1
Le résultat de la bataille d’Austerlitz est si clair par les suites qu’il a eues qu’on ne conçoit pas pourquoi la France a jugé à propos de donner des rapports outrés et infidèles de cette bataille. L’Europe et surtout la nation russe attendent avec raison notre relation. L’amour de la vérité, le désir de n’annoncer que des faits bien avérés l’a retardé jusqu’ici. En attendant il est peut-être nécessaire d’instruire le public sur plusieurs faits erronés des bulletins français surtout dans le 30e.
Le général Savary n’a parlé qu’à deux personnes de la suite de l’Empereur, et vu plusieurs adjudants des différents corps qui apportaient des rapports de leurs chefs ou leur portaient des ordres. On ne laisse pas parler au général ennemi à tant de personnes. Le langage du Prince Dolgorouky a pu déplaire au chef de la nation française2. Mais ce grand capitaine semble avoir oublié un moment que la nation russe n’est pas du nombre de celles qui se sont rangées sous sa protection.
Le bulletin évalue l’armée des Alliés à 105 000 hommes, c.à.d. 80 000 Russes et 25 000 Autrichiens, l’armée française à un nombre de beaucoup moindre. Pourquoi ce nombre n’est-il pas allégué? L’armée française, outre le corps de réserve, était composée de 4 grandes divisions de 20 000 hommes d’infanterie et 3000 hommes de cavalerie, chacune d’elle commandée par un maréchal et deux généraux de division. L’armée combinée était composée de 52 000 Russes et à peu près 17 000 Autrichiens.
Mais cette infériorité du nombre était le moindre désavantage de l’armée russe. Le défaut de vivres était si grand que pendant les deux jours qui ont précédé la bataille, elle n’a presque eu aucune nourriture. L’Empereur Lui-même a partagé ce sort malheureux et imprévu de ses fidèles soldats. Les chevaux étaient si exténués faute de fourrages qu’ils ne pouvaient plus traîner l’artillerie, qui pendant la bataille n’a pu opérer que sur les points où elle avait d’abord été placée. C’est ce défaut de vivres et de fourrages qui, en ôtant la possibilité de rester plus long à Austerlitz ou de prendre une position en arrière, a forcé l’Empereur contre sa propre conviction, à livrer une bataille dont le succès ne reposait que sur la bravoure des troupes.
La garde impériale, dont le bulletin annonce qu’elle a perdu tous ses drapeaux, les possède tous et en a enlevé un à l’ennemi. Les autres corps en ont perdu non pas 40, mais 24.
La perte de 20 000 Russes noyés enfonçant sous les glaces des lacs est un conte. Les lacs n’étaient pas gelés ce jour-là.
L’armée combinée doit avoir perdu à cette bataille 15 000 tués et 20 000 prisonniers (y comprend-on aussi les noyés?). Après tant de marches forcées, tant de maladies causées par la faim et les fatigues, après tant de combats sur le Danube et en Moravie la perte totale de toutes les armées russes ne se monte pas à plus de 15 000 hommes. Si elle eût été aussi considérable que le bulletin l’annonce, pourquoi n’a-t-on pas poursuivi les Russes qui après l’affaire sont resté encore plus de 24 heures sur le champ de bataille? L’armistice n’a été conclu qu’avec l’Empereur d’Allemagne, et ce n’est qu’à sa sollicitation que les Russes se sont retirés3. Le bulletin français même dit que pendant qu’on négociait avec l’Autriche, l’armée française poursuivait ses succès. Pour relever l’éclat de cette journée le bulletin annonce que la garde française n’a pas été dans la mêlée, et cependant le même bulletin dit plus haut qu’un bataillon français ayant été culbuté par la garde russe, Bonaparte y détacha le Maréchal Bessières et que bientôt les deux gardes en furent aux mains.
C’est ainsi que les bulletins français fourmillent de faux rapports mal couverts par les déclarations sur le bruit affreux que faisaient 200 000 hommes et deux cents pièces de canon. Peut-il être de l’intérêt d’un grand capitaine de souffrir de pareilles relations? La postérité qui s’en tient toujours à la vérité s’étonnera de voir cette ombre au tableau de la gloire d’un homme de si grandes qualités, et qui a agi si puissamment sur son siècle.
85. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 18 janvier 1806
Ferai-je de la peine à mon Bien-Aimé en lui rappelant qu’aujourd’hui c’est le sixième jour depuis la dernière soirée délicieuse qu’Il m’a donnée? Non. Il connait mes devoirs. Je dois faire et rendre les comptes de l’Université et de toutes les écoles à la fin de ce mois1. Vous sentez que pour être et paraître digne de Vous je dois me mettre à l’abri de tout reproche, même le plus secret. Malheur à moi et à la cause que je défends de toute mon âme, malheur à Votre cause, si j’oublie un instant ce principe! Voilà pourquoi je Vous presse. Votre Parrot ne doit jamais être en faute.
J’ai employé ces six jours et j’espère Vous le prouver. – Quand pourrez-Vous voir Votre ami, cet être qui voudrait ne penser, n’agir, n’exister que pour Vous?
86. Alexandre IER à G. F. Parrot
[Saint-Pétersbourg, 20 janvier 1806]1
J’avais espéré trouver un moment pour Vous voir cet après-dîner mais cela m’est de toute impossibilité. Mais je vous attends demain pareillement après-dîner à 6 heures.
Tout à vous.
[Paraphe]
87. Alexandre IER à G. F. Parrot
[Saint-Pétersbourg, 21 janvier 1806]
Je me trouve dans le cas de Vous engager de venir demain à la même heure n’ayant plus un moment pour Vous recevoir aujourd’hui.
Tout à vous.
[Paraphe]
88. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 22 janvier 1806
Sire!
Quand d’un coup d’œil j’embrasse les relations uniques qui m’unissent à Vous j’ai peine à comprendre la hauteur à laquelle Vous m’avez élevé. Mais quand je rentre dans mon cœur, le génie de l’amitié me dit: C’est mon ouvrage. C’est moi qui t’ai rapproché d’Alexandre; c’est moi qui ai uni son âme à la tienne, c’est moi qui lui dis sans cesse que tu l’aimes, que tu ne peux que l’aimer. – Alors je comprends tout. Isolé de ce qui nous entoure l’un et l’autre, mettant le monde de côté et tous ses petites tracasseries, je conçois que mon Bien-Aimé m’accorde tant de confiance, qu’il écoute mes avis, qu’il les suive quelquefois. Je conçois que j’aie pu me jeter dans des affaires si hétérogènes à moi-même, que je puisse donner à mes idées tant de directions nouvelles. Mon Héros! Vous m’aviez élevé moralement, intellectuellement, de toutes les manières. Je Vous dois le sentiment délicieux d’avoir vécu avant de mourir.
Je Vous ai parlé ces derniers temps des affaires étrangères. Laissez-moi à présent rentrer dans notre intérieur, dans le Vôtre. C’est où je me trouve le mieux. Je veux Vous parler de Votre vie privée, de l’emploi de Votre temps. Votre tâche est immense. La journée se termine pour Vous toujours trop tôt. Laissez-moi Vous dire comment Vous pouvez la prolonger.
Vous dînez tard, la soirée se trouve morcelée, dissipée pour les occupations de la journée. Vous Vous couchez tard, et Vous ne pouvez par conséquent Vous lever matin. L’heure matinale, cette heure que les Dieux ont donnée à l’homme pour jouir de la plus sublime partie de son existence, pour voir avec justesse, pour sentir avec grandeur, pour agir avec force. Cette heure ne tient jamais pour mon Alexandre! Vous en avez pourtant bien besoin. Le rôle que la divinité Vous a imposé, Vous le jouez sans préparation. Est-il étonnant que Vous ne soyez pas heureux? Vous Vous sentez des forces, mais elles sont amorties. Vous voyez le poids que Vous avez à porter; le levier est dans Votre arme, mais Votre main ne saisit pas l’extrémité avantageuse. La présomption seule peut dire: Je maîtrise les heures. L’homme le plus grand, le plus fort est leur esclave. L’ordre qu’il y met décide de son existence. En vain il regimbe contre les circonstances. Elles le domineront. L’habitude est une maîtresse adroite qui saisit l’homme dans ses instants faibles qui s’empare de son âme alors qu’il croit lui commander. Son empire est d’autant plus terrible qu’il ne paraît pas en dehors. Prenez donc une bonne habitude, à qui Vous puissiez Vous confier dans tous les instants de la vie. Je sais par mon propre expérience combien il en coûte de se soumettre à un nouveau maître. Et c’est pourquoi je Vous parle avec toute la chaleur, avec toute l’effusion de mon cœur. Mon Bien-Aimé! Ce que je Vous demande est le plus beau triomphe de la tendre amitié.
Dieu puissant! Dieu bon! Accorde-moi ce triomphe. Accorde-le à mon Alexandre. Il est ta plus belle image sur la terre. Il adore tes lois. Enseigne-Lui à les observer.
Lu ensemble le soir du Lundi, le 22 Janvier 1806
AnnexeSur la situation politique de la Russie en Janvier 1806 1
Il n’existe plus que deux puissances sur le continent de l’Europe. La dernière campagne a assuré pour un temps à la France une prépondérance décidée, qu’elle tâchera de soutenir contre la Russie, favorisée par sa position militaire. La prise de l’Istrie et de la Dalmatie dévoilerait les vues du conquérant, si elles n’étaient pas déjà claires à quiconque a balancé les intérêts de la France et de l’Angleterre. La Russie riche de tant de ressources pourrait être indifférente à ces intérêts si sa position géographique ne la mettait pas à présent en relation directe avec la France.
Le moment est critique et exige des mesures bien calculés, promptes et vigoureuses. L’intérêt de la France est de dominer la Méditerranée et de faire le commerce du Levant par cette mer et celui de l’Orient par l’Égypte. L’ambition de Bonaparte est d’humilier l’Angleterre, et d’immortaliser son nom en donnant à l’ancien monde une nouvelle forme politique et commerciale, à qui se joignent encore quelques vues favorites dont il a donné les premières idées lors de la conquête de l’Égypte.
Des essais, vrais ou simulés, ont dû le persuader que l’Angleterre ne peut pas être vaincue sur mer, et c’est sur ses forces de terre qu’il base à présent, peut-être depuis longtemps, ses opérations. Ses moyens sont vastes et bien calculés. Ses armées, accoutumées à de grandes opérations, et ivres des projets gigantesques de leur chef, sont aux portes de la Turquie. Les habitants des côtes vénitiennes, les meilleurs corsaires de l’Europe, favoriseront la célérité des transports. La Turquie désorganisée, exposée à des révoltes journalières en temps de paix ne trouvera dans son gouvernement aucun moyen de défense. L’esprit révolutionnaire servira de levier au conquérant pour gagner cette nation dont une grande partie, les grecs, impatients du joug mahometan, se rallieront sous les drapeaux de la France. Les Arnoutes, peuple inquiet et belliqueux, voyant dans la guerre des moyens de pillage, renforceront ses armées2. Les passages de l’Albanie et de la Macédoine, ouverts au premier venu sont un rempart presque invincible contre les attaques d’une armée à l’Est. La connaissance intime du terrain, acquise par les ingénieurs français qui ont de tout temps travaillé la position militaire de la Turquie, mettra dans les opérations des armées françaises la même précision qu’on a vue dans leurs opérations en Allemagne.
La Turquie européenne donc être regardée comme perdue, et par conséquent comme le point de contact entre la Russie et la France. L’Angleterre ne peut être que spectatrice de ce grand événement et laissera à la Russie le soin, les frais et les risques d’une guerre nouvelle; l’Autriche anéantie et vraisemblablement alliée de la France par un traité secret qui la dédommagera en Turquie de ses pertes en Allemagne, sera tout au moins neutre. La Hongrie approvisionnera les armées françaises. La Prusse humiliée, regimbant contre l’aiguillon, mais cédant à l’appas de l’agrandissement se déclarera comme toujours avec adresse pour le plus fort.
Que fera la Russie? Quels sont ses intérêts? Peut-elle voir de sang froid fanatiser la nation voisine, ses provinces méridionales fourmillant de ces mêmes grecs qui hâteront la chute de l’Empire Ottoman <et réunissent dans son sein les extrêmes du despotisme et de l’esclavage>?
C’est dans ces moments terribles qui ébranlent les Empires, que se fait sentir le pouvoir immense de la civilisation. La France, l’Allemagne, l’Angleterre peuvent se dégarnir de troupes pour diriger les opérations militaires sur des points extérieurs. Rien ne se change à l’intérieur, parce que l’homme civilisé calcule les avantages du repos et de la paix. La Russie, affaiblie par l’esclavage du peuple, peut-elle compter sur cet avantage?
La Russie ne peut choisir qu’entre deux extrêmes, la guerre contre Bonaparte pour soutenir un empire depuis si longtemps délabré, ou l’alliance avec la France pour sa propre sûreté. Son intérêt particulier et le désir de ressaisir son influence sur l’Europe doivent la décider à prendre sur le champ l’un ou l’autre parti. Vouloir être neutre ou temporiser c’est vouloir être le jouet de l’ambition de son nouveau voisin. Examinons les deux cas par rapport aux opérations militaires qui décideront de la possibilité et par rapport aux relations commerciales qui fixeront les avantages.
Ier cas: Guerre avec la France.
Les moyens et la position de la France sont déjà détaillées. Voyons la nôtre. Nous sommes plus voisins de la Turquie; nos armées seront approvisionnées par les fertiles provinces du Sud; nos vaisseaux favoriseront cet approvisionnement par la mer Noire. Le chemin de Constantinople et des Dardanelles, point de réunion pour le projet de Bonaparte, est plus court que le sien depuis la Dalmatie. La Walachie et les côtes de la Romanie de même3. Ainsi en soignant les approvisionnements par mer, et en ne se chargeant pas de bagage inutile l’armée arrivera à Constantinople et même aux Dardanelles avant les françaises. Une flotte anglaise secondera nos opérations en gardant l’Archipel et en couvrant le détroit. Mais d’un autre côté le Danube favorisera le transport d’une armée française pour couper la nôtre en Bulgarie, par là nous serons forcés de remettre le sort de la Turquie à celui d’une seule armée qui aura à combattre et les français et les nationaux, dans un pays qui vu son peu de culture fournira très peu de ressource; notre armée peu accoutumée aux maladies de ces pays, peu instruite des ressources de l’art et du climat aura à cet égard le dessous vis-à-vis des français qui se sont instruits à fond là-dessus dans leur campagne d’Égypte.
Enfin la Russie ne peut pas tourner toutes ses forces sur la Turquie. La Prusse doit en détourner une bonne partie. La Poméranie, le Meklenbourg, Hambourg et Lubeck sont des appas auxquels elle ne résistera pas plus qu’elle n’a résisté à celui de l’Hanovre4. Ainsi en suivant un système de guerre la Russie se trouve menacée à ses deux extrémités; et pourquoi? Pour sauver un empire qui est détruit dès qu’une armée étrangère quelconque y met le pied? Pour se voir à la fin forcée tout au moins à un partage de cet empire, partage qui peut avoir lieu sans frais, sans épuiser les ressources dont on a tant besoin pour les projets de prospérité nationale, projets qui annoncés avec tant d’humanité et commencés avec tant de succès deviendront un reproche au gouvernement qui les aura abandonnés pour suivre la marche d’une politique réprouvée par la raison et les événements.
Les aspects militaires décident donc toute la guerre. Les relations commerciales sont aussi peu favorables. En supposant même que nous ayons le dessus sur la France dans cette guerre, et que la Russie déjoue par là les projets de Bonaparte, que deviendra notre commerce sur la mer Noire quand l’Angleterre aura pris position dans l’Archipel et saisi les Dardanelles? Cette puissance tyrannise le commerce du Nord, laissera-t-elle le commerce du Midi libre, et ne trouverons-nous pas dans cet allié perfide notre plus dangereux ennemi pour la branche un jour la plus fertile de notre commerce? Le possesseur du détroit menace la Crimée. Jamais la France ne pourra nous nuire à ce point. Ses projets tiennent à leur auteur, et tôt ou tard ce ne sera plus cette puissance qui dominera la Méditerranée, mais ce sera l’Italie qui ne pourra jamais être redoutable à la Russie. Le colosse qui s’élève dans le midi de l’Europe se rompra un jour sur les Alpes que la nature a placées non pour joindre, mais pour séparer la grande presqu’isle du continent, et pour cet effet la politique de la Russie doit être de concourir à réunir toute l’Italie sous la même domination pour qu’elle soit d’autant plus tôt en état de se soustraire à la tutelle de la France.
IIe cas. Alliance avec la France:
Voyons en d’abord les désavantages. Une perte momentanée est la guerre avec l’Angleterre. L’Angleterre a des vaisseaux pour attaquer, la Russie des ports à défendre. Archangel, Cronstadt, Reval, Riga et Libau, voilà les points d’attaque et de défense. Pour la Russie Archangel est dans les terres et par conséquent à l’abri. Le fleuve ne porte pas des vaisseaux de guerre. Il en est de même de Riga. Reval et Cronstadt peuvent être mis en meilleur état de défense, et les boulets rouges feront respecter le continent aux insulaires. Libau seul souffrira. Mais un corps de 15 000 Russes bornera les dégâts à la ville seule. Les points d’attaque et de défense en Turquie sont les Dardanelles et Constantinople. Il est vrai que les flottes anglaises s’entendent merveilleusement à passer les détroits bordés de batteries. Mais quelques vaisseaux bien chargés de pierres, coulés à fonds immédiatement avant leur arrivée, ralentiront leur marche et les tiendront sous le feu des batteries qu’on n’évite que par la vitesse du passage.
Le désavantage le plus réel qui nous résultera de la guerre avec l’Angleterre est la cessation du commerce avec cette puissance. Mais il n’est que momentané, parce que l’Angleterre ne peut équiper ses flottes sans les productions de la Russie. Sa tyrannie sur l’Océan Atlantique nous sert fort heureusement, les États-Unis de l’Amérique se disposant en ce moment à la guerre pour soutenir la liberté de leur commerce.
L’effet de l’alliance avec la France sera le partage de la Turquie européenne. Ce n’est point l’ambition qui le dictera de la part de la Russie, mais sa sûreté. Avant la campagne qui vient de se terminer ce partage eût été injuste. Cet État eût pu végéter sans risques pour la Russie. Il était même de notre intérêt de laisser entre nous et la Méditerranée cette masse d’inertie pour amortir les chocs qui pourraient résulter du contact immédiat de l’ouest et du sud-est de l’Europe. Mais à présent la Porte doit tomber et c’est au mauvais gouvernement et à l’esprit de la nation que sa chute doit être attribuée encore plus qu’aux conjonctures politiques.
Le partage que la Russie peut désirer, qui peut-être satisfera tous les partis et fournira une base sûre pour l’avenir, est le suivant: La Bosnie et Ragouse, la Servie, un tiers de la Walachie jusqu’à l’Aluta, et un quart de la Bulgarie jusqu’à l’Iskra, à l’Autriche. La Moldavie, deux tiers de la Walachie, la Bessarabie, ¾ de la Bulgarie, la Romanie jusqu’aux Dardanelles et Lemnos à la Russie. L’Albanie, la Macédoine et la Grèce, y compris Corfou, Cefalonique et autre, doivent former une Monarchie à part qui ramène les arts sur le territoire de l’ancienne Grèce. L’Archipel, y compris Négrepont, ouvrant ses ports aux nations de la Méditerranée et de la mer Noire, formera une république sous la protection du nouvel État grec. La France aura l’Égypte et l’Isthme de Suez, ce qui lui conviendra des États barbaresques, et Malte et Candie, si on peut l’exclure de la Morée, son projet étant de rétablir le canal de Memphis pour avoir la plus courte route aux Indes, et faire tomber le commerce oriental des anglais.
La Russie gagne à ce partage non seulement des provinces fertiles mais surtout une nouvelle côte de la mer Noire, le Danube et la mer de Marmara pour le commerce, et frontières couvertes par des montagnes presque inaccessibles. Son commerce se fera au centre de l’ancien monde. Les denrées de l’Orient lui viendront de la France à meilleur prix, ses productions s’échangeront avec cette puissance avec autant d’avantage qu’avec l’Angleterre, la France en ayant le même besoin.
L’Angleterre humiliée ne sera plus maîtresse de rassurer notre commerce de la Baltique, quand nous aurons un débouché au Sud et un concurrent dans l’achat de nos chanvres et de nos bois.
La France accédera volontiers à ce partage qui remplit ses vues sans la forcer à des hostilités qui détourneraient pour un temps ses ressources du but auquel elle vise et retarderaient au moins le moment de la jouissance.
Enfin l’humanité gagnera à ce partage. Les pays qui ont été le berceau et le départ des sciences et des arts lorsque l’Europe était barbare, la Grèce, l’Égypte, le reste de la côte septentrionale de l’Afrique se réveilleront du long assoupissement où la tyrannie du fanatisme les a plongés.
Правообладателям!
Данное произведение размещено по согласованию с ООО "ЛитРес" (20% исходного текста). Если размещение книги нарушает чьи-либо права, то сообщите об этом.Читателям!
Оплатили, но не знаете что делать дальше?