Автор книги: Андрей Андреев
Жанр: Зарубежная образовательная литература, Наука и Образование
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126. G. F. Parrot à Alexandre IER
Wolmar, 2 juillet 1807 1
Vous êtes de retour, o mon Bien-Aimé! Votre Parrot est heureux de le savoir, et de pouvoir présumer que Vous êtes satisfait, puisque Vous avez pris un parti décisif2. J’accours de Pernau ici (je suis en voyage pour visiter les écoles de la Livonie) pour <dans l’espérance de> Vous voir au moins. Et comme je ne puis espérer avoir le bonheur de Vous entretenir de bouche, je vais le faire par écrit. Il se trouvera un prétexte quelconque de Vous remettre ce papier si Vous n’êtes pas un moment seul.
Lors de Votre départ je me permis de Vous donner un conseil touchant Votre manière d’être à l’armée. Permettez-moi de Vous en donner un à Votre retour. Votre Parrot Vous parle franchement, avec ce cœur ouvert qui est tout à son Alexandre. Une tendre amitié Vous suit partout et Vous suivra toujours jusqu’au dernier instant de ma vie. Ne la méconnaissez pas sous quelque forme qu’elle se présente.
La paix faite Vous avez des généraux, des officiers de tout grade à récompenser pour le mérite qu’ils se sont acquis. Vous serez en outre obsédé de solliciteurs comme à la fin de la 1e campagne. Votre Parrot, qui Vous aime sans réserve, Vous supplie d’être cette fois moins facile envers des personnes qui n’avaient peut-être d’autre droit à Vos grâces que leur importunité. Persuadez-Vous bien qu’en ceci rien n’est plus pernicieux que d’agir par motif de convenance. Le mérite doit être récompensé, noblement, autant que possible. Mais la médiocrité, dans quelque haut rang qu’elle se trouve, doit rester obscure. Faire le contraire, c’est diminuer le prix de la récompense, amortir le zèle, enhardir l’avidité. Il est un moyen bien simple pour éviter les soi-disants droits de convenance: déclarez d’abord à Votre arrivée publiquement que Vous n’accorderez de récompenses que pour les actions marquées, connues du public ou de l’armée, que ces actions seront spécialement mentionnées dans le rescript ou diplôme, et que le contenu de ce rescript sera publié par la Gazette de Pétersbourg pour instruire toute la nation des hommes distingués qu’elle produit et l’informer de leurs actions. Cet expédient Vous délivrera des recommandations, importunités etc. Vous êtes prêt à récompenser, mais qu’on spécifie le mérite, et le journal de Benningsen sera Votre source historique.
Vous avez autour de Vous des hommes de l’incapacité desquels Vous êtes persuadé. Mettez sans façon à leur place les hommes de tête et de cœur tels que les Ostermann Tolstoi, les Barclai de Tolly etc. Tout le public applaudira à ce changement, quelques cabaleurs en gémiront, Vos alentours en imposeront et Vous-même, Vous Vous sentirez plus grand dans le cercle d’hommes de mérites généralement reconnu. Ne soyez plus condescendant, Vous l’avez été trop longtemps. Votre expérience doit Vous avoir persuadé qu’on ne règne pas par des ménagements. Cette campagne est glorieuse, la fin de la campagne est désavantageuse, quelque soit le traité de paix. Ce n’est pas la faute de Votre armée ni la Vôtre. Vous et elle avez fait tout ce qui était humainement possible pour assurer un succès complet. La faute gît dans l’intérieur, dans les entrailles du gouvernement beaucoup trop relâché pour une aussi forte émotion que la guerre présente. Vous avez manqué de fusils, de poudre, de boulets, de canons peut-être, tandis que Vous avez d’énormes fabriques de fusils et de poudre, tandis que sur la côte de la Crimée Vous avez des bûchers de vieux canons <à réparer>, si mal gardés que deux mille turcs débarqués subitement sur cette côte pourraient les enlever. L’Empire russe a des forces incalculables, mais l’indolence et la rapacité trop peu restreintes paralysent ces forces qui dicteraient la loi bien plus sûrement que celles de Bonaparte. Devenez sévère. Risquez une injustice pour être à coup sûr juste dix fois.
À la conclusion de la paix il faudra un Manifeste. Qui en sera le rédacteur? Cette question est de grande importance. Votre gloire et la tranquillité de l’Empire au-dehors dépendent de ce manifeste. D’un côté le public doit être instruit des circonstances déterminantes; de l’autre les puissances intéressées doivent être ménagées, pour éviter une rupture nouvelle pour le moment. L’auteur de ce manifeste doit non seulement être animé du plus pur patriotisme pour Vous et Votre Empire, mais aussi il doit savoir se placer sous tous les différents points de vue des puissances intéressées, sortir pour ainsi dire des idées en vogue dans notre manière de voir, pour pouvoir peser chaque expression.
Je ne puis Vous rien dire touchant le traité de paix; je ne le connais pas; à Riga peut-être j’en apprendrai les principaux points. Tout ce que je puis prévoir, c’est que l’année prochaine amènera une nouvelle campagne, à moins que Vous ne soyez préparé à la guerre, encore plus énergiquement que pour cette campagne. Mettez de la vie dans ces préparatifs; ranimez les fabriques militaires, non par la douceur, mais par la sévérité dont elles ont tant besoin. Organisez les approvisionnements en punissant les coupables. Vous récompensez les honnêtes gens; si Vous voulez être juste en tout, Vous devez sévir contre les malfaiteurs. Les résultats que cette campagne livre sont Vos preuves; elles sont claires. Sire! dans des vétilles la loi sévit avec une rigueur qui va à la cruauté. On a cassé le magistrat de la petite ville de Fellin, on réduit les familles qui le composaient à la mendicité, parce que le secrétaire de ce magistrat a volé 5 ou 6 mille Roubles. Et les brigands qui ont laissé l’armée sans fusils et sans vivres, qui ont fait perdre les fruits de cette terrible campagne, qui ont compromis la sûreté de tout l’Empire, ces scélérats resteraient intacts?
Vous me taxez peut-être de trop de vivacité. Mais je ne comprends pas comment Vous pourriez avoir le moindre sentiment pour moi autrement <ne me détesteriez pas si j’étais autrement>. Mon Bien-Aimé! Voici la seconde expérience en grand que Vous faites. La première Vous a été utile. Que celle-ci le soit davantage! O si je pouvais l’obtenir à force de prières, je ne cesserais d’implorer à genoux la Divinité jusqu’à ce qu’Elle m’ait exaucé.
Adieu, mon Alexandre chéri! —
Écrit à la poste de Wolmar pendant un accès de fièvre.
127. G. F. Parrot à Alexandre IER
Riga, 15 juillet 1807 1
Mon Bien-Aimé! Mon Alexandre chéri! Je vais célébrer mon 40e jour de naissance2 en vouant cette journée à Votre souvenir. C’est sacrifier à l’autel de la plus tendre et de la plus pure amitié. Je Vous ferai de la peine, je blesserai Votre cœur sensible. Vous douterez peut-être de mes sentiments pour Vous. Mais je Vous aime, et ce sentiment, qui absorbe tous les autres, m’ordonne de Vous parler sans réserve, plus que jamais. Je dois Vous ouvrir l’abyme dont Vous êtes entouré.
Pendant Votre séjour à Riga, trop court pour les objets importants que Vous auriez pu voir de Vos propres yeux, Vos braves soldats qui avaient exposé leur vie, sacrifié leurs membres mutilés à Votre service, les blessés, sacrés pour tout homme qui a un cœur humain étaient en proie à la famine, à Riga même. Aujourd’hui encore les braves malheureux se nourrissent d’herbes qu’ils cueillent eux-mêmes dans les bois et dans les prés pour se soustraire à la mort que la mitraille de Bonaparte n’a pas pu leur donner. Le magasin de farine que Vous avez vu brûler a été incendié non par le canon, mais par une main adroite; un jeune homme qui a autrefois servi dans l’artillerie y accourt et retire du magasin brûlant et d’un autre voisin un morceau de la farine qu’il contenait. Cette farine était puante, pourrissante, mêlée de toutes les ordures imaginables. Les blessés à Votre passage Vous ont crié du pain, mais le hourra des autres soldats a étouffé leur voix. Quelques-uns ont osé passer les bornes de la subordination pour Vous parler. Vous avez ordonné l’examen, et ils ont été arrêtés, et le mal continue. Un officier en béquilles a voulu Vous parler, mais il a été éloigné avec beaucoup de politesse. On l’a fait asseoir, par égard pour ses blessures, derrière la foule où Vous ne pouviez pas l’apercevoir. Vous perdez l’amour du soldat dans le moment où Vous pouviez lui inspirer le plus grand enthousiasme pour Votre personne.
Je tiens ces détails de témoins oculaires. Mais ils n’ont pas le courage de me fournir les preuves de peur de devenir eux-mêmes et sans fruit la proie des hommes puissants qui décident à la fin par leur place et leur crédit. La corruption est si profonde que l’honnête homme désespère de voir jamais la justice sur le trône d’un monarque qui est si juste personnellement. – Vous avez pris des mesures pour punir les coupables. Mais Vous ne réussirez pas. Vous avez oublié le point le plus important, de punir les grands coupables sans examen. Ne Vous effarouchez pas à ces mots. Votre Parrot ne Vous conseille pas une injustice. Souvenez-Vous de ce que Vous m’avez dit Vous-même lorsque je Vous parlai un jour sur le point de la sévérité: «J’ai voulu être sévère; j’ai appris indirectement bien des choses qui exigeaient des punitions. Mais personne ne veut être accusateur et quand je livre les coupables aux tribunaux ils en sortent blancs comme la neige». – Pourquoi cela? Croyez-Vous que la simple vénalité des juges puisse opérer des effets si constants? Non; la vraie raison est que lorsqu’un petit brigand est pris sur le fait, un grand brigand paraît à découvert, et tout craint les grands brigands. – Pour les punir il faut recourir à d’autres moyens, parce que les moyens ordinaires sont dans leurs mains, non dans les Vôtres. Le fait est clair que Votre armée a manqué de tout. Il est tout aussi clair qu’il est de loi dans l’Empire russe que les chefs sont personnellement responsables du mal qui se fait dans leur administration. Ils sont au moins coupables de négligence ou d’ineptie, et quand il s’agit du salut de l’Empire le pouvoir du Monarque doit frapper la négligence et l’ineptie comme la fraude. Et quelle injustice y a-t-il à mettre les grands coupables hors de la loi? Ils s’y sont mis eux-mêmes pendant tout le temps de leur administration. Suivre la marche lente, les sentiers tortueux et sombres de l’examen en détail c’est attaquer une batterie formidable avec des fusils à vent.
On assure que Vous avez donné le commandement général à Buxhöwden, et qu’il est chef des tribunaux qui doivent examiner la malversation des employés dans les vivres. J’ai été sur le point de taxer de mensonge celui qui me l’a dit; mais je me suis ressouvenu que Vous l’avez rappelé au service, et je n’ai pas eu le courage de contredire. <Sire! La bataille de Friedland est un grand malheur; mais le rappel de Buxhöwden en est un plus grand.> L’armée connait son incapacité, le public sa sordide avarice, Vous les mauvais services qu’il a rendus à Austerlitz et à Pultusk, les trois gouvernements qu’il a eus retentissent de son despotisme et de sa gaucherie. Son seul mérite est dans la surveillance des détails dans laquelle il met de la sévérité sans tact. <Si Vous n’aviez pour le moment personne à mettre à cette place, qui sût la remplir, encore eût-il mieux valu y mettre un russe maternel.> Ne tenez plus à la soi disante loi de l’ancienneté. Songez que Catherine IIe a gouverné l’Empire au moins avec sûreté par des parvenus, et que Bonaparte a vaincu l’Europe par des hommes de rien dont l’existence est attachée à la sienne. Jetez un coup d’œil autour de Vous. Découvrez-Vous un seul homme puissant dont l’intérêt soit lié au Vôtre, dont l’existence dépende de Vous? Faites-Vous donc de pareils hommes. La dernière campagne Vous en a indiqué assez pour le militaire.
Je plains Benningsen. Je Vous plains, Vous et l’Empire de sa perte3. Je sais qu’il a commis de grandes fautes. Mais il est cependant le vainqueur de Pultusk et d’Eylau, mais sous les circonstances où il se trouvait une troisième victoire était impossible; mais il Vous était attaché, par son propre intérêt. Vous l’avez traité avec sévérité et Buxhöwden s’élève sur ses débris. Si jamais la condescendance était à sa place c’était dans ce cas-ci. Après la bataille de Friedland la paix était nécessaire; mais il fallait faire Benningsen feldmaréchal et lui donner Ostermann Tolstoi pour aide. Si Vous l’aviez conservé et soutenu, le parti contraire eût appelé cela de l’entêtement; mais Rome au faîte de sa plus belle période en agissait ainsi; mais le parti contraire n’a pas un seul homme à Vous offrir. – Que je Vous dise tout ce que je pense. Je voudrais que le public Vous taxât d’entêtement. Vous seriez craint, et Vous devez l’être.
La paix était nécessaire et elle est aussi honorable qu’elle pouvait l’être sous ces circonstances. Ayant à couvrir Vos frontières Vous deviez abandonner la Prusse qui s’était abandonné elle-même. Mais cette paix a deux grands inconvénients. Le premier est l’arrivée d’un ambassadeur français à Pétersbourg. Attendez-Vous à des menées sourdes, à de grandes corruptions. Mettez le plus grand secret dans les opérations (il n’existait pas de secret à l’armée, je le tiens de très bonne part). Craignez les déserteurs français qui se répandent à présent partout. Chassez ces espions sous le prétexte de les livrer à Napoléon et redemandez ensuite les déserteurs russes comme équivalent. Craignez les maîtresses des hommes en place, faites les surveiller avec la plus grande exactitude. La réconciliation de Napoléon n’a pas réconcilié Bonaparte. Son système n’a pas changé, et voici le second point.
L’état actuel de l’Europe doit être considéré par rapport à la Russie sur les deux frontières principales, sur celles de la Turquie et sur celles de la Pologne. Vous m’avez dit que Napoléon a des vues sur la Turquie. Je le savais il y a deux ans. Il écrasera son fidèle allié qui l’a si bien servi pendant cette campagne en occupant 60 000 russes, et qui eût fait davantage si la paix ne fût survenue subitement. Quelles raisons allègue-t-il pour masquer son ingratitude? Sa vraie raison est qu’il veut devenir Votre voisin de deux côtés, surtout du côté faible de la Russie, et envelopper l’Autriche. Il demandera à cette jadis-puissance sa portion de la Pologne pour agrandir les États de Jérôme4. Il entretiendra des troupes françaises dans ce nouveau royaume, il militarisera les polonais, et aura par là une armée respectable sur cette frontière de la Russie, prête à frapper dès que ses projets de partage de la Turquie Vous déplairont; et tout projet de partage où il aura une part considérable sur le continent est dangereux à la Russie.
Il est difficile de Vous donner un conseil décisif dans cette conjoncture. Pour pouvoir le faire il faudrait être beaucoup plus instruit que je ne suis à portée de l’être. Souvent une chose peu importante en apparence décide. Bonaparte a sûrement son côté faible, non seulement dans son caractère, mais aussi dans ses opérations; c’est à le découvrir qu’il faut s’attacher de préférence; et en même temps employer tous les soins imaginables à réorganiser l’armée, dont Vous aurez bientôt besoin, contre la France et peut-être contre l’Angleterre.
Le travail que Vous avez est immense. L’intérieur dans tous les départements exige Vos soins. Les relations extérieures veulent une attention et un travail continus. Le militaire doit être régénéré dans toutes ses branches. Pour suffire à tout il Vous faudrait dans ce moment être plus qu’homme, dénué comme Vous êtes de vrais travailleurs. La plus grande tâche retombe sur Vous, et Vous n’avez pas encore trouvé le moyen d’introduire dans Vos propres travaux cet ordre sévère qui profite de tous les instants et rend le travail facile et surtout fertile. Votre condescendance pour les autres Vous fait revenir plusieurs fois sur le même objet, et double ou triple la peine. Commencez par introduire cet ordre vrai, immuable dont je Vous parle. Vous Vous étonnerez du temps que Vous gagnerez, Vous serez à même de juger à coup sûr du temps que d’autres doivent mettre aux affaires, et Vous les forcerez à introduire chez eux le même ordre qu’on ne connait pas en Russie. Ne craignez pas en ceci la pédanterie. Quand il s’agit de l’ordre il est difficile d’être pédant. Voilà pourquoi je Vous ai prié si souvent de Vous rapprocher Klinger, de l’employer là où sa sévérité serait d’une grande utilité. <J’ignore les raisons que Vous aviez de ne pas le faire. Elles doivent être de poids puisque Vous ne l’avez pas fait.>
Je vais à présent Vous faire une autre proposition. Je Vous le fais à regret, puisqu’elle me concerne, et qu’elle déteint toutes les espérances que je m’étais faites de passer le reste de ma vie au sein d’une science que j’aime, dans la vocation heureuse où je me trouve, la seule qui me promette des jouissances pour moi et ma famille et de la célébrité. Je la fais à regret parce que dès que je rapprocherai de Vous je ne pourrai plus être Votre ami dans ce sens absolu dans lequel je le suis à présent. Aujourd’hui je suis libre; je suis encore dans la sphère dans laquelle Vous m’avez trouvé. Je ne Vous dois que le sentiment ineffable, unique de pouvoir Vous aimer au-delà de tout. Vous m’avez comblé de jouissances auxquelles l’égoïsme n’avait nulle part; elles n’intéressent que le cœur. Dès que je change de situation je perds à coup sûr cet avantage inappréciable qui seul pouvait faire franchir à mon cœur l’intervalle immense que le sort a mis entre nous. Dès ce moment je cesse d’être à Vos yeux l’homme qui ne peut pas Vous être infidèle; la possibilité du soupçon de Votre part s’établit. Je voulais l’éloigner à jamais, cette possibilité, je voulais Vous conserver un homme dont le cœur Vous consolât des pertes que je prévoyais que Votre cœur ferait. Voilà pourquoi je Vous ai prié, conjuré, de ne m’accorder jamais aucun soi-disant Bienfait. <Voilà pourquoi j’étais fâché que Vous ayez cédé lorsqu’on Vous proposa de me décorer d’une croix5; cette première distinction me paraissait être le prédécesseur d’autres.> Aujourd’hui je suis forcé de changer, d’abandonner mon idée favorite qui faisait et consolidait mon bonheur, et je Vous dis: Rapprochez-moi de Vous. Faites-moi Votre secrétaire particulier, pour Vous soulager dans Votre travail, pour Vous préparer Votre ouvrage journalier, pour mettre et soutenir un ordre rigoureux dans Votre chancellerie, pour rendre Votre temps plus fertile, pour Vous rappeler les objets que Vous confiez à Votre mémoire qui ne peut Vous être fidèle dans la foule des objets qui l’obsèdent, pour voir à Votre place maint objet que jamais un Empereur n’a pu voir. Je n’ai besoin pour cela ni de grands appointements ni de décorations ni de titres. Le rang que j’ai suffit, l’ordre de Wladimir me décore assez, et pourvu que je puisse fournir au nécessaire et entretenir mes fils à Dorpat je suis assez riche. – Il m’en coûte de Vous faire cette proposition plus que je ne puis Vous dire. Je perds essentiellement au change, je m’expose peut-être pour l’avenir à mes propres reproches, je hasarde le bien-être de ma famille, et je ne quitterai ma heureuse existence à Dorpat (et mon fidèle Krause) qu’en versant des larmes, encore incertain si je pourrai faire auprès de Vous le bien que je voudrais faire. Mais je Vous aime plus que moi-même, plus que ma famille, plus que mes amis, et mon parti est pris. – Je connais toutes les raisons qui Vous feront hésiter à y accéder: mes relations personnelles à Pétersbourg, mon défaut de connaissance de Votre langue, mon tempérament etc.; je les ai pesées toutes. Répondez-moi, simplement oui ou non, et comptez fermement que si Vous me répondez que non, ce sera pour moi une preuve non équivoque de Votre amitié, pour Vous un nouveau droit à ma reconnaissance. Mais ici il ne s’agit pas de moi.
Je suis ému en terminant cette lettre; je sens l’immensité de la tâche que je m’impose. Me rapprocher de Vous est pour moi la chose la plus sacrée. Dieu puissant! Dieu bon! Fais que je ne m’en repente pas!
P. S.
Je Vous rappelle l’objet de ma dernière lettre. Rendez au public l’ouvrage sur les livoniens et les estoniens, protégez l’auteur, soutenez la censure de Dorpat. Vous avez Vous-même senti que cela doit être, et il est assez triste qu’une pareille confiscation ait pu avoir lieu sous Votre règne. Abandonner cette affaire à l’intolérance politique c’est vouloir ternir aux yeux de l’Europe Votre mérite pour l’instruction publique. N’oubliez pas que cette partie de Votre règne Vous appartient exclusivement. Ne me soupçonnez pas de partialité en ceci. Vous savez que je ne crains pas le Ministre, que je ne puis craindre personne.
Donnez l’arrende de Colberg à Sonntag. À présent Vous le pouvez encore. Il s’arrangera avec le fermier qui en a sa possession pour 12 ans, si Vous lui abandonnez les revenus stipulés. Ce n’est pas une grâce particulière pour Sonntag; c’est une justice qu’on doit au surintendant général que de le rester en état de vivre de sa place.
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