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Автор книги: Андрей Андреев


Жанр: Зарубежная образовательная литература, Наука и Образование


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93. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat, au début de juin 1806]1


Sire!

Je n’ai pas tenu parole. Je Vous avais promis que pendant mon Rectorat l’Université ne Vous donnerait aucun sujet de désagrément. J’y avais réussi jusqu’à aujourd’hui, mais à présent Vous apprendrez qu’il y eu un duel entre deux étudiants, dont la suite a été la mort de l’un des deux. L’affaire s’est faite avec tant de secret qu’aucune prévoyance humaine n’eût pas la prévenir. Je n’ai point à me reprocher d’avoir négligé mon devoir; ma santé délabrée en est la preuve. Mais je me reprocherai sans cesse de n’avoir pas Vous épargner ce chagrin. Quand on Vous aime, peut-on jamais avoir assez fait son devoir?

Je suis bien triste. Peut-être aimerez Vous moins

Votre Parrot

94. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 2 août 1806


Je dois des actions de grâces au Bien-Aimé pour l’ordonnance en faveur des étudiants qui se vouent au militaire1, et mon cœur Lui en offre l’hommage avec ce sentiment ineffable que le Bien-Aimé seul sait inspirer. Mais cette ordonnance contient un point qui rend au jeune homme malheureux, le point qui restreint cette faveur à la classe des gentilhommes. L’étudiant Goers, qu’Elssner déclare être son meilleur élève, qui a terminé ses études militaires sur la parole que le curateur nous donna il y a un an et demi, se trouve à Pétersbourg, dénué de tout moyen pour entrer dans sa carrière parce qu’il n’est pas gentilhomme, toutes les portes lui sont fermées. Il va tous les jours à la parade pour tâcher d’attirer l’attention de son souverain et trouver l’occasion de Vous offrir le tableau de sa situation. Son père, sexagénaire et pauvre, qui avait fondé sur lui l’espérance de sa vieillesse, mourra de chagrin s’il apprend qu’après avoir épuisé son peu de ressources pour former son fils, il n’a fait que le soumettre pour 12 ans au traitement avilissant auquel les bas-officiers bourgeois sont sujets. Et ce jeune homme n’est pas le seul dans ce cas. – En France, Sire, dans le temps où les prérogatives de la noblesse étaient dans toute leur vigueur, on a toujours fait une exception pour l’artillerie et le génie. Quiconque avait du talent et des connaissances y était admis, et Vous savez mieux que moi combien cette partie du militaire français avait de prépondérance en Europe. Je sais, ô mon Bien-Aimé, combien cette restriction a dû Vous coûter, à Vous qui me dites la première fois que Vous m’accordâtes le bonheur de Vous voir: «Je travaille à égaliser les conditions dans mon Empire»2.

La noblesse de Livonie s’est déclaré à l’égard des écoles paroissiales. J’ai cette déclaration sous les yeux. Elle contient que le plan est impraticable faute de maîtres d’écoles, les pasteurs et les marguilliers ne pouvant se charger de cet emploi; on appuie sur le sentiment du consistoire, que l’Université ne peut pas avoir l’inspection de ces écoles, mais qu’elles doivent rester au consistoire; que la noblesse est trop pauvre pour fournir les frais; que l’on ne peut pas imposer le paysan; que tout doit être remis au patriotisme des particuliers; et pour preuve de ce patriotisme on cite l’école de la paroisse de Canapäh.

Voici en peu de mots ma réponse: Les marguilliers ont jusqu’à présent fait les doubles fonctions et Vous fournissez les frais pour les former à cet emploi. Je me suis arrangé depuis avec le surintendant général pour éviter les collisions d’autorité. Le consistoire et les pasteurs ne pourront pas mettre les écoles paroissiales en vigueur, parce qu’ils sont trop dépendants de la noblesse, dont le patriotisme a toujours contrarié l’instruction au paysan. Le plan n’exige de la noblesse que des maisons pour y établir les écoles et des hommes pour en faire des précepteurs. Or j’ai les ordonnances anciennes, du temps de l’Impératrice Catherine, et elles sont plus rigoureuses que le plan, il suffit de les mettre en vigueur3. Dans les cercles de Riga, Wenden et Wolmar, le paysan s’est offert volontairement à l’entretien des écoles paroissiales. L’école de la paroisse de Canapäh a été établie il y a 2 ans conformément à mon plan par le pasteur Roth, à l’insu de la noblesse et est entretenue par les paysans seuls.

Sire! Voilà des faits incontestables; je n’appuie que sur eux. Le Directoire triomphe, ces protestations à la main; c’est ce qu’il désirait et il a parfaitement bien calculé. Je me suis tu alors, parce que Vous aviez déjà accordé cette consultation des provinces qu’on Vous avait demandée à mon insu4. J’ai attendu tranquillement l’effet de ces consultations. À présent qu’il s’agit de la décision, je Vous conjure, Sire, de ne pas laisser agir le Directoire à l’insu de l’Université (qu’on n’a pas même instruite de cette démarche importante) et d’ordonner que j’aille à Pétersbourg pour rendre compte du plan et me justifier de son contenu. Je suis trop instruit de tout ce qui y a rapport pour craindre les discussions, et je n’ai d’intérêt que celui de la chose. Si les écoles paroissiales n’existent pas, j’aurai sûrement moitié moins de travail et de chagrins; mais aussi j’aurai un dégoût profond pour ma vocation. Je hais l’aristocratie des lumières <littéraire> encore davantage que l’aristocratie politique <civile>. Le droit de former son entendement et sa morale en raison de la carrière où l’individu se trouve est le droit le plus sacré de l’humanité. L’emploi de ne former que des gens de lettres est si petit, comparé à celui de former des hommes! – Mais pourquoi Vous dire ces choses-là? Votre propre cœur Vous les dit cent fois le jour. Mon Héros! Le Ciel Vous donne la patience de m’écouter et les moyens d’empêcher le mal!

Votre Parrot Vous aime de toute son âme.

95. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 23 septembre 1806


Sire!

Votre éternel suppliant reparaît. On Vous avait demandé la terre de Colberg pour le surintendant de Livonie. Vous hésitâtes parce qu’elle était destinée à l’Université. Lorsque je Vous fis la même prière en Vous alléguant qu’il était indifférent que l’Université eût cette terre ou une autre, Vous me promîtes de la donner. Des affaires majeures Vous ont apparemment fait oublier celle-là. À présent le moment est venu d’effectuer. La veuve du lieutenant-colonel Schröder, qui avait cette terre en arrende viagère, vient de mourir, et la terre est par là disponible. Les raisons que je Vous ai alléguées gagnent de jour en jour plus de force. La cherté à Riga est énorme et passe toute idée. Il est impossible que le surintendant y vive de ses appointements je ne dis pas avec dignité et aisance, mais qu’il satisfasse aux besoins de nécessité. Sonntag, qui remplit sa place avec tant de zèle et de succès, s’endette, et est forcé de chercher à l’étranger une place qui le nourrisse. Je ne sais personne qui puisse le remplacer; sa perte serait irréparable et la réputation qu’il a, à l’étranger encore plus qu’ici, deviendrait un reproche à la Russie, si on le laissait quitter comme on a laissé quitter autrefois le célèbre Herder1. La Russie est devenue presque le seul asile des sciences et de la vraie humanité; retenez ceux qui les servent avec zèle. Hâtez-Vous, je Vous supplie, avant que Sonntag s’engage ailleurs; c’est le Ministre de la justice qui a cette affaire.

Nos gymnases et écoles de district sont complètement organisés. Mais les écoles inférieures, ces écoles élémentaires qui doivent recevoir dans leur sein la masse de la jeunesse du peuple pour en former une partie pour les écoles de district, n’existent pas encore. Nous avons réitéré la demande pour leur érection; elles sont de première nécessité, pour les filles comme pour les garçons; nous avons demandé que celles-là soient séparées de celles-ci, parce que la moralité l’exige, parce que la mélange des sexes dans les écoles primaires détruit dans le principe ce germe d’innocence dont la nature a fait le plus bel apanage de la femme. Les frais sont les mêmes, et sont déjà assignés sur notre part des revenus des collèges des secours publics. Le seul argument qu’on opposait autrefois est qu’il est ridicule que l’Empereur de Russie fasse élever des filles. – J’avoue que je n’ai rien à répliquer à des raisons de cette force.

Je ne Vous rappelle pas les écoles de paroisse pour les campagnes. Je compte sur Vous – je ne puis compter que sur Vous seul. – Mais permettez-moi un mot sur un sujet tout différent. Vous avez ordonné des levées considérables de recrues. J’en sens la nécessité; je sens ce qu’il Vous en a coûté d’enlever au labourage tant d’hommes qui lui sont nécessaires. Mais les accessoires de cette ordonnance sont plus nuisibles encore que l’ordonnance elle-même. On exige avec rigueur, avec vexations son exécution ponctuelle. D’un côté la mesure est trop grande pour le grand nombre de recrues à livrer. L’Estonie, où la race d’hommes est petite, ne pourra pas les fournir, et les clameurs de la noblesse à ce sujet sont sans fin. J’en ai été témoin pendant un petit voyage que j’ai fait dans le gouvernement de Reval. J’ai vu une terre de 25 Haken, qui doit fournir deux recrues. Elle n’en possède qu’un seul de la taille prescrite, et ce seul homme est père de famille et le meilleur chef de métairie de toute terre. D’un autre côté on crie beaucoup contre celui qui est chargé de recevoir les recrues; il abuse des expressions de l’ordonnance; une cicatrice, une verrue, des yeux louches etc. lui servent de prétexte pour renvoyer les recrues qu’on veut livrer et l’on assure que les profits ordinaires ne lui suffisent pas. Ne serait-il pas possible de diminuer la taille requise et de faire cesser les vexations? – Vous me pardonnerez sûrement de Vous parler de choses que je n’entends pas. Puis-je voir de sang froid qu’on fasse des reproches à mon Bien-Aimé? La tendre amitié dont tout mon être est pénétré pour Vous ne me fait-elle pas un devoir sacré de Vous dire tout ce que je vois, au risque même d’avoir tort? O mon Héros! Mon ami souverain! – Ne cessez jamais d’entendre la voix de

Votre Parrot.

96. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 16 novembre 1806


Vous êtes devenu Père1, mon Bien-Aimé; j’ai partagé les délices que Vous avez éprouvées; j’ai remercié la Providence pour les moments de bonheur que Vous avez eus, pour ces moments à présent surtout si nécessaires à Votre cœur.

J’ai à Vous remercier pour les deux Ukases que Vous avez donnés concernant les recrues et les étudiants bourgeois. Elles sont dignes de Votre cœur, et me prouvent, malgré Votre silence, que Vous ne m’avez pas oublié, que Vous m’aimez toujours2. – Mon Alexandre! Cette persuasion m’est plus nécessaire que jamais, à présent que ma santé foncièrement délabrée me prouve que le temps de mon activité est bientôt écoulé. J’ai été obligé, il y a un mois, de cesser tout travail; depuis 8 jours j’avais recommencé, mais aujourd’hui je suis de nouveau forcé de borner mon existence aux soins pour mon physique. Je Vous écris avec peine. Mais il faut que je Vous écrire. Outre le besoin de m’entretenir avec le Bien-Aimé en mon cœur je cède à un devoir pressant. Les écoles paroissiales ne sont pas encore établies, et j’ai lieu de craindre qu’àprès moi personne n’y veuille mettre le même zèle, personne n’y puisse travailler aussi efficacement. Votre confiance me donne des moyens dont aucun autre ne peut disposer. Mettez-moi en état d’employer les restes de mon existence à cet ouvrage qui seul peut consolider tout le bien que Vous voulez faire à la classe du cultivateur, et annoncer paisiblement l’époque où on pourra rendre à l’humanité ses droits naturels. Vous devez être persuadé par tant d’expériences journalières que le moment favorable ne vient qu’une fois, que le succès dépend toujours du soin qu’on a pris à saisir l’occasion et à profiter des circonstances. Depuis que Vous avez consenti à ce que le plan des écoles paroissiales soit présenté aux provinces je n’ai cessé d’agir pour écarter les obstacles que cette mesure devait amener. J’y ai réussi au-delà de mes espérances, au moins en Livonie, et comme cette province sert ordinairement d’exemple et d’échelle pour les autres, ce succès partiel est le garant d’un succès général. Une des plus grandes difficultés à lever se trouve dans la résistance des consistoires qui s’opposent à ce que les pasteurs soient, relativement aux écoles des campagnes, subordonnés à l’Université. J’ai prévu depuis longtemps cette résistance, j’ai obtenu, il y déjà 2½ ans, un adoucissement à l’Ukase qui contient les préliminaires de l’instruction publique, où cet objet avait été traité avec une rigueur qui révoltait tous les esprits. Depuis j’ai employé toute l’influence que j’ai sur le consistoire de Livonie à ménager des rapprochements, et je suis de même à cet égard sûr du succès. – Mais il faut absolument profiter du moment. J’irai en tout cas à Pétersbourg vers le nouvel an; mais outre que ces voyages, quand je les fais à mes frais, me ruinent, celui-ci serait infructueux, si je le faisais en simple particulier. Vous Vous souvenez sûrement de la défense que le Directoire a donnée aux Universités d’envoyer des députés sans son ordre3. Ainsi je ne puis aucunement paraître avec un caractère officiel, et par conséquent travailler officiellement, si Vous ne donnez l’ordre au Directoire de me mander pour terminer l’affaire des écoles. Je Vous prie donc instamment de donner cet ordre au plus tôt <au commencement du décembre> pour que je puisse pendant la 1e moitié de décembre rassembler tous les autres nécessaires, et partir à Noël. Arrivé à Pétersbourg je Vous présenterai, d’abord à Vous, l’état de la chose en détail, et Vous proposerai les moyens de tout terminer, par rapport aux gentilshommes et par rapport aux consistoires, sans exciter du mécontentement ou des réclamations. Mon plan est calculé sur la connaissance des hommes, et ne peut échouer. J’y ai attaché mon existence, Vous le savez, et la nature qui s’est hâtée de me former, paraît vouloir terminer bientôt. Employez donc le reste du temps qu’elle me laisse. Peut-être le succès me ranimera, et si je succombe après avoir achevé cet ouvrage, j’aurai vécu pour l’humanité et pour Vous; ma vie aura eu assez de durée. Ne parlez à personne de ma santé. Tant qu’on croira que je me porte bien, on songera moins à gagner du temps.

<Les affaires extérieures empirent de jour à jour4.> Depuis que nous n’avons plus de gazettes je ne suis plus au courant des affaires extérieurs. – Je ne puis que partager le chagrin qu’elles doivent Vous causer. – O combien de questions j’aurais à faire si j’étais à Pétersbourg! – Serait-il donc impossible de donner à Pahlen le commandement général? C’est certainement la meilleure tête que nous ayons, et quand à sa fidélité il ne serait pas difficile de s’en assurer, si Vous lui promettiez pour la première bataille décisivement gagnée un million de Roubles et le bâton de Maréchal. Je sais bien que toute la cour sera contre cette idée. Mais si Vos armées sont battues, la cour ne trouvera-t-elle pas toujours que Vous n’avez pas pris les bonnes mesures?

97. Alexandre IER à G. F. Parrot

[Saint-Pétersbourg, 20 novembre 1806]1


Je profite du premier moment de libre que j’ai pour Vous écrire ces lignes. Ce que Vous me marquez dans Votre avant-dernière sur Votre santé, m’a beaucoup affligé. Vous connaissez tout l’intérêt que je Vous porte; mais j’espère que Votre mal est susceptible de soulagement, et qu’avec quelques soins Vous pourrez Vous remettre. Le ministre a reçu l’ordre de Vous autoriser de venir ici, je désire beaucoup que Votre santé n’y mette aucun obstacle, et cela sera avec bien du plaisir que je Vous reverrais.

Tout à vous.

98. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, 25 décembre 1806]1


Me voilà à Pétersbourg, l’âme pleine de mon Bien-Aimé! Que ne puis-je Vous peindre mes sentiments! O mon Alexandre! Le principal, le dominant est que je me sens meilleur à Votre approche. Mon cœur s’épure. Tout ce qui n’est pas digne de Vous disparaît pour faire place aux sentiments nobles qui Vous animent continuellement, qui sont si intimement liés à Votre Être. Je verrai Votre chère enfant, au moins je l’espère, je la presserai sur mon cœur. – Mais <ce n’est pas le plus pressant> j’ai à Vous parler sur nos provinces relativement aux milices2. – Il n’y a pas un jour à perdre. Je viens de faire une tournée en Estonie, et je Vous dois la vérité que Vous ne connaissez pas encore; sans cela Vous serez trompé par les apparences, et Vous en souffrirez cruellement. S’il est possible, accordez-moi encore aujourd’hui une heure pour cet objet. Il n’y a pas un moment à perdre.

99. Alexandre IER à G. F. Parrot

[Saint-Pétersbourg, 26 décembre 1806]1


Je n’attendais nullement, que ce que Vous aviez à me dire pût regarder mes armées. Vous pouvez bien penser l’étonnement, dans lequel je dois me trouver, de ce que Vous avez l’air d’être instruit d’événements qui s’y sont passés. Je Vous invite à m’instruire par écrit de ce que Vous savez. Il n’y a rien, qui ne puisse se dire sur papier, surtout par une voie aussi sûre que celle que nous employons, et demain après-dîner je Vous verrais moi-même2. Faites-moi le plaisir de le faire sans perdre un moment.

Tout à vous.

[Paraphe]

100. G. F. Parrot à Alexandre IER

Saint-Pétersbourg, 27 décembre 1806


Sire!

J’ai appris combien Vous êtes obéré d’affaires majeures, et je conçois que c’était une indiscrétion <de ma part> que de Vous demander une heure avec tant d’empressement; j’eusse dû faire d’abord ce que je vais faire, Vous dire par écrit ce que je voulais Vous dire de bouche. Vous fâcherez-Vous si je Vous avoue que les délices que je me promettais de notre entrevue m’ont peut-être aveuglé? Où l’égoïsme allait-il se nicher1?

Je voulais Vous parler des milices, surtout par rapport à mes provinces frontières.

Malgré tout ce que l’on entend dire contre la levée des milices en général, j’en trouve l’idée bonne, heureuse même, et Novossiltzoff a rendu un service important à Vous et à l’État pour cette idée. Elle met le patriotisme de Votre nation en activités et Vous fournira des recrues exercées dans un cas de besoin qui ne manquera pas d’avoir lieu. Car l’avantage réel que nous avons obtenu par la victoire de Benningsen n’est pas grand du côté militaire2, mais d’autant plus du côté de l’opinion, et Vous devez Vous attendre à un revers, peut-être considérable, causé par la dissension des chefs de l’armée. Mais aussi pourquoi donner un commandement important à un homme aussi méprisable que Buxhöwden?

La levée des milices ne doit donc être considérée que sous le double point de vue indiqué, du patriotisme et du recrutement des régiments; c’est donc sous ce point de vue qu’il faut considérer cette mesure relativement aux provinces de l’Estonie, Livonie et Courlande. Il n’existe point de patriotisme chez les paysans de ces provinces, il ne peut pas en exister <et il est ridicule d’en attendre>. Le lette et l’estonien ne sont pas russes, ils ne font pas corps avec la masse de la nation. Depuis qu’ils sont sujets de l’Empire russe leur esclavage est devenu plus dur et plus anéantissant. L’Impératrice Catherine, qui savait conquérir des provinces, ignorait l’art de les assimiler, l’art de conquérir les hommes. Elle n’a presque rien fait pour la masse de ces deux nations croyant qu’il suffisait de gagner la noblesse; de là les favorisations qu’elle a accordées à ce corps dans ces provinces, dont la Russie murmure encore. L’exemption de recrues qu’elle a continuée pour ces provinces est à cet égard une grande faute politique. Le lette et l’estonien n’ont point pris de part aux succès militaires <des russes contre les turcs et (malheureusement) contre les polonais>. Il n’existe aucun lien entre ces nations et la nation russe, par conséquent point de patriotisme du côté des provinces conquises. Quelle est la source du patriotisme russe? – La gloire. Votre nation a autrefois secoué le joug des nations étrangères, a subjugué ses anciens conquérants, a combattu glorieusement, subjugué même des nations voisines. Voilà ce qui forme cet esprit de corps qui, quand il est national, devient amour de la Patrie, la seule espèce de patriotisme qui puisse exister chez un peuple qui ne connait pas la liberté. C’est le patriotisme des français d’aujourd’hui. Le lette et l’estonien est encore moins libre que le russe; le despotisme des particuliers l’a avili, et par l’exemption des recrues on l’a éloigné la cause publique. Les victoires des russes lui sont étrangères; il ne sent que la supériorité de la nation conquérante qui rive les fers dont la noblesse l’a chargé. D’où lui devait donc venir l’esprit de corps, le patriotisme? – Mais je me trompe. Il a un esprit de corps. Il regrette les temps plus heureux pour lui de la domination suédoise, mais cet esprit de corps est l’opposé de celui que nous désirons qu’il ait; c’est l’opposé du patriotisme qu’il devait avoir en ce moment, c’est cet esprit de corps qui lui fait désirer un changement quelconque. Le lette et l’estonien Vous aime personnellement, je Vous l’ai dit. Mais il s’est formé chez eux un proverbe national: l’Empereur est loin de nous, notre seigneur est près; et ce proverbe s’est formé précisément par les soins que Vous prenez d’adoucir son sort. Ce proverbe seul contient et l’histoire de ces soins <parce que ces soins n’ont pu vaincre les obstacles qu’on Vous a causés> et la façon de penser de ces deux nations; c’est la juste mesure de leur attachement à l’Empire.

Encore une considération générale. On a annoncé cette levée de milices, sans parler auparavant au gros de la nation, sans l’instruire des vues du gouvernement, des besoins de l’État. Tant qu’il n’est question que de recrues militaires on peut se passer de les explications. Mais quand il s’agit d’une levée en masse, la nation sent le besoin qu’on a d’elle, et elle veut qu’on lui parle, et on a le droit. Aussi cette faute a-t-elle produit même en Russie des mésententes qui auraient pu devenir sérieuses. La coutume fait passer sur tout ce qui est de coutume, mais tout ce qui est extraordinaire doit être motivé. Dans ces cas-ci toute nation, quelque soumise qu’elle soit, se ressouvient qu’elle a une raison, et chaque individu, quelque borné qu’il soit, a une grande opinion de la sienne.

Je passe de ces réflexions générales au moment présent dans les provinces conquises. La Diète de Reval est terminée, et a décrété, que malgré tout le danger qu’elle sent, malgré les clameurs et la frayeur de la majorité, on obéirait sans Vous faire de représentations. Pourquoi? Parce que les orateurs de la Diète ont prouvé à la majorité que les représentations découvriraient le faible de la noblesse, que Vous pourriez lui demander pourquoi on ne peut pas se fier à ses paysans comme aux russes, et agir après la mise en conséquence. Les orateurs ont fait entendre à la majorité que les milices sont le meilleur moyen de se défaire des esprits turbulents – comme si dans un moment pareil tous les esprits n’étaient pas turbulents! Si l’on veut partir de ce principe il ne faut pas enlever le quart ou le tiers des hommes en état de porter les armes, mais tous; il faut opérer une émigration générale.

Dans le petit voyage que je viens de faire en Estonie, j’ai entendu le gentilhomme parler individuellement; j’ai vu sa terreur, j’ai lu les lettres désolantes qu’on s’écrit, et l’on m’a instamment prié de travailler à parer le coup fatal. – Sivers n’est sûrement pas un poltron et Vous savez qu’il a été du même avis que moi, avant que nous ayons pu nous aboucher là-dessus.

Je joins un feuillet à part qui contient les raisons particulières qui existent contre l’armement des provinces conquises, aussi brièvement exprimées que j’ai pu, et les moyens de se dispenser de cet armement d’une manière avantageuse à l’État.

Pesez ces raisons. Votre Parrot Vous les doit, et Vous les donne comme tout ce qu’il Vous a donné jusqu’à présent, persuadé qu’il augmente le nombre de ses ennemis. Ma démarche inspirée par le désir de sauver cette noblesse qui me hait sera un nouveau crime à ses yeux, ou au moins de ses chefs.


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