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Автор книги: Андрей Андреев


Жанр: Зарубежная образовательная литература, Наука и Образование


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116. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, 1 mars 1807]1


Sire!

J’ai de nouvelles à Vous donner de la séance d’hier au Directoire. À mon arrivée on me boudait un peu; il me semblait qu’on attendait des choses très fortes de ma part! Lorsque j’eus commencé à lire mon mémoire, lorsqu’on vit que je parlais très simplement, que je ne discutais pas avec violence, que je produisais sans affectation les actes qui parlaient le plus fortement pour mon opinion, on est revenu des premières idées, la discussion a eu lieu, avec beaucoup de décence et sans la moindre aigreur; Klinger m’a soutenu vigourieusement et à sa prière on m’a même permis, cette discussion finie, de rester pour la discussion sur le gymnase de Mitau qui a été de même terminée, en accordant à Klinger toutes les demandes qu’il faisait dans des remarques par écrit sur le projet de la nouvelle constitution de ce gymnase. Quant aux écoles paroissiales on est convenu de procéder à leur exécution, sans objecter le défaut de réponse officielle de la part des 3 gouvernements qui ne l’ont pas encore donnée, avec la modification cependant qu’il serait dit dans le Doclad que les seigneurs ne doivent pas être forcés à établir les écoles paroissiales, mais qu’on Vous ferait rapport de ceux qui s’opposeraient. Sire! Je conviens qu’il ne faut pas employer la violence sans de fortes raisons; mais dire officiellement à ceux qui doivent exécuter une loi qu’on ne les forcera pas, c’est les inviter à ne pas s’y conformer, et comme dans chaque paroisse il y a plusieurs terres, un seul propriétaire se trouvera par là à même de s’opposer à la bonne volonté des autres, et tout sera gâté. On ne demande des gentilshommes que la bâtisse des maisons en commun avec les paysans de la paroisse, et les frais sont si petits! J’ai produit hier les ordonnances réitérées de Catherine II à cet égard qui sont foudroyantes, et malgré cela on revient toujours à l’idée d’abandonner l’exécution à la bonne volonté des seigneurs. Ce sont les paysans qui font les frais de l’entretien des écoles, par conséquent ce sont eux qui doivent déclarer pour chaque paroisse s’ils peuvent fournir ces frais ou non; c’est leur bonne volonté qui doit décider.

La traduction du plan est finie; je vais la collationner avec Sivers pour être sûr que le traducteur a saisi partout le vrai sens, et ensuite je la ferai copier pour Vous la présenter. Grâces à la Providence et à Votre fermeté nous touchons au terme. Vous allez accorder un bienfait signalé à une nombreuse classe d’hommes dont le bonheur est confié à Votre cœur et qui n’a d’autres intérêts que les Vôtres, et quand j’aurai terminé ce travail je pourrai mourrir content, sûr de n’avoir pas vécu inutilement pour l’humanité et pour Vous. Ne craignez pas ma vivacité dans l’exécution. L’expérience et ma maladie ont modéré ce tempérament de feu que j’ai peut-être quelquefois trop fait éclater. D’ailleurs l’homme fort n’est jamais violent si d’ailleurs il est bon. Plus Vous me revêtirez de pouvoir, plus je serai doux, conciliatif, indulgent, mais sans faiblesse.

Permettez-moi de Vous dire un mot sur ce que Vous me dites an sujet des bulletins de l’armée. Vous aviez envie d’envoyer quelqu’un à l’armée pour y faire les bulletins pour le public. Ne permettez-Vous de Vous proposer quelqu’un, le conseiller d’État Beck, qui est aux affaires étrangères? Outre qu’il fera ces bulletins avec toute la sagacité possible, il Vous sera encore d’une grande utilité; il pourra de là épier facilement les intentions de la cour de Memel2, qui ne me paraissent pas être de la plus grande noblesse, et tirer des informations indirectes sur celle de Vienne qui est plus qu’équivoque. Si en outre Vos armées passent l’Oder, qui plus que Beck pourra être utile à Benningsen? Car alors il faudra que le général ait égard dans ses démarches aux circonstances politiques et locales.

Je prends la liberté de Vous appeler encore l’arrende pour Sonntag. Serait-il étonnant que Vos occupations Vous l’eussent fait encore oublier?

Bonjour, mon Bien-Aimé. Je suis content et heureux.

117. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg], 4 mars 1807


Sire,

Mr. de Drouginin, s’étant fait informer à la Héroldie et chez le Ministre des affaires étrangères pour les patentes des professeurs de Dorpat1, a reçu pour réponse qu’on ne savait rien d’elles, et m’a dit qu’il ne dépendait que de notre Ministre de les y faire porter si en effet le Sénat avait déjà donné le décret à cet égard. Que faut-il penser de ce que le Comte Savadofsky m’a dit que les patentes sont déjà sorties du Sénat et que leur expédition ne dépendait que de Votre signature? Lorsque je fis part de cela au curateur il me dit qu’il y a trois ans qu’il sollicite le Ministre officiellement et en particulier, par écrit et de bouche, sans rien obtenir, et qu’il n’y a qu’un ordre précis de Votre part au Comte Savadofsky qui pourra terminer. Veuillez, Sire, donner cet ordre. Je compte partir sur la fin de cette semaine. Vous savez que je le dois. D’un autre côté je désirerais beaucoup pouvoir apporter ces patentes aux professeurs; je leur ai écrit que je les apporterais sûrement, et c’est le seul avantage que l’Université comme telle aura de mon voyage, tout le reste de ma mission concerne les écoles.

Pardonnez-moi cette prière. Vous sentirez sûrement que dans ma position elle est bien naturelle.

La copie du plan des écoles paroissiales sera demain. Pourrai-je avoir le bonheur de Vous la présenter Mardi? Vous serez alors délivré de mes importunités, dont je sens le poids autant et plus que Vous-même. Je me mets souvent à Votre place. Que ne puis-je faire le bien sans Vous tourmenter! Que n’ai-je rien que des choses agréables à Vous offrir quand j’ai le bonheur de Vous voir! – Mais non. Si l’art de régner était facile Vous ne seriez pas mon Héros.

118. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg], 7 mars 1807


Sire!

Nous avons déjà le 7 Mars. Permettez-moi de me rappeler dans Votre souvenir. Il m’en coûte beaucoup de le faire persuadé comme je le suis que Vous faites Votre possible. Mais d’un autre côté le temps s’écoule, et peut-être croyez-Vous qu’une semaine de plus ou de moins est de peu d’importance. Voyez, je Vous supplie, le calcul du temps qui m’est donné.

En supposant que Samedi, le 9, Vous fassiez contresigner le plan par le Ministre, je serai obligé d’en attendre la copie officielle au moins 3 jours. Ce sera le 12. Il me faudra ensuite 3 jours pour mon retour à Dorpat, parce que je ne puis pas encore voyager la nuit. J’y arriverai donc au plus tôt le 15. Là il faut que je mette ordre à mes affaires concernant l’Université, les écoles, mes leçons et le cabinet de Physique. Je ne pourrai donc partir pour les 4 gouvernements que sur la fin du mois. Or comme chaque gouvernement me prendra au moins 1 mois de temps je ne pourrai avoir terminé cette mission au plus tôt qu’à la fin de juillet. Je ne parle pas de la perte de mes vacances, ni de mon devoir de me préparer à mes leçons pour le semestre prochain après les avoir négligées si longtemps, je m’en tirerai comme je pourrai. Mais au moins il faut que le 1 Août je sois là pour commencer les leçons avec le semestre, sans quoi ce semestre est perdu du nouveau. Mon devoir de Professeur est mon premier devoir, le seul que je puis remplir sans chagrins.

Veuillez, je Vous en supplie, m’accorder demain au soir quelques minutes pour Vous remettre le plan et un projet de rescript pour ma mission, afin que quand Vous verrez le Ministre samedi matin Vous puissiez lui donner Vos ordres. Ce n’est point impatience, ce n’est point obstination ce qui me fait faire cette prière; c’est la persuasion intime que j’ai que la chose ne peut pas se remettre. Si je pouvais Vous épargner ces désagréments, avec quelle satisfaction je le ferais! Vous savez combien je Vous aime. Vous devez donc sentir combien je souffre.

Votre Parrot

119. Alexandre IER à G. F. Parrot

[Saint-Pétersbourg, 8 mars 1807]1


Il est huit heures et j’ai encore le comte Wassilÿef, qui doit travailler avec moi, il sera donc beaucoup trop tard quand il aura fini, de Vous recevoir. Je Vous propose de venir demain à huit heures, par conséquent nous aurons fini avant que le ministre n’arrive.

[Paraphe]

120. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg], 10 mars 1807


Mon Alexandre chéri! Je suis sorti hier de chez Vous l’inquiétude dans l’âme. À mon arrivée et pendant tout le temps que j’ai passé près de Vous Vous étiez préoccupé. Des soucis, du chagrin même, étaient peints sur Votre physionomie, Vous Vous efforciez de les renfermer dans Votre intérieur pour faire ce que Vous appelez Votre devoir, et Vous oubliiez que tout près l’amitié la plus tendre Vous observait, attendait avec impatience le moment de l’épanchement <de la confidence>. O combien vivement je sens le poids de Votre situation, lorsque réduit à Vous-même Vous êtes forcé de concentrer Vos soucis de renfermer Votre chagrin! Alexandre! Mon Bien-Aimé! Versez-les dans le cœur de Votre ami; confiez-lui Vos peines. Si je ne puis Vous donner un conseil utile, au moins je les partagerai, Vous posséderez au moins un cœur qui les connait, qui sait apprécier Votre cœur. Depuis plus de deux mois que je suis ici je ne Vous ai pas parlé de mon tendre attachement pour Vous. Le peu de temps que Vous pouviez me donner était voué aux affaires. Alexandre! ne croyez pas que cet attachement ait diminué. Pourrais-je cesser de Vous aimer? – Versez donc Vos chagrins dans le sein de cette amitié unique. Ne craignez pas de m’affliger; souffrir avec mon Alexandre, pour lui, est une jouissance pour mon cœur. Mais Vous savoir inquiet, souffrant peut-être, sans partager l’état de Votre âme, est la peine la plus cuisante pour moi.

Fiez-Vous à Votre ancien Parrot. Vous Vous le devez à Vous-même, à l’amitié sacrée qui nous unit, même dans le cas où moi, je serais la cause de Votre chagrin. – Je suis vivement attendri. Que ne puis-je Vous communiquer cette émotion, Vous tendre en cet instant les bras, Vous presser sur mon cœur, Vous forcer par ma tendresse soulager le Vôtre1!

121. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg], 13 mars 1807

Combien il m’en coûte de Vous écrire en ce moment! Je sens de quel poids d’affaires majeures Vous êtes chargé. Mais Vous êtes le seul au monde qui connaisse ma position, le seul qui puisse la décider, le seul auquel mon cœur veuille et puisse avoir recours.

Vous m’aviez fait espérer que je pourrais partir vers le milieu de cette semaine. Les raisons de hâter mon départ Vous avaient persuadé. Votre propre départ est proche, la moitié de cette semaine est passé, et je ne sais encore rien de ce qui regarde mon affaire principale; j’ignore si le plan est copié, si Vous l’avez signé, si le Ministre l’a reçu, si le rescript pour mon voyage existe. Que ne suis-je appelé à attaquer une batterie ennemie! Le sentiment que j’avais en le faisant serait délicieux, comparé à celui que j’éprouve en Vous obsédant journellement par mes lettres. Jamais je n’ai prouvé plus d’attachement à mes devoirs et à Vous qu’en ce moment. N’en veuillez pas pour cela à Votre ami.

Votre Parrot

122. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg], 15 mars 1807


J’ai appris hier après la séance du Directoire que mon Bien-Aimé ne m’a pas oublié. Vous avez donné le plan des écoles paroissiales au Ministre; les membres l’ont signé par voie de circulation chez eux; il ne manque plus que Votre propre signature pour sanctionner ce bienfait insigne que Vous accordez à l’humanité. Mon Alexandre! Combien je Vous suis reconnaissant! Reconnaissant? Non, c’est trop peu pour Vous exprimer le sentiment que j’éprouve pour Vous. Mon cœur me dit que si Vous avez terminé cette affaire importante par amour pour Votre peuple, la manière dont Vous l’avez terminé se rapporte à moi. Combien je dois Vous aimer! Combien je Vous aime. – À présent c’est mon tour d’agir. Alexandre! je Vous promets que j’agirai comme Vous le désirez. Je connais Votre cœur, Vos intentions; je m’y conformerai; Vous serez content de moi.

Vous m’avez promis encore une entrevue. Je ne puis pas y renoncer volontairement; quelques minutes seulement. Cette fois je ne serai pas indiscret. Je voudrais recevoir de Votre propre main le rescript pour ma mission, Vous remercier de bouche et de cœur, Vous serrer dans mes bras. – Vous partez peut-être pour longtemps; Vous partez pour l’armée. Puis-je me défendre de quelque inquiétude? O mon Alexandre!

123. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, 17 mars 1807]

Le lendemain de Votre départ.


Je suis navré de douleur. Les écoles paroissiales sont remises. Je pars demain le poignard dans le cœur.

J’ai été chez le Ministre, prendre congé, espérant qu’il me donnerait le rescript pour ma mission. J’ai reçu pour toute réponse, en lui demandant ses ordres, que l’affaire des écoles paroissiales doit Vous être envoyée encore. J’ai appris ensuite par un de ses secretaires qu’il ne Vous avait pas apporté le Doclad à Votre départ, et que la chose était remise par cette raison. Mais j’ignore si le plan que le Ministre a fait circuler pour la signature est le vrai (vraisemblablement ce ne l’est pas, car Vous l’aviez encore le moment de Votre départ <et Vous ne m’avez pas dit qu’il avait circulé>), j’ignore si Vous le lui avez donné, ce vrai plan, celui que Vous avez corrigé Vous-même, et si Vous l’avez signé préalablement pour prévenir les obstacles1. – Il y a deux ans je vouai 5 mois de mon existence uniquement à cet objet, cette année trois mois. Dans l’intervalle je ne l’ai pas perdu un instant de vue. Grand Dieu! Si le bien, que mon Alexandre veut faire, coûte chaque fois tant d’efforts. – Je t’ai juré de réussir, ou d’en devenir la victime; je tiendrai parole. – Mais Vous, Sire! N’oubliez pas que tous vos serviteurs n’ont pas fait ce serment. Si nous nous revoyons, m’avez-Vous dit en partant. Et si nous ne nous revoyons pas? Si Votre bravoure Vous emporte au-delà de Vos devoirs? Je ne pense pas à moi. Mais je voudrais pouvoir employer les derniers instants qui me resteront alors à Vous faire connaître à la postérité. Le reste est dans les mains de la Providence.

J’ignore ce qui s’est passé depuis le moment que je Vous ai quitté. Mais je sais ce qui en cet instant doit avoir lieu, si la chose doit se faire, si Vous voulez prouver que les circonstances les plus critiques ne peuvent pas Vous détourner un instant de Vous principes. Envoyez le vrai plan au Ministre, déjà signé de Votre main, avec ordre de le publier sans délai. Envoyez-lui le rescript de ma mission, signé de Votre main, avec ordre de me le mettre sur le champ. La feuille ci-jointe en contient les 3 points. C’est quinze jours de perte, je le sens; mais je terminerai pourtant avant le semestre prochain et dans Votre sens. J’y employerai des efforts plus qu’humains; je réussirai, et le mois de septembre verra naître les séminaires.

Je joins le petit mémoire de Klinger. Je crois qu’il Vous plaira. (L’ensemble Vous plaira par sa précision et sa clarté, supposé qu’aucune partie de ses vues ne soit nouvelle pour Vous.) Témoignez-le-lui, pour l’aménager à se rapprocher de Vous. Sa modestie, non son cœur qui Vous est entièrement dévoué, lui tient éloigné.

Adieu, mon Bien-Aimé. Le ciel Vous protège et avec Vous la cause de l’humanité!

124. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 14 avril 1807


Nous sommes au milieu d’avril, et rien ne s’est fait pour les écoles paroissiales; rien n’est venu de Pétersbourg. Je commence à regretter d’avoir préféré mon devoir pour ce travail aux délices de Vous suivre à l’armée. Mon Bien-Aimé! Je rougis de cet aveu; mais jugez par là combien il doit Vous être important de soutenir avec vigueur le bien que Vous commencez. L’honnête homme, quelque décidé que soit son caractère, n’est pas à l’abri de ces moments de découragement si intimement liés à la nature humaine. – Je tiens à mon devoir; j’y tiendrai jusqu’au dernier soupir; et depuis Votre départ j’ai agi en conséquence. J’ai travaillé d’ici dans le sens du règlement pour les écoles paroissiales, avec tous les ménagements possibles, il est vrai, mais cependant ce règlement n’est pas publié; le rescript qui m’autorise n’est pas encore rendu, il est à craindre que les autres autorités, qui dans d’autres cas se permettent d’agir ouvertement contre Votre volonté, ne témoignent dans celui-ci une activité funeste. Vous savez que tout doit être terminé pour la fin de juillet, si Vous ne voulez pas donner encore une année aux machinations. Et puis, Vous savez combien je désire que cette grande question sur l’instruction publique de la classe la plus nombreuse de l’humanité soit décidée précisément dans ce moment de crise, et que Vous prouviez par là à Votre nation et à la postérité que rien n’a pu Vous ébranler dans Vos principes. Vous avez témoigné cette fermeté de caractère, mais à moi seul. Pourquoi voulez-Vous Vous ôter l’avantage de Vous montrer tel que Vous êtes et frustrer Votre nation et l’Europe de Vous aimer, de Vous admirer davantage? – Je suis sûr que Vous me comprenez et que Vous ne regardez pas ce langage comme tendant à Vous inspirer de la vanité. Tous les degrés d’estime que Vous méritez ne sont pas Votre propriété seule. Ils sont aussi la propriété de Votre nation et de tous ceux qui espèrent en Vous. L’objet dont Vous Vous occupez à présent est, il est vrai, le plus important. Mais la fermeté que Vous y déployez Vous est commandée par les événements, et Vous appartient par là en quelque sorte au moins. Vous êtes forcé de faire exception à la règle des monarques de nos jours. Mais tout ce que Vous faites pour l’instruction publique Vous appartient, n’appartient qu’à Vous seul. Aucun motif de danger ni de crainte n’y peut avoir d’influence, bien au contraire!

J’ai compté jusqu’ici les jours et les heures qui s’écoulaient sans fruit. À présent je calcule les jours qui restent pour agir. Ce que j’ai fait abrège de quelque chose le temps nécessaire. Il est encore possible de terminer pour la fin de juillet. Mais les délais doivent cesser. Si le rescript que Vous vouliez rendre pour cet objet ne croise pas cette lettre, faites-le partir, je Vous en supplie, sans délai. Si c’est le Ministre qui doit me le remettre, qu’il sache qu’il doit le faire sur le champ, sans oser le retarder.

La chambre des finances de Riga a reçu du ministre <des finances> l’ordre de donner la terre de Colberg dans la paroisse de Salisburg, en arrende à celui qui a le plus offert et de faire le contrat. Si Votre ordre ne survient pas inopinément pour conserver cette terre au surintendant général de Livonie, il en est frustré, et dans ce moment il n’y a aucune autre terre vacante. Sonntag est obligé d’abdiquer sa place de pasteur qui le nourrissait jusqu’à présent, parce qu’il est impossible qu’il suffise aux deux places. Il commence déjà la réforme de son économie qui jusqu’ici n’était pas même analogue à sa place de surintendant; il veut tout ce qui passe le plus étroit nécessaire, voyant ses espérances évanouies. Conservez à la Livonie cet homme indispensable.

Vous, mon Alexandre chéri! Que la Providence Vous conserve à l’humanité! Je suis éloigné de Vous et chaque instant peut Vous mettre en danger. N’oubliez pas que Vous ne devez pas être soldat, et que ce n’est que sous les ruines de son Empire qu’un Monarque doit s’ensevelir.

Klinger n’a pas eu le bonheur de Vous voir avant Votre départ pour Vous remettre le nom de mon pupille pour être admis au corps des cadets et m’a conseillé de Vous l’envoyer. J’espère que cet enfant deviendra un bon soldat. Je Vous en élève un autre du même âge pour la même carrière, et que j’espère Vous livrer tout formé1.

125. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 9 juin 1807


Sire!

Danzig est tombée et avec elle l’espoir de terminer la campagne cet été1. J’en ai été vivement affecté, non seulement par la perspective de la continuation des maux de cette guerre désastreuse, mais surtout parce que la chute de Danzig met le comble à la vile politique du cabinet de Londres, dont je Vous ai si souvent parlé, à Vous et au Prince Czartorisky. Voyez les fruits de l’alliance avec ce ministère mercantile. Vous Vous battez pour sauver l’Europe que l’Angleterre a mise en feu; Vous Vous battez pour couvrir Votre Empire contre un ennemi que les guerres continentales suscitées par l’Angleterre ont rendu formidable à toute l’Europe; Vous Vous battez originairement pour l’Angleterre. Et dans le moment décisif où la seule bonne volonté de cette nation de marchands pouvait Vous mettre à même de terrasser l’ennemi commun, l’Angleterre abandonne la cause commune, envoie trois misérables Cutter2 à Danzig pour être témoin de la prise de cette ville qui fournit de grands moyens au Brigand couronné, retire sa flotte du canal de Constantinople pour laisser marcher 80 000 turcs d’Asie en Europe contre la Russie. Pendant ce temps-là elle envahit l’Égypte; plus tôt elle fait une descente dans la Calabre pour conserver en cas de réussite les ports du Royaume de Naples et se rendre maître de la Méditerranée et de tout le commerce du Levant. On dit que les flottes anglaises ne pouvaient pas entrer dans la Baltique, parce que Bonaparte avait défendu au Danemark de les laisser passer. Mais lorsque l’Angleterre avait intérêt d’insulter la Russie, la Suède et le Danemark, Nelson passa le Sund et entra dans Coppenhague3. L’Amiral Dunkane4 veut masquer les motifs de sa retraite du canal de Constantinople par un tableau effrayant de la situation militaire de la Porte dans ce canal, et déshonore par cette feinte le fier pavillon anglais. S’il n’avait pas eu des ordres secrets pour cette retraite honteuse il serait déjà livré au tribunal militaire et sa tête sur le billot. La connaissance la plus superficielle de la Turquie prouve que le bombardement de Constantinople et surtout de Sérail, qui est le plus exposé5, est produit une révolution subite en Turquie qui eût paralysé cette puissance, qui Vous cause à présent de l’inquiétude et Vous forcera de renforcer Votre armée de ce côté-là. Et supposé que le désordre causé par là dans le gouvernement turc n’eût pas été jusqu’à ce point, supposé que le passage des Dardanelles fût devenu impraticable, la mer Noire restait ouverte à Dunkane dont le devoir était d’y détruire la flotte turque; ce qui, soutenu des Russes, lui eût été facile, tandis qu’une partie des forces russes et anglaises fussent restées dans la mer de Marmara pour empêcher le débarquement des troupes asiatiques.

Cet hiver déjà l’insidieuse politique de l’Angleterre s’est dévoilée lorsqu’elle refusa à la Suède des subsides pour débarquer une armée sur le continent. Si la Suède avait pu agir comme elle le voulait, 30 000 suédois débarqués à Danzig et réunis à cette garnison auraient pu ouvrir avec succès une nouvelle campagne derrière la Vistule, couper à Bonaparte toute communication avec l’Allemagne, et l’attaquer ensuite immédiatement sur la Vistule pendant que Votre armée l’attaquait de front. Cette seule opération eût terminé la guerre au mois de Mai, et Vous eût donné la Turquie. Mais l’Angleterre ne veut pas terminer la guerre. Il est de son affreux intérêt de Vous tenir en échec par l’armée française pour Vous rendre son secours au prix d’un traité de commerce encore plus ruineux pour la Russie que le précédent; il est de son intérêt de laisser dévaster l’Allemagne et la Prusse pour faire tomber toutes les manufactures de cette nation industrieuse et la rendre tributaire de son commerce. Semblable à l’araignée elle tend ses fils et ses toiles presque imperceptibles en tout sens, enveloppe subitement tout ce qui y touche, suce le sang de ses victimes, et pour le malheur de l’Europe sa profonde politique lui fait prévoir l’avenir avec la même sûreté que l’araignée prévoit le beau temps ou la pluie.

Mais il ne suffit pas de connaître les manœuvres de l’Angleterre; cette connaissance prouve seulement une grande vérité, que la Russie se trouve seule aux prises avec l’ennemi de cette puissance. Il faut prendre des mesures. Quant à l’Angleterre elles se dictent d’elles-mêmes. Il faut faire bonne mine à mauvais jeu et traîner les négociations en longueur. La dignité de la Russie défend tout traité de commerce dans ce moment, et Votre probité Vous défend de signer un traité pour le rompre à la fin de la campagne. Ne passez plus l’Angleterre d’entrer dans la Baltique. Les circonstances peuvent tourner tellement que la flotte anglaise menacerait Cronstadt ou Reval. Danzig comme forteresse est peu de chose; mais comme port, et à portée de la grande armée française, de la plus grande importance. Bonaparte possède sur les bords de la Baltique Elbing, Stettin, Rostok, Lubek et Hamburg. Danzig est le chaînon principal d’une chaîne qui n’est plus interrompue que par Colberg et Stralsund. Danzig lui fournit les moyens de terminer cet ouvrage qui lui livre des ressources immédiates et la communication libre sur mer avec toute l’Allemagne, et ferme cette communication à la Russie. Il est hasardeux de prophétiser en politique. Mais je hasarde cependant de le faire en Vous disant ce que Bonaparte fera, ce que peut-être il a déjà commencé. Le port de Danzig est plein de vaisseaux marchands, parmi lesquels il y en a beaucoup de très gros. Il construira des petits une flottille militaire, et des gros des frégates, qu’il armera avec les canons de Danzig même. L’armée de Boulogne est à la Grande Armée6; ce sont des soldats marins. Les matelots seront pris à Danzig même et des autres ports marchands, et Vous verrez naître dans quelques semaines une flotte française dans la Baltique, qui occupera la flotte russe. Ce projet paraît gigantesque au premier coup d’œil; mais il l’est bien moins que la descente en Angleterre que le ministère anglais lui-même a crue possible; les moyens sont là; et cette flotte attaquera Colberg et Stralsund par mer et fera tomber les deux seules forteresses que l’Europe possède encore sur ce côté de Baltique. Prévenez cette grande opération par Votre flotte. Faites amener Votre Scheerenflotte7 sur Danzig, soutenez-la de tous les vaisseaux de ligne qui sont à Cronstadt et Reval. Que Weichselmünde soit pris d’assaut, avant que les français en aient fait une forteresse, pour mettre le feu à tous les vaisseaux marchands qui sont dans le port. Détournez l’attention de l’ennemi de ce point important par de grandes manœuvres vraies ou simulées de la grande armée. Si j’eusse commandé à la place de Kalckreuth, Bonaparte n’eût pas trouvé un bateau dans le port. Le jour avant la capitulation je les eusse brûlés jusqu’au dernier. Les marchands de Danzig en seraient-ils plus riches en livrant cette importante ressource à l’ennemi?

Sire! ne méprisez pas cet avis. La politique, il est vrai, n’est pas mon métier. Mais l’expérience Vous a prouvé que mes simples calculs sont fondés. Je voulais Vous écrire plus tôt; mais l’indignation que la prise de Danzig m’a inspirée eût mis de la violence dans ma lettre, et je sais que Vous n’aimez pas le style passionné.

Permettez-moi de passer de ces objets extérieurs à l’intérieur. L’Ukase pour les écoles paroissiales n’a pas encore paru. Et tout le bien qu’il fera et que Vous désirez Vous-même autant que moi risque d’être remis, peut-être anéanti. J’ai fait de mon côté tout ce que j’ai pu pour gagner du temps. Fondé sur ce que Vous dites à Votre départ en me montrant cet Ukase complètement terminé, j’ai tout préparé pour établir les séminaires au mois de Septembre, L’Université fait déjà des accords pour le local et engage des maîtres <pour ces séminaires>. Si l’Ukase ne paraît pas sous peu, je me trouverai dans le plus grand embarras, de même que l’Université qui prend ces arrangements préliminaires sur la parole que je lui ai donnée que le plan des écoles paroissiales a déjà été sanctionné par Vous et qu’il paraîtra incessamment. Veuillez, je Vous en supplie, me sacrifier 5 minutes pour me tirer de peine.

Votre armée a vaincu à Guttstadt et à Heilsberg8. Y étiez-Vous? et ai-je lieu de craindre pour Votre personne si sacrée à toute l’humanité?

Votre Parrot


Quand aurai-je le bonheur de Vous revoir?


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