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Автор книги: Андрей Андреев


Жанр: Зарубежная образовательная литература, Наука и Образование


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141. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg], 10 janvier 1809


Me voici depuis Mardi dernier à Pétersbourg1. Je ne Vous l’ai pas annoncé plus tôt pour laisser passer les grandes fêtes que le séjour du Roi et de la Reine ont occasionnées. Si Vous pouviez bientôt m’accorder quelques instants, Vous me rendriez heureux. Mon cœur le désire vivement et les affaires que j’ai à Vous présenter sont d’une grande importance et nombreuses.

Votre Parrot

142. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, 21 janvier 1809]


À présent que Vos Hôtes Vous ont quitté1 permettez-moi, mon Bien-Aimé, de me rappeler à Votre souvenir. Vous savez combien mon cœur désire ne pas être oublié de Vous, et le temps de mon départ approche. Des 30 jours de vacances que j’ai 20 sont déjà écoulés, et j’ai à présenter des choses que Vous jugerez Vous-même être d’une grande importance et qui pourront à peine être terminées dans ce court espace de temps. Si Vous aimez Votre Parrot, prouvez-le-lui en ne le faisant pas trop attendre; les jours et les semaines s’écoulent si vite.

143. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg], 26 janvier 1809


Sire!

J’ai presque honte après la longue soirée d’hier que Vous m’avez accordée de revenir si tôt à la charge. Mais c’est pour Vous prévenir sur le mélange d’une parcelle d’argent à la nouvelle monnaie de cuivre dont Vous m’avez parlé et que je crains de voir décrétée au Comité des Ministres.

Celui qui Vous a proposé cette idée n’a calculé ni la chose ni les hommes, sans cela il s’est trouvé que cette idée est ou impraticable ou pernicieuse. Il n’y a que deux manières possibles d’exécuter ce mélange: Ou l’on met cette parcelle d’argent dans la fonte en alliage, ou l’on ne fait qu’argenter les pièces. Pour le premier cas la Russie ne fournira pas dans 20 ans l’argent nécessaire; car en supposant que cette parcelle alliée ne soit que 1/100 du poids de la monnaie, et à cette proportion le peuple ne s’apercevra pas encore à la coûter que sa monnaie n’est pas du simple cuivre, il faudrait une masse immense d’argent; car en supposant 100 millions de Roubles en cuivre à refondre, cela fera un poids de plus de 60 000 Puds d’argent nécessaires pour cet alliage. Si la Russie avait une masse pareille d’argent à sa disposition les assignats servaient plus qu’au pair de l’argent.

Si on voulait seulement argenter le nouveau cuivre, le peuple s’en apercevrait d’abord et déclarerait cette nouvelle monnaie fausse, sans qu’on puisse après coup lui faire entendre raison là-dessus. Le gouvernement serait compromis, l’amour et l’estime du Souverain perdus.

Il vaut beaucoup mieux être vrai tout simplement; le peuple peut être éclairé, parce qu’il s’agit ici de son propre intérêt et je m’engage à faire la minute d’une proclamation à cet égard qui fera sûrement l’effet désiré.

Vous voyez, Sire, avec quelle légèreté on Vous présente des projets et je crains que le collège des Ministres, dont deux seuls entendent ou doivent entendre cette partie, ne prenne des mesures fausses. Choisissez le mode que je Vous proposais hier. Le Ministre des finances, du commerce, Würst et moi pourraient composer un comité particulier auquel Vous présideriez, où Vous entendriez les raisons de part et d’autres; c’est l’affaire de deux heures. Ensuite Vous pouvez présenter la chose au comité officiel des Ministres. Donnez-moi à travailler pour le peu de jours que j’ai encore à rester ici. Je voudrais Vous servir, mon Bien-Aimé, chaque jour, chaque heure de ma vie.

Deux Ministres ne peuvent point réputer à déshonneur de siéger avec un homme comme Würst parfaitement versé dans la chose en question et avec un Professeur de Physique qui n’est pas le dernier dans sa partie. Ne prenez pas cela pour de l’orgueil de ma part. Vous savez que je fuis le commerce des Grands comme les distinctions. Mon seul désir est que Vous agissiez avec le plus de sûreté et de célérité possible. Une bonne chose ne doit pas être remise.

144. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, 30 janvier 1809]


Nous avons aujourd’hui le 30, mon Bien-Aimé! C’est proprement le terme où je devrais retourner à Dorpat. Ne Vous serait-il pas possible de m’accorder ce soir une heure? Outre le télégraphe j’ai encore des choses de la plus grande importance à Vous présenter sur l’instruction publique. Mr. Spéransky m’a fait dire d’aller demain chez lui pour l’Ukase que je Vous avais prié de donner1. – S’il Vous est possible, daignez me faire appeler ce soir2; demain Vous avez l’hermitage et le commencement de la semaine est rarement le temps où Vous pouvez me voir.

Pardonnez-moi mon importunité. Mais je n’ai de toute l’année que ce mois de janvier pour être ici. Ne Vous fâchez pas contre

Votre Parrot.

145. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, 31 janvier 1809]1


Mon Bien-Aimé!

Je prends les arrangements concernant le télégraphe pour partir demain, Mr. de Spéransky m’ayant promis les patentes pour aujourd’hui. Permettez-moi de faire mon testament à mon ancienne manière, c.à.d. de Vous rappeler brièvement les objets principaux que je Vous ai présentés de bouche.

La refonte des monnaies de cuivre. L’objet est très important pour Votre peuple et pour Vous-même. Ne le perdez pas de vue. Hâtez en l’exécution. Ce que Vous reconnaissez pour bon ne doit pas être remis.

Le changement si nécessaire dans le ministère de l’instruction publique. Mon Alexandre! Si je devais mourir demain et que j’eusse à Vous donner le dernier conseil, celui que je croirais le plus salutaire, le plus digne de Votre règne, ce serait celui que je Vous ai donné hier. Vous sentez que ce n’est que l’instruction de Votre nation qui peut Vous former une meilleure génération pour Vous servir, Vous et Votre peuple, et ce beau projet que Vous avez conçu est inexécutable si Vous ne le confiez à une main ferme et sûre. Klinger est le seul qui puisse le réaliser. Il a combattu pendant 6 ans infructueusement. Donnez-lui l’autorité nécessaire. Relevez son espérance abattue par l’idée que Vous l’avez rebuté en lui refusant la seconde classe de l’ordre de Wolodimir qu’il n’a pas demandée mais dont le refus l’a navré après trente ans de services rendus en homme de gloire et avec un attachement à Votre personne bien rare. Vous avez cette opinion de lui et c’est à Vous à dominer l’opinion des autres. Honorez-le aux yeux du public puisque Vous l’honorez intérieurement. Faites cela avant Votre départ pour la Finlande2. Je Vous en supplie. Titus ne perdait pas un jour. Vouloir réparer le mal en donnant des ordres spéciaux au Ministre n’aboutirait qu’à faire détester Dorpat encore davantage à cause de moi. Pour réussir il faut confier l’exécution de ce qui Vous est cher à des hommes qui aiment ce qu’ils ont à faire. Ce n’est qu’alors que Vous serez bien servi. Vous avez encore, m’avez-Vous dit, un homme de caractère à mettre à l’instruction publique3. Sire! il ne sera pas de trop. Faites-le Curateur de l’Université de Cazan. Rumofsky est absolument incapable et il est assez vieux pour mériter sa retraite.

Les écoles paroissiales. Vous n’avez rien décidé hier à ce sujet. Je Vous supplie de me dire par un billet crayonné de Votre main chérie si Vous voulez les établir ou non. Mr. Repieff me secondera sûrement dans l’exécution pour la Livonie. Peut-être que les frais pour les séminaires Vous en empêchent. Dites-le-moi, mon Bien-Aimé. Je suis occupé depuis 4 ans de cet objet important; cela me ronge. Donnez-moi une décision. Je souffrirai de la négative, mais je souffre bien davantage de l’incertitude.

Soyez charitable envers Sonntag. Voudriez-Vous que le besoin le forçât à chercher ailleurs son pain? <Je sais qu’on lui a fait des offres; il les a refusés parce qu’il est attaché à Votre règne.>

Adieu, mon Alexandre chéri! C’est pour une année entière. Soyez heureux en tout ce que Vous ferez! – Dieu puissant, protège Le. Conduis mon Bien-Aimé dans sa pénible et difficile carrière!

Annexe

[Mémoire sur la réforme des monnaies de cuivre en Russie]


La proportion actuelle de la valeur numéraire du cuivre à sa valeur commerciale est comme 16 à 30 ou 35. Ainsi la Couronne assure sur tout le cuivre qu’Elle fait monnayer une perte moyenne de 110 p. C. Cette perte en cause une seconde encore plus considérable; le cuivre monnayé se perd à l’étranger en contrebande ou est refondu dans les usines de cuivre, et la nation se trouvant par là appauvrie en numéraire tombe dans les mains des juifs de toutes les religions.

Pour faire rester le cuivre monnayé en circulation il n’est qu’un moyen, celui de le monnayer à un titre qui réponde à sa valeur dans le commerce, c’est à dire le poud à 35 Roubles. La Couronne y gagnera annuellement 118 ¾ p. C. Il y a deux manières de faire cette opération.

La première et la plus simple est de faire battre la nouvelle monnaie au nouveau titre et de donner un titre double à l’ancienne sans la rebattre d’abord. Pour la faire disparaître petit à petit il suffira de donner sur l’échange deux ou trois pour Cent de profit, ce qui peut se faire sans perte de la part de la Couronne, les anciennes monnaies étant de 118 ¾ pour Cent plus pesantes que ne seront les nouvelles. Ce petit profit qu’on accordera sur l’échange fera refluer petit à petit les anciennes monnaies aux hôtels des monnaies et au bout de quelques années elles se trouvent d’elles-mêmes hors de cours. Cette opération a le désavantage de frustrer la Couronne du profit du moment qui est considérable.

La seconde manière d’opérer consiste à rebattre d’abord les anciennes monnaies. La difficulté est de les faire refluer en peu de temps dans les hôtels des monnaies. Pour y parvenir il suffira d’abandonner une partie du profit aux particuliers en publiant une ordonnance qu’au bout d’un certain terme les vieilles monnaies n’auront plus de valeur numéraire et qu’elles doivent être échangées en sorte que pour 5 copeeks de vieille monnaie le particulier recevra 6 copeeks de nouvelle monnaie. Le paysan le plus ignare préférera un gain sûr de 20 p. C. à la perte totale de son numéraire, et dans les contrées où cela n’aurait pas lieu, on peut s’en fier à l’adresse des marchands et des usuriers qui sauront soutirer l’ancienne monnaie pour s’approprier le profit du change.

Pour exécuter cet échange il faudra préalablement faire battre à tous les hôtels des monnaies le plus de monnaies nouvelles qu’il sera possible et établir dans toutes les villes quelque petites qu’elles soient des bureaux d’échange où l’on fera transporter la nouvelle monnaie et d’où la vieille sera transportée aux hôtels des monnaies. Ce double transport se fera aux frais de la Couronne, mais à un prix fixé par Elle moindre que le prix courant mais suffisant pour couvrir les frais que les voituriers par terre et par eau auront à ce transport. Les voituriers et bateliers de tout l’Empire seront pour cet effet mis en réquisition chacun en proportion de ses forces. Comme cette partie de la nation a fait dans ces derniers temps des profits énormes il est juste qu’elle contribue sans profit et sans perte à cette opération de l’État.

Dans la supposition que tout le numéraire en cuivre à présent en circulation se monte à 100 Millions de Roubles (il est presque impossible de l’estimer au juste) sa valeur sous le nouveau titre sera de 218 ¾ Millions, et comme la Couronne donnera 20 p. C. d’agio à l’échange, elle paiera 120 Millions en nouvelle monnaie et aura par conséquent un profit de 98 ¾ Millions. Mais il faut en déduire les frais de transport. Les 100 Millions de vieille monnaie feront un poids d’environ 5 ½ Millions de Pouds et on peut admettre que le transport de chaque Poud revienne à un prix moyen de 1 Rbl. Par conséquent le double transport de cette masse de cuivre reviendra à 11 Millions de Roubles, qui déduits des 98 ¾ Millions laisseront un produit net de 87 ¾ Millions.

Cette opération loin de nuire au cours des assignats lui sera favorable. D’un côté il est généralement connu que le cuivre en circulation ne peut plus servir d’hypothèque à la quantité d’assignats existante. La preuve en est dans la difficulté de change, difficulté qui dans quelques provinces va jusqu’à l’impossibilité. D’un autre côté, la Couronne se trouvant en possession de 87 millions de Roubles en cuivre monnayé de plus qu’auparavant et dont le transport est de moitié plus facile, Elle rétablira les anciennes banques, où l’on pourra journellement convertir les papiers en cuivre, d’autant plus facilement que, le cuivre monnayé ne disparaissant plus, sa quantité augmentera d’année en année et servira enfin d’hypothèque réelle proportionnée aux assignats en circulation.

On objectera peut-être contre tout ce projet que le peuple, surtout dans les provinces de l’intérieur, en murmurera. Mais si cette objection était fondée il s’en suivrait que jamais aucune réforme ne pourrait avoir lieu dans les monnaies, que le cuivre pourrait atteindre une valeur commerciale décuple de sa valeur numéraire sans qu’on osât changer son titre, et que par conséquent la nation devrait finir par n’avoir plus de monnaie. Le gouvernement doit, il est vrai, être assez sage pour ne pas abuser de la possibilité de pareilles opérations; mais il doit en même temps être assez vigoureux pour les faire et les soutenir quand elles sont nécessaires. Et pour le cas présent il ne s’agit pas même de vigueur. Il suffit d’éclairer la nation sur ses vrais intérêts. Les idées sur lesquelles roule le système des monnaies ne sont pas si abstraites qu’il ne soit possible de rendre populaires celles qui tiennent à la réforme en question. Il ne faudra par conséquent que publier ces idées par les voies ordinaires et extraordinaires que le gouvernement a en main.

Enfin il serait à désirer que les nouvelles monnaies portassent l’image du Souverain; le peuple y attache du prix avec raison; il se plaît à voir souvent l’image d’un Monarque qu’il adore, d’autant plus qu’il a si rarement le bonheur de le voir en personne.

146. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat, mai 1809]1


Vous avez oublié ou abandonné mon télégraphe que je Vous avais rapporté dans ma dernière lettre <ou bien Vous n’y prenez plus d’intérêt>2. Soit. Permettez-moi de Vous présenter une autre invention, médico-chimique, d’un professeur Grindel qui mérite Votre attention et qui Vous prouvera de nouveau que les membres de Votre Université de Dorpat, outre leurs fonctions de professeurs, s’occupent avec succès d’objets d’une utilité générale. C’est un surrogat pour le quinquina qui est déjà à un prix énorme et qui manquera bientôt tout à fait en Russie. Ce surrogat n’est pas autre chose que le caffé non brûlé. Grindel a analysé le quinquina avec plus de soin que ses prédécesseurs, a trouvé comme bases principales un acide particulier qu’il nomme acide de quinquina et de la colle, et s’est assuré que c’est à ces deux substances que le quinquina doit ses effets médicaux. Il a ensuite cherché ces mêmes bases dans plusieurs autres végétaux et ne les a trouvées que dans le caffé non brûlé, mais en plus grande dose que dans le quinquina même. Il a conclu de là que le caffé doit produire des effets analogues. Des expériences devaient décider. Il les a fait faire par plusieurs médecins tant de l’Université que de la ville, d’abord sans nommer le surrogat; les premières en juillet 1808. Puis il a publié le secret dans le petit livre ci-joint. À la fin d’avril nous avions à Dorpat plus de 100 expériences, faites sur des gens du commun et des personnes de qualité, de tout sexe et de tout âge depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse. Ces expériences se répètent en plusieurs autres villes, surtout à Reval et à Moscou, toujours avec le même succès, en sorte qu’à cette époque il existait plus de 200 expériences. Ces expériences que l’on continue sans cesse ont prouvé jusqu’à présent que le caffé comme le quinquina est applicable comme infusion, comme décoct, comme extrait et en substance.

Employé de ces différentes manières le caffé a guéri les fièvres de toute espèce, intermittentes, catarrhales, putrides, nerveuses etc. souvent avec plus de succès que le quinquina même, et a été reconnu comme spécifique dans quelques complications où le quinquina ne faisait aucun effet. La chirurgie en tire également des avantages considérables pour les plaies gangréneuses et les caries. Notre célèbre professeur de chirurgie Kautzmann l’a trouvé généralement plus efficace que le quinquina même.

Longtemps avant la publication de ce remède le professeur Grindel a envoyé de l’extrait de caffé tout préparé et la description à Mr. Wylie Votre chirurgien, déjà en Octobre de l’année passée, avec la prière de faire faire des expériences dans les nombreux hôpitaux qui sont à ses ordres, mais n’a encore reçu aucune réponse. C’est ce qui l’a engagé à faire imprimer la description ci-jointe, voyant qu’on ne faisait point d’expériences là où elles sont les plus faciles et où c’est un devoir sacré de les faire. Le prix du caffé était avant l’interruption du commerce moins d’un Rouble par livre, celui du quinquina n’a jamais été au-dessous de 3 Rbl. À présent le caffé coûte 2 Rbl., le quinquina 25 Rbl. Cette énorme différence du prix, la sûreté qu’on ne manquera jamais de caffé en Europe, le caffé étant un objet de luxe d’une énorme consommation, et la sûreté en outre que le caffé ne peut jamais tout à fait manquer comme objet de culture, le quinquina au contraire commençant déjà à devenir plus rare en Amérique même et de moindre qualité, tout concourt à attacher à cette découverte une grande importance, et je crois de mon devoir de Vous prier d’accorder au Professeur Grindel une récompense proportionnée puisqu’il a eu la loyauté de confier ce secret à Mr. Wylie et ensuite de le publier sans aucun intérêt pécuniaire qu’un homme intéressé à sa place eût bien su faire valoir3.

147. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat], 18 août 1809


Sire!

Ne brûlez pas cette lettre sans la lire. Quelque raison que Vous croyez avoir d’être fâché, lisez-la, je Vous en conjure, pesez-en le contenu. C’est pour Vous que je l’écris, pas pour moi; et je l’écris dans la persuasion que je m’aliène de nouveau un homme puissant, qui reconnaîtra dans ces conseils celui qui Vous les a donnés1.

Votre Ukase du 6 Août touchant les avancements m’a fait un bien sensible plaisir, non pas pour les Universités; car si d’un côté Vous leur donnez une nouvelle preuve de Votre haute confiance, de l’autre Vous les chargez du travail le plus épineux et le plus ingrat qu’on puisse imaginer2. Je me suis réjoui de cet Ukase parce qu’il prouve qu’en dépit des clameurs Vous marchez ferme dans la route que Vous Vous êtes tracée. Mais quel a été mon étonnement lorsque j’ai lu l’article annexé qui règle le mode des examens! Mon cœur s’est resserré et en ce moment j’ai douté qu’un génie tutélaire veille sur la Russie. Dois-je Vous tout dire? J’ai ouï l’opinion du public ici et à Pétersbourg. Ce règlement des examens, fautif en tout point, sert d’arme à la méchanceté pour rendre tout l’Ukase ridicule, et en ce moment j’ai déjà sous les yeux une lettre où l’on offre 500 Rbl. pour faire passer un ignorant par cet examen, puisque, dit-on, cet examen est en soi inexécutable. Je ne parle pas des fautes scientifiques de cet examen, où par ex. on confond le droit criminel et l’économie politique dans la même rubrique; mais je parle de l’essentiel qui contredit directement le sens moral et littéral de l’Ukase.

L’Ukase ordonne que quiconque veut obtenir le rang d’assesseur de collège doit subir l’examen prescrit. Or, outre les sciences préliminaires, telles que l’histoire, géographie, mathématique, physique etc., se trouvent rangées toutes les parties de la jurisprudence et l’économie politique en sus. Je me tais sur l’impossibilité de subir un examen dans tant de parties; mais il est au moins évident que cet examen n’est que pour les hommes de loi, et cependant l’Ukase est général et doit l’être. Sûrement Vous l’avez voulu, Votre idée ne pouvant pas être qu’il n’y ait que pour la jurisprudence des hommes instruits en place, et que tous les autres départements civils soient peuplés d’ignorants. Pourquoi donc faire examiner dans toutes les parties de la jurisprudence un homme qui est dans le commerce, dans les mines, dans les manufactures, dans le département des canaux etc.? Vous confiez les examens aux universités parce que ces corps réunissent à un haut degré de considération morale l’avantage de posséder des hommes versés dans toutes les sciences. Pourquoi donc restreindre les examens à la jurisprudence? Pourquoi donner à la malignité l’avantage de dire que personne dans l’Empire russe ne peut obtenir de rang que les jurisconsultes? Cette injustice n’est ni dans Vos vues ni dans Votre caractère. C’était au contraire le moment de frapper un grand coup en faveur de toute l’administration en déclarant que les sujets qui veulent entrer dans les emplois doivent se former spécialement pour ces emplois et ne seront point transférés comme jusqu’à présent d’un département dans un autre. Ce défaut est la gangrène de l’Empire. Quiconque sait tout ne sait rien. Ce nouvel ordre de choses aurait en outre l’avantage inappréciable que les collèges subordonnés aux ministres deviendraient des êtres moraux, et cesseraient d’être des machines dérivantes. Quand Vous voulez avoir un avis mûr et raisonné sur une partie Vous êtes obligé de chercher les hommes instruits dans la partie comme on cherche une épingle, pour en former un comité particulier.

Ce règlement des examens pêche encore dans la forme, doublement. D’un côté il est minutieux en prescrivant de petites manœuvres qui lorsqu’elles sont nécessaires se prescrivent d’elles-mêmes mais dont la publicité fait un mauvais effet. Sire! si celui qui a conçu ce règlement avait une connaissance des Statuts des universités (et quiconque fait des règlements que les universités doivent exécuter doit avoir cette connaissance) il aurait trouvé au § 72 et 74 de nos Statuts que l’examen nécessaire en ce cas y est déjà prescrit et exprimé d’une manière digne de la chose. D’un autre côté le règlement prescrit que chaque Université nomme un comité composé du Recteur et de trois membres pour ces examens. On suppose donc que 4 professeurs pourront satisfaire à ces examens. Cela est impossible, parce que nul professeur ne consentira jamais à examiner dans une partie qui lui est étrangère. Notre Université qui veut faire en effet et non par pure forme ce que Vous ordonnez a tâché de remédier, mais en secret, à ce défaut en décidant que ce comité a droit de requérir tel professeur qu’il jugera nécessaire. Je dis en secret car nous n’osons ni faire des remontrances ni corriger les fautes qui viennent d’en haut.

L’Ukase est général pour tout l’Empire. Mais le règlement des examens exige la connaissance approfondie de la langue russe. Dans nos provinces nous n’avons peut-être pas 5 fonctionnaires qui puissent subir cet examen, et la raison de cela est que jusqu’à présent il n’y avait point de moyen d’apprendre cette langue. En ce moment même l’Université après les plus grands efforts n’a pas encore pu trouver des maîtres russes pour toutes nos écoles et les deux tiers de ceux que nous avons pris faute de meilleurs ne valent rien. Les avancements sont donc impossibles dans ces provinces. Et sûrement ce n’est pas ce que Vous avez voulu, car Vous m’avez dit plus d’une fois que le travail qui vient de ces provinces est généralement le meilleur pour la conception et l’ordre des idées.

Voila ce que j’avais à Vous dire sur l’essentiel de la chose; à présent permettez-moi quelques autres remarques non moins importantes.

Outre les examens des candidats pour les places et les rangs les universités accordent selon leurs Statuts les titres de Docteur et de Magister qui (§ 15 de l’Acte de fondation) rangent avec la 8e et 9e classe. Il fallait donc mettre l’Ukase du 6 Août en rapport avec cet article et encourager les degrés supérieurs de l’instruction en déclarant que ceux qui obtiennent ces grades académiques ont le pas sur ceux qui n’ont subi que l’examen des candidats lorsqu’il s’agit d’avancement soit dans les rangs soit dans les places, sans cela ces grades sont annulés de fait.

Le Prince Kourakin est venu à bout d’ôter aux facultés de médecine le droit d’examiner et de graduer ceux qui n’ont pas étudié à leur université3. Je sais bien que ce n’est pas Votre faute. Le comité était composé de personnes qui devaient soutenir les droits des universités. Klinger l’a fait aussi; mais notre Ministre a fait le contraire, et l’intérieur l’a emporté sur l’instruction dans une chose d’instruction. Je n’ignore pas que la faculté avait commis une faute contre la forme littérale et elle a prouvé qu’elle n’a pas pêché contre le sens de la loi4. Mais la forme est tout; le sens n’est rien. En donnant l’Ukase du 6 Août c’était le moment de réparer la faute qui en jetait un soupçon sur une faculté entière comprenant les universités en corps. Quand on a ôté une fois une pierre d’un fondement d’un édifice les autres s’ôtent facilement et le tout s’écroule. O! si Vous aviez le temps de m’écouter je Vous dirais bien d’autres choses encore sur les universités. Nous en sommes déjà à ne plus pouvoir trouver de professeurs pour remplir les places vacantes. La pente des affaires mènera loin, sans bruit! En étendant l’activité des autres facultés pour les examens il fallait y comprendre la faculté de médecine qui par ses travaux extraordinaires pour les hôpitaux militaires et les étudiants de la couronne avait mérité d’être au moins égalisée aux autres facultés.

* * *

Je Vous ai fait voir le mal. Le réparer n’est pas difficile, sans Vous compromettre. Il suffit de l’addition de quelques articles. Permettez-moi de Vous les proposer.

Comme Nous avons appris que Notre Ukase du 6 Août de cette année a été malcompris, Nous ordonnons en sus ce qui est contenu dans les articles suivantes:

1) Le règlement pour les examens ne doit pas être restreint à la partie de la jurisprudence, mais doit s’étendre à toutes les parties de l’administration. Ainsi quiconque veut se soumettre à l’examen notifie à l’université la partie dans laquelle il sert ou veut servir, et l’université nomme le comité des examinateurs en conséquence ou fait faire l’examen par la faculté correspondante selon les lois prescrites dans les Statuts des universités pour les Candidats.

2) Le Directoire de l’instruction publique fera faire par les universités un catalogue des parties scientifiques, essentielles et préparatoires, nécessaires pour chaque partie de l’administration, et composera de ces catalogues fournis par chaque université un catalogue général qui servira de règle dans tout l’Empire pour les examens. Le résultat de chaque examen se réglera principalement par les connaissances que l’individu qui a subi l’examen aura montrées dans les parties essentielles.

3) Ceux qui ont obtenu le grade de Docteur ou de Magister aux universités de l’Empire doivent être préféré à ceux qui n’ont subi l’examen ci-dessus [que] pour l’avancement et pour les emplois.

4) Dans les provinces où la langue russe n’est pas la langue maternelle la connaissance intime de cette langue n’est pas pour le présent une condition absolue pour l’avancement, parce que les instituts d’instruction publique n’ont pas encore pu obtenir le degré nécessaire de perfection à cet égard. Au reste ceux qui joignent la connaissance de la langue russe aux connaissances de leur partie ont un droit de plus à l’avancement.

5) Les facultés de médecine prennent part à ces examens comme les autres facultés et ce qui a été ordonné dans les Statuts des universités à l’égard des promotions reste en vigueur; ce qui ne déroge point aux ordonnances pour le Département de médecine.

Ne regrettez pas le temps que Vous avez mis à lire cette longue lettre, et faites que je puisse bientôt Vous remercier de son effet. Mais que dis-je? Le temps de Votre confiance est passé, malgré ce que Vous m’avez dit l’hiver dernier. Quand pourrai-je aussi Vous être infidèle?

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